Journaux de la flotille 18 : Le salut qui a fait revenir le marin à bord

12:4419/09/2025, vendredi
Ersin Çelik

La grande rencontre sur la route de Gaza a eu lieu. Les bateaux partis d’Espagne et de Tunisie ont jeté l’ancre dans la baie où nous nous trouvons. Nous sommes désormais 42 navires. Deux autres nous rejoignent depuis la Tunisie et six attendent encore dans les eaux grecques. Après des jours de préparatifs, de sabotages et de tentatives politiques pour stopper la Flottille Global Sumud depuis la terre ferme, une première image claire se dessine : 50 bateaux prendront la mer pour Gaza. Même si ce

La grande rencontre sur la route de Gaza a eu lieu. Les bateaux partis d’Espagne et de Tunisie ont jeté l’ancre dans la baie où nous nous trouvons.


Nous sommes désormais 42 navires. Deux autres nous rejoignent depuis la Tunisie et six attendent encore dans les eaux grecques. Après des jours de préparatifs, de sabotages et de tentatives politiques pour stopper la Flottille Global Sumud depuis la terre ferme, une première image claire se dessine : 50 bateaux prendront la mer pour Gaza. Même si ce chiffre se réduit, nous commencerons notre traversée comme la mission maritime la plus vaste de l’histoire.


Au moment où j’écris ces lignes, les dernières réunions se tiennent. Si nous étions partis hier, nous aurions affronté une tempête. En attendant, nous avons appris que le risque serait moindre. Les bateaux venus d’Espagne puis de Tunisie, et désormais jusqu’à la Sicile, procèdent à leurs ultimes contrôles et ravitaillements avant le départ. Ces deux derniers jours, j’ai été témoin de la détermination sans faille des marins, impatients d’appareiller. Le seul obstacle de cette flottille reste l’attente. Mais nous la surmonterons inşallah.


Aujourd’hui je veux vous parler des marins dévoués et courageux qui nous accueillent depuis sept jours sur leurs bateaux et qui ont tout risqué pour nous conduire jusqu’à Gaza. Leurs histoires valent autant que leur engagement. Par souci de sécurité, je ne peux en montrer qu’un seul en photo : Gonzalo. Mais avant lui, je dois évoquer ceux qui nous motivent le plus.


Il y a ce Napolitain, marin chevronné, intrépide, discipliné et attaché à ses traditions. Chaque matin, il prie à la proue du navire. Il se définit comme anti-impérialiste. Pas de réseaux sociaux, pas de mise en scène, aucune envie de visibilité. Il n’a qu’une idée : mettre les voiles pour Gaza.
“Je ne suis pas un homme politique, je suis un homme d’action. Je suis venu pour le peuple palestinien. J’ai tout laissé, mon argent, mon confort. Il faut aller en Palestine. Les vidéos, les communiqués, les médias, ce n’est pas mon style”,
m’a-t-il dit.

Depuis sept jours, il nous initie à la vie quotidienne sur un bateau. Ses règles sont strictes. Il a une phrase qui m’a marqué et que je veux partager : “Vous n’irez pas jeter aux toilettes ce que vous ne mangeriez pas.” Règle simple, mais vitale sur une embarcation.


Puis il y a Alexsandro, surnommé Çingo, un marin révolutionnaire, colérique mais au grand cœur. Il vit dans un village à la frontière franco-italienne, où sa famille et ses enfants l’attendent. Il fulmine de voir la flottille attendre encore :
“Nous sommes venus pour la Palestine. Les gens prient pour nous dans les rues d’Italie et d’Espagne. Pourquoi restons-nous ici ? Ils ont besoin de nous, nous devons partir.”
Ses mots ont pesé.

Il y a ensuite Gonzalo, jeune Argentin de 30 ans, ancien footballeur amateur, cheveux longs tressés, sourire chaleureux. Activiste convaincu, il a suivi de près la cause palestinienne. Quand il a appris le départ de la flottille, il a pris en urgence un billet d’avion depuis l’Argentine : Buenos Aires – Los Angeles – Rome – Catane – Augusta. Trois jours de voyage, le billet le plus cher, payé de sa poche.
“L’argent n’a aucune importance. Je devais être ici”
, m’a-t-il dit. Toujours en mouvement, passionné, il répète :
“Nous ne sommes pas venus faire du tourisme. Nous sommes là pour arrêter un génocide. Chaque minute compte. Plus nous attendons, plus des vies se perdent à Gaza.”

Et puis il y a celui que nous appelons le
“Marin à la guitare”.
Italien, trentenaire, passionné de mer et de musique. Excellent cuisinier, il a refusé des offres bien rémunérées pour rejoindre la flottille. Mais l’attente à l’ancre en Sicile l’avait découragé. Un matin, il a dit au revoir à chacun de nous, comme un soldat quittant ses camarades, et a quitté le navire. Nous étions abattus, craignant un effet domino. Mais quelques heures plus tard, il est revenu. En allant au marché, un vieil épicier italien lui avait demandé :
“Tu viens des bateaux qui vont en Palestine ?”
Avant même qu’il puisse répondre, l’homme lui avait confié :
“J’ai 80 ans. Si j’étais plus jeune, j’irais avec vous. Nos cœurs sont avec vous. Transmettez notre salut au peuple de Gaza.”
Le marin, bouleversé, a marché dix minutes et s’est dit : “
Qu’est-ce que je fais ici ? Je dois retourner sur le bateau.”
Il est revenu parmi nous, les yeux brillants d’émotion, guitare à la main.

La flottille s’appelle
“Sumud”,
c’est-à-dire
“la persévérance”
. Nous en redécouvrons le sens à chaque instant. La persévérance, c’est ce marin napolitain qui dédie quarante ans de mer à la cause palestinienne. C’est Gonzalo, traversant les océans avec son dernier argent. C’est Çingo, qui considère chaque jour d’attente comme une vie perdue à Gaza. Et c’est ce guitariste, revenu à bord grâce à l’espérance d’un vieil homme. Chacun ici est l’incarnation de cette persévérance.
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