Depuis que les Nations unies ont annoncé que la population de l'Inde avait dépassé en nombre celle de la Chine, des influenceurs hindous se déchaînent contre les musulmans, qu'ils accusent de faire trop de bébés afin de les supplanter, au risque d'alimenter une islamophobie déjà galopante.
Amit Upadhyay, pharmacien de métier, anime à ses heures perdues une page Facebook très populaire sur laquelle il diffuse de fausses données démographiques, depuis son domicile dans l'État de l'Uttar Pradesh.
A l'annonce des Nations unies le mois dernier, le pharmacien et ses 40.000 abonnés, loin de se réjouir, ont ressenti le besoin d'action.
Sinon, ils deviendront une menace et finiront par éliminer la religion hindoue de l'Inde.
"Prendre le contrôle"
M. Upadhyay publie régulièrement des messages islamophobes que ses abonnés s'empressent de diffuser.
L'Inde compte 1,4 milliard d'habitants, dont environ 210 millions de musulmans, mais le taux de natalité a baissé de manière générale ces dernières décennies, à l'instar des tendances mondiales.
La dernière enquête nationale sur la santé des familles, réalisée en 2021, a révélé un taux de fécondité de 2,0 enfants par Indienne, et de 2,3 pour les musulmanes contre 4,41 en 1992-1993.
Selon les prévisions du centre de réflexion Pew Research Center, la population musulmane indienne devrait atteindre 311 millions de personnes d'ici à 2050 contre 1,3 milliard pour les hindous.
Pourtant, sur les réseaux sociaux, la fausse information selon laquelle l'Inde deviendra bientôt un pays à majorité musulmane est devenue virale.
"Propagande"
Les idéologues nationalistes hindous disséminent depuis des années des théories du complot, selon lesquelles les musulmans oeuvrent à supplanter la suprématie numérique hindoue.
Elles ont parfois été reprises par le Bharatiya Janata Party (BJP), parti nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi.
En 2019, Rakesh Sinha, membre du BJP, a présenté au Parlement un projet de loi sur le contrôle de la population qui proposait de limiter le nombre d'enfants par ménage indien à deux. Il avait obtenu le soutien de 125 députés.
Toutefois, le projet de loi, qui a suscité un tollé, a été retiré après un discours de M. Sinha sur la disparité soi-disant flagrante entre les taux de natalité hindous et musulmans.
A la même période, à Haridwar, un lieu de pèlerinage hindou sur les contreforts de l'Himalaya, le prêtre Ravindra Puri exhortait une foule de fidèles hindous à mener une contre-offensive démographique.