Le bâtiment de la Commission européenne à Bruxelles. Crédit photo: PHILIPPE HUGUEN / AFP / ARCHIVE
La Commission européenne proposera mercredi un texte encourageant les biotechnologies génétiques, promesse de semences plus résistantes et durables pour les uns mais "OGM cachés" pour leurs détracteurs: un nouveau front clivant en pleine bataille sur le Pacte vert de l'UE.
"L'idée est d'apporter aux agriculteurs de nouveaux outils pour développer des plantes utilisant moins de pesticides, mieux adaptées au changement climatique, car moins gourmandes en eau ou plus résistantes aux sécheresses"
, explique-t-on au sein de l'exécutif européen.
Appelée en anglais NBT ou NGT, une kyrielle d'outils d'édition génomique apparus ces dernières années modifient le matériel génétique des plantes sans ajout extérieur, à la différence des OGM dits "transgéniques" introduisant un gène d'une espèce différente.
"C'est la voie à suivre (...) Les plantes produites par NGT peuvent soutenir la durabilité"
de l'agriculture européenne et renforcer sa
en accroissant la productivité, martelait en avril la commissaire à la Santé, Stella Kyriakides.
Pour Bruxelles, les règles drastiques encadrant les OGM (longue procédure d'autorisation, traçabilité, étiquetage, surveillance...) sont
à ces nouvelles biotechnologies.
Dans le projet du texte, consulté par l'AFP, la réglementation OGM ne s'appliquerait plus aux semences et produits NGT présentant des modifications susceptibles de se produire naturellement ou via des croisements traditionnels.
Sous conditions dépendant du type et le nombre de mutations pratiquées, ils seraient considérés comme
aux variétés conventionnelles et enregistrées dans une base publique, avec une obligation d'étiquetage spécifique seulement pour la commercialisation des semences.
Pour autant, aucun produit NGT ne pourrait être labellisé
et les variétés aux propriétés herbicides seraient exclues de ce traitement préférentiel.
Toutes les autres variétés NGT, jugées non équivalentes aux variétés conventionnelles, resteraient, elles, soumises au régime encadrant les OGM, mais avec des aménagements.
Bruxelles recense actuellement 90 demandes d'autorisation pour des cultures NGT, dont un tiers à un stade de recherche avancée, avec jusqu'à présent seuls quelques tests en plein champ (maïs en Belgique, pommes de terre en Suède...).
Pour accélérer leur commercialisation, la simplification des règles est réclamée à grands cris par la puissante organisation agricole Copa-Cogeca, une partie des Vingt-Sept et les eurodéputés conservateurs du Parti populaire européen (PPE).
"C'est capital. Nous avons besoin d'accroître la productivité en tenant compte d'un niveau limité de ressources naturelles",
a commenté mi-juin le ministre espagnol de l'Agriculture Luis Planas, dont le pays assure depuis samedi la présidence tournante de l'UE.
Il mise sur cette loi pour trouver un équilibre avec un autre texte imposant des objectifs de réduction des pesticides, sur lequel les négociations s'enlisent en raison d'inquiétudes pour les rendements.
"Cela permettrait d'avancer sur les deux pieds: à la fois tenir une trajectoire de réduction des produits phytosanitaires et donner (aux agriculteurs) des outils alternatifs"
pour
abondait la semaine dernière son homologue français Marc Fesneau.
Au Parlement européen, le PPE -principale force politique- est farouchement opposé à la réduction des pesticides, tout comme à la loi
"restauration de la nature"
en cours de discussion, qui vise à réparer les écosystèmes abîmés. Il réclame le retrait des deux textes.
Mais la proposition NGT "
pourrait changer la donne: elle est fortement soutenue par le PPE et offre un terrain d'entente, avec parallèlement des solutions biotechnologiques et des solutions naturelles -la restauration des écosystèmes-"
, estime Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission Environnement.
En revanche, des eurodéputés de gauche sont vent debout contre la
NGT: ils demandent une évaluation systématique des risques (notamment pour éviter des effets inattendus: toxines ou allergènes...), l'obligation d'étiquetage, et veulent exiger des méthodes de détection et traçabilité dans tous les cas.
En France, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a également plaidé, dans un avis consultatif, pour l'application du "principe de précaution" via de solides garde-fous sanitaires et environnementaux.
Même alarme chez les ONG: Greenpeace estime qu'il s'agit d
'"OGM dissimulés sous un autre nom"
et accuse Bruxelles
"de détourner le regard face aux risques potentiels",
tandis que l'association Foodwatch dénonce un
"immense recul (...) qui priverait les consommateurs de leur droit à savoir ce qui est dans leur assiette"
, faute d'étiquetage.
#UE
#Agriculture
#Distribution
#Alimentation
#Industrie
#Environnement
#Sciences