Depuis des mois, une question revient dans les milieux islamiques de Türkiye : tandis que les enfants de Gaza meurent de faim, pourquoi la gauche turque reste-t-elle silencieuse ? L’autre jour, lors d’une discussion avec des étudiants, j’ai posé la même question : Pourquoi, dans les universités où dominent ceux qui se disent “de gauche”, n’a-t-on pas vu de grandes manifestations contre le génocide ? Un jeune m’a répondu : “Abi, pour eux, être de gauche, c’est boire un café chez Starbucks. ”* Nous
Depuis des mois, une question revient dans les milieux islamiques de Türkiye :
tandis que les enfants de Gaza meurent de faim, pourquoi la gauche turque reste-t-elle silencieuse ?
L’autre jour, lors d’une discussion avec des étudiants, j’ai posé la même question :
Pourquoi, dans les universités où dominent ceux qui se disent “de gauche”, n’a-t-on pas vu de grandes manifestations contre le génocide ?
Un jeune m’a répondu :
“Abi, pour eux, être de gauche, c’est boire un café chez Starbucks.
”*
Nous avons ri, mais il a ajouté très sérieusement : "
C’est leur façon d’être dans l’opposition.”
Ses amis ont acquiescé. Rien d’étonnant, mais la situation en dit long sur le paradoxe moral d’une gauche qui s’endort dans le confort de ses slogans.
La gauche du café et du confort
Cette
ou "gauche caviar" comme disent les français, ne se manifeste que dans les urnes, se résumant à un vote pour le CHP, parti qui revendique depuis des décennies une social-démocratie de façade. Comme le disait ironiquement l’écrivain İsmail Kılıçarslan :
“Mettons cette phrase de côté un instant.”
Mais renversons la question : pourquoi la cause palestinienne reste-t-elle en Türkiye une affaire réservée aux milieux conservateurs ?
Lors d’une marche en Sicile pour soutenir la Flottille Sumud, je marchais aux côtés de militants de gauche italiens. Et une pensée ne cessait de tourner dans ma tête :
pourquoi, en Türkiye, Gaza n’appartient-elle qu’à la conscience religieuse ?
La réponse tient peut-être là : la gauche turque ne se nourrit plus de la conscience populaire, mais d’un réflexe idéologique en perte d’ancrage.
À Gaza, le drame est visible, concret, insoutenable. Pourtant, il ne parvient pas à traverser le filtre idéologique d’une gauche urbaine et sécularisée. Pour elle, la souffrance n’est pas ce qui compte ; ce qui importe, c’est
en parle. Si la cause palestinienne est portée par des musulmans, elle devient suspecte.
C’est une politique de l’opposition pour l’opposition : si un camp soutient Gaza, l’autre doit se taire, au nom de son identité. Le silence est devenu une posture, une
“épreuve d’appartenance”.
En Occident pourtant, la dynamique s’inverse : aux États-Unis, en Italie, en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas, ce sont les jeunes militants de gauche qui se mobilisent pour Gaza. Le refus du génocide est devenu la boussole morale d’un
occidental.
Mais en Türkiye, les jeunes se disant
commencent encore leurs phrases par
ou
Ce réflexe traduit une défaite de la conscience face à l’idéologie.
La gauche turque et ses miroirs brisés
Le penseur Kemal Tahir avait pourtant averti : sans comprendre les croyances du peuple, aucune révolution n’est possible. Et l’humanité opprimée qui hante les romans de Yaşar Kemal n’est autre que celle de Gaza aujourd’hui. Mais la gauche turque actuelle a tourné le dos à son propre héritage intellectuel et littéraire ; elle rejette la mémoire des opprimés parce qu’ils sont “trop religieux”, donc
Le drame palestinien révèle ainsi une vérité amère : la gauche turque est à bout de souffle. Dans la culture, les arts, les universités, elle a cessé de parler la langue des sans-voix. Elle s’est enfermée dans ses cercles fermés : ceux qui s’écrivent entre eux, se félicitent entre eux, se récompensent entre eux. La pensée s’est muée en décor.
Cette bulle intellectuelle s’est vidée de substance, étouffée par le confort et la peur du réel. Face à la tragédie de Gaza, elle préfère débattre d’esthétique ou de symbolisme plutôt que de justice et de dignité.
Gaza agit comme un miroir : et dans ce miroir, la gauche turque n’a plus de visage. Quelques sursauts — un poème de Zülfü Livaneli pour les enfants de Gaza, un manifeste publié par Ezel Akay — ont donné un espoir de réveil.
De l’ancien au nouveau, du laïc au progressiste, tous semblent incapables de ressentir du
Peut-être parce que la gauche, aujourd’hui, ne cherche plus l’humain, mais l’image ; elle a perdu le sens du réel, et avec lui, celui de la compassion. Leurs esprits errent en Occident, mais leurs consciences n’habitent plus nulle part.
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