Le génocide qui sévit depuis deux ans à Gaza n’a pas seulement pulvérisé le droit international. Il a aussi bouleversé la conscience morale et les équilibres politiques des capitales occidentales. Tandis qu’en Europe souffle un vent anti-israélien, il se transforme aux États-Unis en véritable ouragan. La politique américaine vit aujourd’hui les douleurs d’un réalignement historique, où les notions de "droite" et de "gauche" , héritées du XXe siècle, perdent tout leur sens. Souvenons-nous : le premier
Le génocide qui sévit depuis deux ans à Gaza n’a pas seulement pulvérisé le droit international. Il a aussi bouleversé la conscience morale et les équilibres politiques des capitales occidentales.
Tandis qu’en Europe souffle un vent anti-israélien, il se transforme aux États-Unis en véritable ouragan. La politique américaine vit aujourd’hui les douleurs d’un réalignement historique, où les notions de
et de
, héritées du XXe siècle, perdent tout leur sens.
Souvenons-nous : le premier jour de Donald Trump à la Maison-Blanche, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg, Tim Cook et Sundar Pichai, les géants de la tech, s’alignaient sagement dans le salon d’apparat. Cette vitrine de
cachait mal la réalité d’un phénomène plus profond :
Ce concept n’est pas une théorie encore à définir, mais un mouvement naturel déjà en marche. Pour l’heure centré à New York, il transcende partis, idéologies et anciennes querelles de générations.
À sa base : une rupture morale. Et en son centre : Gaza.
Faire une lecture du monde à travers Gaza peut sembler excessif, mais les données sont claires. Lors des marches en Sicile contre le génocide et en soutien à la flottille Sumud, les jeunes que nous avons rencontrés avaient vidé leurs
pour embrasser Gaza comme une cause de conscience. Cette observation, qui a dérangé certains milieux dans notre pays, ne change rien à une vérité : le climat politique de l’Occident a bel et bien changé.
Un signal d’alarme : des chiffres impensables
Pour mesurer la profondeur de ce nouvel alignement social et politique, il suffit de regarder les chiffres. Selon une enquête menée en août par l’Université Harvard et l’institut Harris Poll, l’alarme retentit pour le système américain :
60 % des 18-24 ans déclarent soutenir le Hamas contre Israël.
Dans un pays nourri pendant des décennies par la propagande de
"la guerre contre le terrorisme"
, ce pourcentage défie l’imagination.
Plus l’âge avance, plus le soutien à Israël grimpe jusqu’à 84 %, révélant une fracture générationnelle profonde.
Il ne s’agit pas d’une colère passagère, mais d’une transformation politique durable. Une autre étude, réalisée en septembre par le
et l’Université de Siena, renforce cette idée :
51 % des Américains s’opposent désormais à toute aide militaire ou économique supplémentaire à Israël
. Chez les moins de 30 ans, cette opposition atteint 68 %.
En 2023, le soutien aux Palestiniens n’était que de 20 %, contre 47 % pour Israël. Aujourd’hui, les deux camps s’équilibrent autour de 34 à 35 %.
Mais le chiffre le plus frappant reste celui-ci : 40 % des Américains (contre 22 % en 2023) estiment qu’Israël
"tue délibérément des civils"
. Cette rupture témoigne du fait que, malgré tous les efforts des médias traditionnels, la réalité du génocide à Gaza a transpercé les consciences.
Au-delà des partis : "Ils vous détestent"
Le lobby israélien et
"l’establishment américain"
tentent de réduire cette fracture d’opinion à un problème de
Mais les atrocités de Gaza unissent désormais les jeunes au-delà des clivages partisans.
La journaliste américaine d’origine arménienne Ana Kasparian résume parfaitement cette nouvelle configuration sociale :
"Tous les groupes vous détestent. Ne vous fiez pas à la propagande des médias américains. Vous êtes détestés."
Son observation sur
"les jeunes de droite comme de gauche"
est cruciale. Pour la première fois, les jeunes conservateurs — historiquement favorables à Israël mais critiques du statu quo — rejoignent les progressistes pro-palestiniens sur un terrain commun : le rejet d’un Washington corrompu, belliciste, qui finance un génocide à coups de milliards tout en condamnant son propre peuple à la précarité.
Le "rêveur" de New York : Zohran Mamdani
Les conséquences politiques de cette rupture sociologique se font déjà sentir à New York. L’an dernier encore, la candidature du
Zohran Mamdani, 33 ans, à la mairie de la ville était jugée utopique. Face à lui se dressait Andrew Cuomo, poids lourd du Parti démocrate, dans un climat que l’on croyait durablement orienté vers la droite après Trump.
Mais Mamdani, soutenu par les 80 000 membres des Socialistes démocratiques d’Amérique (DSA), a su lire le vent. Comme le rappelait le journaliste Jonathan Derbyshire dans le
citant l’économiste Werner Sombart :
"Sur les terres où règnent le bifteck et la tarte aux pommes, le socialisme ne peut éclore."
Cette thèse de 1906 n’a plus cours dans l’Amérique de 2025. Car la nouvelle génération ne met plus l’économie au centre du débat : elle place la morale au-dessus de l’idéologie.
Le mot-clé : parler du "génocide"
Dans la campagne de Mamdani, 50 000 volontaires — pour la plupart non membres du DSA — se sont mobilisés. En frappant à 1,6 million de portes, ils ne promettaient pas seulement de meilleures politiques de logement, mais aussi une position claire
"contre le génocide à Gaza".
L’un des secrets de son succès réside dans le fait d’avoir replacé le mot "génocide" au cœur du discours politique. Ce terme, longtemps instrumentalisé par certains milieux juifs pour servir de bouclier moral, n’est plus une revendication marginale : il s’est imposé jusque dans des émissions grand public comme *The View* comme une réalité politique.
Les jeunes Américains ont perdu toute
Mamdani a aussi démontré que la loyauté partisane est morte chez les jeunes électeurs. En soutenant la campagne du "vote blanc" contre Kamala Harris pour protester contre "le génocide israélien", il a prouvé que Gaza dépasse les clivages idéologiques, quitte à prendre des risques politiques majeurs.
Selon une étude publiée par *The Forward* et Data for Progress :
62 % de ses électeurs affirment que son "soutien aux droits des Palestiniens" a influencé leur vote.78 % croient qu’Israël "commet un génocide à Gaza".63 % approuvent sa promesse de "faire arrêter Netanyahu s’il met les pieds à New York".
Cette dynamique révèle un fait inédit : la cause palestinienne a mobilisé une vague d’électeurs jeunes et novices, qui votent pour la première fois.
Un référendum mondial sur Gaza
L’élection municipale du 4 novembre à New York n’est donc plus un simple scrutin local. Elle est devenue un référendum global sur le génocide de Gaza. Jamais la ligne de fracture n’a été aussi nette dans la politique américaine :
D’un côté, Andrew Cuomo, incarnation du vieux statu quo démocrate, celui-là même qui a rejoint
de Netanyahu devant les tribunaux internationaux.
De l’autre, Zohran Mamdani, incarnation d’un nouvel alignement moral, promettant :
"Si je suis élu maire et que Netanyahu vient à New York, j’appliquerai le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale."
"Parce que je n’ai pas vu venir la colère contre Israël"
Reste à voir si cette colère visible dans la rue se traduira dans les urnes. Mais même Andrew Cuomo reconnaît désormais la nouvelle donne. Après avoir perdu les primaires et choisi de se présenter en indépendant, il a confié sur MSNBC, à la question
"Qu’as-tu sous-estimé chez les électeurs ?",
cette réponse révélatrice :
"J’ai vu la colère contre Israël dans les rues, mais je n’ai pas compris qu’elle influencerait le vote pour la mairie."
Au-delà d’une mairie, un basculement moral
Le peuple qui résiste au génocide à Gaza présente une facture à tous ceux qui y ont participé ou détourné le regard. Cette facture politique était inévitable — et la première tombe dans la capitale mondiale des médias et de la finance : New York.
La probable victoire de Zohran Mamdani ne marquera pas seulement un changement de maire. Elle symbolisera l’intervention politique de Gaza dans les capitales de l’Occident silencieux. Ce sera le signe qu’il n’y aura pas de retour à
— et que la boussole morale de l’humanité pointe désormais vers Gaza.
(Note : Dans la prochaine chronique, j’analyserai pourquoi la tentative de Netanyahu d’assiéger la jeunesse mondiale via les plateformes numériques est vouée à l’échec.)
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