Pakistan: le Parlement adopte une réforme renforçant le contrôle de l'appareil judiciaire

15:3621/10/2024, Monday
AFP
Le Parlement pakistanais à Islamabad.
Crédit Photo : Aamir QURESHI / AFP
Le Parlement pakistanais à Islamabad.

Le Parlement pakistanais a adopté lundi une réforme constitutionnelle élargissant ses pouvoirs sur la Cour suprême, un vote dénoncé par l'opposition et des syndicats d'avocats qui y voient un moyen "d'étouffer" la justice.

Cette réforme, que le gouvernement tentait de faire passer depuis plusieurs semaines, a été votée à une courte majorité, à quelques jours du départ en retraite de l'actuel chef de la Cour suprême, le juge Qazi Faez Isa.


Le juge Mansoor Ali Shah aurait dû lui succéder en tant que doyen en âge. Or, ce magistrat est considéré comme ayant rendu des jugements systématiquement favorables à l'ancien Premier ministre aujourd'hui emprisonné, Imran Khan, 72 ans.

Avec la réforme, le chef de la Cour suprême sera désormais désigné par une commission parlementaire pour une durée de trois ans. L'objectif de ces changements
"est de bloquer les décisions de justice qui entravent (le fonctionnement) du Parlement"
, a expliqué le ministre de la Défense Asif Khawaja.

Sardar Shahbaz Ali Khan Khosa, du syndicat du barreau de la Cour suprême, a dénoncé auprès de l'AFP
"une tentative délibérée de saper l'indépendance de la justice"
.

Le Parlement
"tente de démantibuler les principes fondamentaux de la Constitution"
, s'est-il inquiété. Son confrère Riasat Ali Azad, président du syndicat de la Haute cour d'Islamabad, a également condamné
"une attaque flagrante de la Constitution, du droit et de l'indépendance de la justice"
.

Le Tehreek-e-Insaf (PTI), le parti d'opposition de M. Khan, a boycotté le vote. Omar Ayoub Khan, son chef, a dénoncé des changements
"ayant pour effet d'étouffer un système judiciaire libre"
.
"Ils ne représentent pas le peuple"
, a-t-il lancé, jugeant que le gouvernement n'a pas la légitimité pour modifier la Constitution.

Les tensions se sont récemment accrues entre l'exécutif et l'appareil judiciaire. En juillet, la Cour suprême a déjugé la commission électorale qui avait contraint les candidats du PTI à concourir comme indépendants lors des législatives.

Pour Bilal Gilani, à la tête du principal institut de sondage du pays, la réforme permet un rééquilibrage empêchant la partialité des juges. Mais
"la réforme a une autre face sombre: elle crée un système judiciaire plus réceptif aux préoccupations du pouvoir"
, a-t-il jugé auprès de l'AFP.

Le grand quotidien pakistanais en anglais Dawn anticipe désormais
"une nouvelle confrontation entre le clan de la justice et le gouvernement"
.

Le parti du Premier ministre Shehbaz Sharif, le Pakistan Muslim League-Nawaz (PML-N), a réussi à rassembler la majorité des deux-tiers nécessaire pour l'adoption du texte grâce au soutien de son rival historique, le Parti du peuple pakistanais (PPP).

Il a également reçu les votes d'une poignée de députés affiliés au PTI, après une décision de justice récente autorisant les députés à passer outre les consignes de vote de leur groupe pour certains textes majeurs.


La coalition gouvernementale avait besoin de 224 votes pour passer la réforme et en a décroché 225, selon la retransmission de la séance sur la télévision d'État. M. Sharif a salué
"un jour historique qui affirme la suprématie du Parlement
".

Depuis la partition du Pakistan et de l'Inde en 1947, Islamabad a voté 22 amendements à sa Constitution. Un nouveau Conseil constitutionnel sera également formé selon le nouvel amendement adopté à l'aube.


M. Khan, au pouvoir de 2018 à 2022, est confronté à des accusations de corruption dans le cadre de procédures passées devant différents tribunaux, dont l'un a ouvertement fait état d'intimidations de la part des services de renseignement.

En juillet, un panel d'experts de l'ONU a qualifié la détention de M. Khan d'
"arbitraire",
appelant à sa libération
"immédiate"
. Ses partisans s'étaient massivement mobilisés lors de son arrestation il y a plus d'un an et continuent régulièrement de manifester.

Récemment, dix députés de son parti ont été arrêtés et présentés à un juge anti-terroriste quelques jours après l'adoption d'une loi encadrant les manifestations à Islamabad.


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