France: prison avec sursis requise dans un procès symbolique des violences policières

12:4319/01/2024, Cuma
MAJ: 19/01/2024, Cuma
AFP
Théo Luhaka, un jeune français de 29 ans violé par une matraque de police lors d'un contrôle d'identité violent.
Crédit Photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Théo Luhaka, un jeune français de 29 ans violé par une matraque de police lors d'un contrôle d'identité violent.

Des peines allant de trois mois à trois ans de prison avec sursis ont été requises jeudi contre trois policiers jugés en région parisienne pour l’interpellation violente d'un jeune homme noir, devenue un symbole des violences policières en France.

Ce jeune homme, Théo Luhaka, aujourd'hui âgé de 29 ans, a été grièvement blessé à l’anus avec une matraque télescopique en 2017 et en garde des séquelles irréversibles.


La peine la plus lourde de trois ans de prison avec sursis a été requise aux assises de Seine-Saint-Denis à l’encontre du gardien de la paix Marc-Antoine Castelain, l'auteur du coup de matraque poursuivi pour des violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente.

Pour les deux autres accusés, Jérémie Dulin et Tony Hochart, poursuivis pour des violences volontaires, l'avocat général a demandé respectivement des peines de six et trois mois de prison avec sursis.


Juste avant de prononcer ses réquisitions, l'avocat général Loïc Pageot s'est adressé à Théo Luhaka en déclarant:


Vous allez peut-être penser que ces peines peuvent paraître dérisoires. 

Le magistrat les a justifiées par l'
"absence d’antécédents"
judiciaires des trois accusés, toujours en activité mais mutés dans leurs régions d'origine, et du temps écoulé - sept années - depuis le début de l'affaire.

Théo Luhaka avait été interpellé par les trois fonctionnaires le 2 février 2017 dans une cité de Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France métropolitaine.


La scène, filmée par les caméras de la ville, montre les policiers procéder à l'arrestation du jeune homme, qui s'y oppose. Au cours de l'empoignade, M. Castelain porte un coup avec la pointe de son bâton télescopique de défense à travers le caleçon de la victime.


Ce coup provoque la rupture de son sphincter (muscle annulaire) avec une plaie de dix centimètres de profondeur. 

Les images, partagées sur les réseaux sociaux, suscitent l'émoi jusqu'au sommet de l'État. Le président de l'époque, François Hollande (socialiste), ira en personne rendre visite à Théo Luhaka pendant sa convalescence à l'hôpital.


Devoir d'exemplarité


Malgré deux opérations chirurgicales, Théo Luhaka souffre depuis d'incontinence.


Au cours du procès, Marc-Antoine Castelain a exprimé sa
"compassion"
pour la victime mais a estimé son
"coup légitime", "enseigné à l'école"
.

Une enquête administrative de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait conclu à
"un usage disproportionné de la force"
.

Pour l'avocat général, le coup de matraque fut
"un geste volontaire", "pas un regrettable accident"
. Et le magistrat d'énumérer les autres
"violences policières"
contre la victime:
"coup de poing au ventre", "coup de genou", "gaz lacrymogène".

L'avocat de l'accusé, Me Louis Caillez a affirmé:


Il n’a pas agi comme le bras armé de violences systémiques, il a voulu 'faire de son mieux'.

Les deux autres avocats de la défense ont plaidé l’acquittement.


L'avocat de la victime, Me Antoine Vey, a  tenu à rappeler que
"la justice, comme la police, (était) une institution ayant un devoir d’exemplarité".

"Ce procès n'est pas le procès de la police (...) c'est le procès de la violence illégitime par des gens qui portent l'insigne du gardien de la paix",
a-t-il lancé.

Le verdict est attendu vendredi. 


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