
"C'est l'enfer": la prison française de Bordeaux-Gradignan souffre d'une surpopulation dépassant 200% et ses conditions de détention "indignes", devenues un symbole du malaise carcéral, perdurent selon des associations, malgré quelques progrès.
Alors que le nombre de détenus en France a atteint un nouveau record à 75.130 pour 61.000 places en novembre, ce centre pénitentiaire du sud-ouest édifié dans les années 1960 a fait l'objet de plusieurs procédures et rapports accablants depuis un an en raison de sa vétusté et de son engorgement.
Soit un taux d'occupation de 211%, l'un des plus élevés de France. À cela s'ajoutent les insectes, les infiltrations d'eau, la saleté...
Un détenu âgé de 20 ans témoigne:
Les cafards, on les écrase ou on les jette, c'est sans fin.
Le jeune homme, jogging coloré et bouc au menton, sirote un café en utilisant un bocal en guise de tasse. Dans sa cellule de 8 mètres carrés, il cohabite avec deux autres détenus et dort par terre. Du linge sèche sur des cordelettes, l'unique table est couverte d'ustensiles de cuisine ou de cigarettes.
Pas de porte aux toilettes, dissimulées derrière un simple drap; les murs s'écaillent et au sol, des carreaux partent en lambeaux.
Surveillante ébouillantée
C'est l'enfer de vivre dans ce milieu-là.
Tensions et incidents se multiplient: coups à l'encontre d'un surveillant en août, surveillante ébouillantée en novembre au quartier d'isolement, incendie d'une cellule en décembre...
L'Observatoire international des prisons (OIP), l'Association de défense des droits des détenus et l'ordre des avocats de Bordeaux ont attaqué l'État en justice dans la foulée. Et obtenu du tribunal administratif neuf injonctions concrètes, visant notamment à améliorer la luminosité des cellules, la qualité des repas ou l'accès aux soins médicaux. L'administration assure aussi avoir investi pour rénover certaines douches.
Mais pas de mesures structurelles, déplore Nicolas Ferran, responsable des contentieux à l'OIP. Et de déplorer:
Un établissement surpeuplé ne garantit le respect d'aucun droit fondamental parce que tout dysfonctionne.
Un an plus tard, en novembre, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé satisfaites plusieurs injonctions, avec un point noir persistant: le manque de personnel médical, calculé à partir de la capacité d'accueil théorique. Actuellement, la prison compte 3,9 médecins généralistes en équivalent temps plein, et 2,8 psychiatres.
"Prison du XXIe siècle"
Alors que 15.000 places supplémentaires sont attendues en France d'ici trois ans, un nouveau bâtiment doit être inauguré en mai à Gradignan, première étape d'un futur complexe de 600 places à l'horizon 2027.
Avec 600 places globales en 2027, certains considèrent qu'ils disposent déjà de 1.200.