Les start-up européennes de la défense peinent à se financer, tandis que l’industrie turque connaît une expansion fulgurante

La rédaction avec
15:063/04/2025, jeudi
AFP
Des visiteurs regardent l'UCAV Bayraktar Kizilelma lors de la journée d'ouverture de la SAHA EXPO 2024, une exposition internationale sur la défense et l'aérospatiale, à Istanbul, le 22 octobre 2024.
Crédit Photo : Yasin AKGUL / AFP
Des visiteurs regardent l'UCAV Bayraktar Kizilelma lors de la journée d'ouverture de la SAHA EXPO 2024, une exposition internationale sur la défense et l'aérospatiale, à Istanbul, le 22 octobre 2024.

Si les investissements dans les start-up européennes de la défense ont progressé depuis le début de la guerre en Ukraine, les entreprises du secteur continuent de faire face à d’importants obstacles en matière de financement.

Une hausse des investissements, mais des blocages persistants


Le capital-risque dédié aux entreprises spécialisées en défense, sécurité et résilience a augmenté de 30 % entre 2022 et 2024, atteignant 5,2 milliards de dollars, selon une étude du Fonds OTAN pour l’innovation (NIF) et de la société Dealroom. Ce changement avait débuté avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, avec l’adaptation de certaines technologies à un usage militaire, explique Patrick Schneider-Sikorsky, du NIF.

Parmi les innovations les plus convoitées figurent l’impression 3D, l’intelligence artificielle, les technologies de fréquence radio et les batteries, devenues essentielles sur le champ de bataille. Pourtant, malgré l’urgence pour l’Europe de renforcer ses capacités de défense, de nombreux investisseurs (fonds souverains, banques, fonds de pension) restent réticents, assimilant ce type d’investissement à des secteurs controversés, tels que les jeux d’argent ou la drogue.


Des start-up mises à l’écart


Cette réticence se traduit par des difficultés concrètes pour des entreprises comme la start-up allemande Donaustahl, spécialisée dans les drones armés. Son fondateur, Stefan Thumann, déplore que son statut de fabricant d’armes lui ait fermé l’accès aux financements traditionnels, malgré l’intérêt suscité lors du salon aéronautique international de Berlin.

Face à ces blocages, certaines entreprises tentent d’innover en matière de financement, comme l’émission d’obligations numériques via les réseaux sociaux. Toutefois, pour structurer durablement le financement des start-up européennes de la défense, des réformes seraient nécessaires, comme une meilleure intégration des technologies à double usage (civil et militaire) dans les politiques d’investissement ou la création de fonds spécialisés.


Des initiatives émergentes en Europe


Quelques évolutions ont déjà eu lieu: la Banque européenne d’investissement (BEI) n’exige plus des entreprises qu’elles réalisent au moins 50 % de leur chiffre d’affaires avec des clients civils pour bénéficier de financements.

Certains pays prennent aussi des mesures spécifiques:


  • L’Allemagne a amendé sa constitution pour faciliter les financements dédiés à la défense.
  • L’Estonie a lancé un fonds d’investissement de 50 millions d’euros pour la défense et les technologies à double usage.
  • La Finlande, via son fonds public Tesi, considère désormais la tech de la défense comme un secteur à fort potentiel de croissance.

Malgré ces avancées, les processus de passation de marchés militaires restent complexes et longs, rendant difficile la survie des start-up. Les fonds de capital-risque, habitués à des retours sur investissement rapides, peinent à s’adapter au cycle lent des commandes en défense, qui s’étalent souvent sur plusieurs années.


L’essor spectaculaire de l’industrie turque de la défense


Contrairement à l’Europe, la Turquie connaît une expansion rapide de son industrie de défense, soutenue par des investissements massifs et des avancées technologiques stratégiques.


Les principaux secteurs en pleine évolution incluent:

  • Drones de combat la Turquie domine le marché mondial grâce à Baykar, dont les drones sont exportés dans 35 pays, générant 1,8 milliard de dollars de revenus en 2024.
  • Avions de chasse de cinquième génération: Turkish Aerospace Industries (TAI) développe le KAAN, un avion furtif visant à concurrencer les F-35 américains.
  • Systèmes de défense aérienne: la Turquie travaille sur son propre système
    "Steel Dome"
    , similaire au Dôme de Fer israélien.
  • Exportations record: l’industrie turque de la défense a généré 5,5 milliards de dollars d’exportations en 2024, avec une forte demande de la part de l’OTAN et de l’Union européenne.

Un contraste frappant entre l’Europe et la Turquie


Alors que les start-up européennes de la défense peinent à trouver des financements et à surmonter les lourdeurs administratives, l’industrie turque affiche une croissance impressionnante, portée par des politiques publiques ambitieuses et une autonomie stratégique renforcée.

L’Europe devra donc repenser son modèle d’investissement dans la défense si elle souhaite rester compétitive face aux évolutions technologiques rapides dans le domaine militaire.


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