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En appel, la justice britannique juge illégal d'expulser des migrants vers le Rwanda

14:2929/06/2023, jeudi
AFP
Crédit photo: NIKLAS HALLE'N / AFP
Crédit photo: NIKLAS HALLE'N / AFP

La justice britannique a déclaré jeudi "illégal" le projet controversé d'expulser vers le Rwanda les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni, compromettant une mesure phare de l'arsenal du gouvernement conservateur contre l'immigration illégale.

La cour d'appel a estimé que le Rwanda ne peut en l'état être considéré comme un
"pays tiers sûr
" car il existe
"un risque réel que les personnes envoyées au Rwanda soient renvoyées dans leur pays d'origine où ils étaient en proie à des persécutions et autres traitements inhumains"
.

Toute expulsion vers le Rwanda constituerait
"une violation"
de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui dispose que
"personne ne peut infliger à quiconque des blessures ou des tortures"
, a estimé la cour d'appel.

Cette décision peut encore faire l'objet d'un recours devant la Cour suprême.


"A moins et jusqu'à ce que les déficiences de son processus d'asile soient corrigées, envoyer des demandeurs d'asile au Rwanda sera illégal"
, souligne la cour dans un résumé du jugement.

Celle-ci a tenu à préciser que sa décision n'implique
"aucun point de vue que ce soit sur les mérites politiques"
de cette mesure, et que son seul souci est de juger si cette politique est conforme à la loi.

Malgré cette décision,
"le Rwanda reste pleinement engagé pour faire que ce partenariat"
avec le Royaume-Uni
"fonctionne"
, a déclaré à l'AFP la porte-parole du gouvernement de Kigali, Yolande Makolo.

"Si cette décision appartient en dernier ressort à la justice britannique, nous contestons le fait que le Rwanda ne soit pas considéré comme un pays sûr pour les réfugiés et demandeurs d'asile"
, a-t-elle ajouté. En matière de droits humains, le Rwanda est régulièrement épinglé pour sa dure répression des oppositions politiques et son non respect de la liberté d'expression.

"Reprendre le contrôle"


Saluant une
"rare bonne nouvelle dans le sinistre paysage des droits humains au Royaume-Uni"
, la directrice de l'ONG Human Rights Watch dans le pays, Yasmine Ahmed, a exhorté la ministre de l'Intérieur Suella Braverman à
"abandonner ce rêve fiévreux, impraticable et contraire à l'éthique"
.

Ce jugement
"offre au gouvernement l'opportunité de changer de cap, plutôt que de traiter les êtres humains comme une cargaison qu'il expédie ailleurs, il devrait se concentrer à mettre fin à l'environnement hostile envers les réfugiés et les demandeurs d'asile"
, a-t-elle ajouté.

La lutte contre l'immigration illégale fait partie des priorités du gouvernement du Premier ministre Rishi Sunak.

Malgré les promesses du Brexit de "reprendre le contrôle" des frontières, plus de 45.000 migrants ont traversé la Manche depuis la France à bord de petites embarcations en 2022, un record. Et ils sont plus de 11.000 cette année à avoir fait de même. 



En décembre dernier, la Haute Cour de Londres avait donné son feu vert au projet d'en expulser certains vers le Rwanda, projet depuis à l'arrêt en raison des recours en justice, en jugeant le dispositif légal.


Mais les juges avaient accepté que soit examiné l'appel de plusieurs requérants et de l'association Charity Aid, qui apporte un soutien juridique aux demandeurs d'asile. Ils dénoncent un projet
"injuste de manière systémique"
et estiment que des demandeurs d'asile qui seraient expulsés vers le Rwanda risquent d'y être persécutés.

Craintes de persécutions


En 2021, 27 personnes ont perdu la vie en essayant de traverser la Manche, l'un des détroits les plus fréquentés du monde. Au moins quatre autres sont morts l'an dernier.


Le plan d'envoyer les demandeurs d'asile vers le Rwanda avait été annoncé alors que Boris Johnson était Premier ministre. Le gouvernement avait conclu avec Kigali l'accord prévoyant les expulsions de migrants en espérant décourager ces traversées.

Aucune expulsion n'a toutefois encore eu lieu, un premier vol prévu en juin 2022 avait été annulé après une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) réclamant un examen approfondi de cette politique.


Le gouvernement a reconnu récemment que ces expulsions coûteraient près de 200.000 euros par personne.



Mais le ministère estime que sur quatre ans, il pourrait économiser 106.000 livres sterling (123.290 euros) pour chaque demandeur d'asile, notamment sur les frais d'hébergement. 


Pour que le projet soit rentable, il faudrait que deux migrants sur cinq soient dissuadés de traverser la Manche, selon ces données.


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