Crédit Photo : Roslan RAHMAN / AFP
Les gens visitent le Peace Centre, un centre commercial abandonné transformé en une enclave artistique inattendue, à Singapour le 19 janvier 2024.
À Singapour, une cité-État très policée où les graffitis sont bannis, des artistes ont investi un ancien centre commercial pour couvrir ses murs de tags et de peintures colorées tout en proposant des ateliers pour redonner vie à cet espace abandonné.
Après environ un demi-siècle d'existence, le Peace Centre est promis à la démolition d'ici quelques mois. En attendant, il est l'un des rares espaces d'expression dans ce centre financier où une autorisation des autorités est nécessaire pour tout spectacle de rue.
En août dernier, l'entrepreneur Gary Hong a convaincu des promoteurs de repousser la démolition de ce centre commercial vieillissant. Il a ainsi obtenu le droit d'utiliser cet espace pour mener
"une expérience sociale visant à rassembler la population"
, explique Gary Hong à l'AFP.
Le lieu a été mis à la disposition de son collectif, appelé PlayPan, pour accueillir durant plusieurs mois des spectacles et des ateliers, permettant ainsi à des artistes, des étudiants, des ONG et à des petites entreprises de s'installer gratuitement ou à des tarifs réduits.
Ce mélange éclectique de boutiques éphémères, de visites artistiques et de spectacles musicaux a transformé ce centre commercial autrefois sans intérêt en un lieu artistique inattendu. Fin janvier, il devra cependant fermer ses portes, sonnant la fin de ce projet artistique.
Le Peace Center a longtemps été un centre commercial populaire, mais il a perdu de son éclat avec la construction de centres commerciaux toujours plus fastueux. Depuis une vingtaine d'années, il était notamment connu pour ses karaokés sordides.
Depuis sa transformation en espace artistique, les jeunes Singapouriens ont pu assister à des ateliers de graffiti et peindre des rideaux désormais baissés avec des bombes aérosols pendant que des badauds regardaient vêtements d'occasion ou expositions.
"Ce n'est pas quelque chose que l'on fait habituellement le week-end, encore moins dans un espace fermé, dans un centre commercial"
, remarque Darryl Poh, un financier de 29 ans qui a participé à un atelier de peinture au pistolet.
Les murs et les miroirs des toilettes du centre commercial sont couverts de graffitis et dans l'un des magasins éphémères résonne une chanson du groupe américain Rage Against the Machine. Des cocktails artisanaux sont proposés au rez-de-chaussée et à proximité, des CD de death metal et des bibelots sont en vente.
Parmi les badauds, un jeune homme vêtu d'une veste en cuir cloutée côtoie des ados aux tenues branchées, des scènes rares à Singapour, une ville impeccablement propre qui, pour certains, confine à l'ennui.
"Je pense qu'il faut juste savoir où chercher. Le gouvernement peut organiser les choses, mais les gens continueront à faire ce qu'ils veulent"
, affirme Ning Fei, 34 ans, qui vend des poèmes dactylographiés.
Les murs extérieurs du bâtiment sont recouverts de dépliants annonçant des activités allant du ukulélé à la peinture sur galets, tandis que l'entrée principale est décorée d'une fresque futuriste. Gabriel, un photographe de 43 ans, qui souhaite conserver l'anonymat, réalise sur un stand des portraits de passants à des fins caritatives.
"L'énergie ici était vraiment excitante. Il y avait beaucoup de choses que l'on ne voit pas habituellement dans les centres commerciaux de Singapour"
, explique-t-il à l'AFP, qualifiant l'ambiance de
"très non singapourienne, très organique"
.
"Cette communauté va beaucoup me manquer. Je suis heureux de m'être connecté et d'avoir participé à ce chant du cygne."
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