La visite d’Ahmed al-Sharaa à Washington et le rôle de la Türkiye

10:0912/11/2025, mercredi
MAJ: 12/11/2025, mercredi
Kadir Üstün

La visite du président syrien Ahmed al-Sharaa à la Maison Blanche revêt une importance majeure, non seulement pour les relations entre son pays et les États-Unis, mais aussi pour l’équilibre des forces au Moyen-Orient. En septembre dernier, le dirigeant syrien avait déjà consolidé sa légitimité diplomatique et politique internationale en rencontrant Donald Trump lors de l’Assemblée générale des Nations unies. Les déclarations faites après cette nouvelle visite confirment que Washington est désormais

La visite du président syrien
Ahmed al-Sharaa
à la Maison Blanche revêt une importance majeure, non seulement pour les relations entre son pays et les États-Unis, mais aussi pour l’équilibre des forces au Moyen-Orient.

En septembre dernier, le dirigeant syrien avait déjà consolidé sa légitimité diplomatique et politique internationale en rencontrant Donald Trump lors de l’Assemblée générale des Nations unies. Les déclarations faites après cette nouvelle visite confirment que Washington est désormais disposé à collaborer avec Damas.
La présence de la Türkiye à ces entretiens indique également que les intérêts du voisin du nord de la Syrie seront pris en compte dans la nouvelle période qui s’ouvre.

Les discussions ont abordé la levée des sanctions contre Damas, la formalisation de la coordination avec la coalition anti-Daech, la réaffirmation de l’accord de mars sur l’intégration des FDS et la possibilité d’un futur accord de sécurité avec Israël. Autant d’éléments qui montrent que la reconstruction de la Syrie pourrait s’accélérer.


Un tournant diplomatique pour Damas


Cette visite marque la fin d’une longue période d’isolement pour la Syrie. En s’invitant de nouveau sur la scène internationale, Ahmed al-Sharaa rétablit la visibilité politique d’un État longtemps tenu à distance par les puissances occidentales. Washington, de son côté, semble prêt à redéfinir ses priorités régionales, à la fois pour contenir l’influence iranienne et pour gérer plus finement le dossier israélo-syrien.


La participation de la Türkiye à cette nouvelle configuration traduit un réalignement diplomatique plus large : Ankara, Washington et Damas testent une coopération conditionnelle, où la reconstruction syrienne pourrait devenir le pivot d’un équilibre inédit au Levant.


Sanctions et reconstruction


La levée des sanctions internationales contre la Syrie et son président Ahmed al-Sharaa, d’abord par le Conseil de sécurité de l’ONU puis par l’administration Trump, marque un tournant décisif pour la reconstruction du pays. L’étape suivante dépendra du Congrès américain, appelé à supprimer définitivement les dernières mesures encore en vigueur.


Si Washington confirme la fin des sanctions, les pays du Golfe pourront financer les projets de reconstruction et les entreprises turques, européennes ou américaines pourront collaborer sans craindre de représailles juridiques.


L’administration Trump a déjà suspendu ou annulé plusieurs de ses propres sanctions, mais il lui faudra convaincre le Congrès d’abandonner les plus dures, notamment celles liées au "Caesar Act", en dépit des "préoccupations sécuritaires" exprimées par Israël.


Les défis du Caesar Act


Dans un entretien à Fox News, Ahmed al-Sharaa a indiqué qu’il ne mènerait pas de négociations directes avec Israël, qui occupe encore le plateau du Golan, tout en laissant entendre que la Maison Blanche pourrait faire avancer ce dossier.
Un éventuel accord de sécurité avec Israël exigerait cependant que Damas démontre sa capacité à défendre pleinement ses frontières.
En retour, un tel accord renforcerait la position de Trump pour obtenir la levée définitive des sanctions.

Même les régions épargnées par la guerre, comme Damas, nécessitent de lourds investissements en infrastructures, tandis que les zones détruites mettront des années à se relever. Engager ce processus permettra au régime d’
Ahmed al-Sharaa
de renforcer sa légitimité interne en prouvant sa capacité à assurer la stabilité économique et les services publics.

Un nouvel équilibre régional


Pour que la Syrie reste unie, comme le souhaite Ankara, le soutien à Damas apparaît crucial. L’attitude constructive de Washington pourrait ainsi encourager les investissements et limiter l’influence déstabilisatrice d’acteurs tels qu’Israël ou les FDS. Le réalisme d’Ahmed al-Sharaa, reconnu pour son pragmatisme, lui a permis d’établir rapidement une relation de travail solide avec Trump, dont l’approche positive pourrait accélérer la reconstruction et contribuer à la stabilité régionale.


La Türkiye, acteur clé du nouvel équilibre


Lors de sa rencontre de septembre à la Maison Blanche, le président Trump avait salué le rôle décisif de la Türkiye dans la stabilité syrienne et régionale. La participation du ministre turc des Affaires étrangères aux réunions d’Ahmed al-Sharaa à Washington confirme que la Türkiye est considérée par les États-Unis comme un acteur central, à la fois en Syrie et au Moyen-Orient.


La Türkiye est appelée à jouer un rôle indispensable dans la stabilisation politique et la reconstruction économique de la Syrie.
Le régime de Damas, quant à lui, aura besoin du soutien d’Ankara sur des questions sensibles telles que l’intégration des FDS et les relations avec Israël.

Trump, Erdoğan et la redéfinition du partenariat stratégique


Trump semble avoir compris que toute avancée avec la Syrie ne peut se faire sans la Türkiye. Sa proximité avec le président Erdoğan, notamment visible lors des discussions à l’ONU sur la Palestine et pendant les négociations de cessez-le-feu, montre qu’il accorde une réelle valeur aux conseils d’Ankara.


En considérant la Türkiye comme le principal bénéficiaire du rétablissement de la stabilité syrienne, Trump n’hésite plus à critiquer les actions d’Israël susceptibles de compromettre cet équilibre,
renforçant ainsi la coopération entre Washington et Ankara.

Lors de son premier mandat, Trump avait plusieurs fois envisagé de retirer les troupes américaines de Syrie, mais les pressions du Congrès, attaché à la mission du CENTCOM et aux intérêts israéliens, l’en avaient empêché. Aujourd’hui, avec une Syrie dirigée par Ahmed al-Sharaa et soutenue par la Türkiye, Trump pose les bases d’un partenariat stratégique inédit.


Sa volonté de travailler avec Damas sur la lutte contre Daech, la limitation de l’influence iranienne et la normalisation avec
Israël confirme que la Türkiye est désormais perçue comme l’acteur le plus fiable de la région.

Le retour de la Syrie dans le jeu international


Moins d’un an après avoir figuré sur la liste noire américaine, Ahmed al-Sharaa s’impose à Washington comme le symbole du retour de la Syrie dans le système international. En suspendant les sanctions et en redéfinissant la Syrie comme un acteur clé des nouveaux équilibres régionaux, les États-Unis entérinent aussi le rôle de la Türkiye comme puissance stabilisatrice incontournable du Moyen-Orient.

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