Les dattes du Roi

10:055/03/2025, mercredi
MAJ: 5/03/2025, mercredi
Taha Kılınç

Le Roi Charles III du Royaume-Uni et son épouse la Reine Camilla, juste avant le début du Ramadan, sont apparus devant la presse dans un restaurant à Londres. Le couple s'est rendu au Darjeeling Express, dirigé par Asma Khan, une femme d'origine indienne et musulmane, pour aider à préparer des repas destinés aux nécessiteux. Le Roi et la Reine ont à la fois échangé avec des musulmans de différentes nationalités présents sur place et emballé du biryani, un plat traditionnel indien, ainsi que des

Le Roi Charles III du Royaume-Uni et son épouse la Reine Camilla, juste avant le début du Ramadan, sont apparus devant la presse dans un restaurant à Londres. Le couple s'est rendu au Darjeeling Express, dirigé par Asma Khan, une femme d'origine indienne et musulmane, pour aider à préparer des repas destinés aux nécessiteux. Le Roi et la Reine ont à la fois échangé avec des musulmans de différentes nationalités présents sur place et emballé du biryani, un plat traditionnel indien, ainsi que des dattes.


Lors de cette visite, dont chaque minute et chaque pose pour la presse semblaient soigneusement planifiées, le Roi Charles III a demandé à la propriétaire du restaurant, Asma Khan, d'où provenaient les dattes. En entendant la réponse "Palestine", il a affiché une expression de
"ravissement"
sur son visage et n’a pas manqué de souligner que la Palestine était l’un des meilleurs endroits pour la culture des dattes.

Après leur passage chez Asma Khan, le Roi et la Reine se sont rendus dans un établissement appartenant à Imad el-Erneb, un réfugié syrien. Imad et sa famille ont trouvé refuge au Royaume-Uni en 2015 et, après avoir obtenu les autorisations nécessaires, ont ouvert leur propre restaurant syrien en 2020. Inutile de préciser à quel point la visite du couple royal contribuera à accroître la notoriété de l’établissement.


Les photos du Roi Charles III et de la Reine Camilla à l’occasion du Ramadan ont particulièrement retenu l’attention pour deux raisons principales:


Autrefois surnommé
"l’empire sur lequel le soleil ne se couche jamais"
, le Royaume-Uni a dû abandonner ses colonies une à une au fil du temps. Pourtant, avec son approche et son style bien particuliers, il a continué à entretenir des relations avec diverses nations comme par le passé. En accueillant les minorités musulmanes sur son sol avec une grande aisance, il a également intégré leurs talents et leurs réseaux au sein du pays.

La question revêtait également une grande importance pour les nations ainsi intégrées dans cette dynamique. Elles en venaient à considérer le Royaume-Uni comme une figure paternelle bienveillante, un protecteur les accueillant sous son aile. Où qu'elles se trouvent dans le monde, consciemment ou inconsciemment, elles finissaient par servir les intérêts britanniques, consolidant ainsi l’influence du pays bien au-delà de ses frontières.


De l’Afrique à l’Asie, toutes les voies des réseaux sous influence britannique s’ouvraient devant eux, leur offrant des opportunités autrement inaccessibles. Pendant ce temps, l’intelligence stratégique britannique savourait la continuité d’un système colonial revisité: cette fois, non plus imposé par la force, mais maintenu grâce à des partenaires volontaires, intégrés et influents au sein même de leurs propres sociétés.


Au milieu des campagnes médiatiques savamment orchestrées, rythmées par des images soigneusement mises en scène et des vidéos calibrées au millimètre, personne ne semblait se rappeler les ravages causés par le Royaume-Uni dans le sous-continent indien ou au Bilâd ach-Châm (Syrie, Palestine, Irak, Jordanie et leurs environs). Le commerçant syrien, dont la boutique avait été
"honorée"
par la visite du Roi, n’avait sans doute même pas perçu l’ombre de la main britannique derrière les mises en scène de Daech qui l’avaient contraint à l’exil jusqu’à Londres.

De même, la prétendue sincérité de Charles III en louant la Palestine à travers ses dattes a suscité des applaudissements enthousiastes dans une grande partie du monde islamique.


Il est frappant de constater qu’un pays, responsable de profondes destructions, conflits et morcellements dans le monde islamique, dont les frontières complexes continuent de provoquer des guerres, n'a pratiquement laissé aucune empreinte négative dans l’inconscient et l’imaginaire des musulmans aujourd’hui. Cela soulève une question qui mérite une réflexion approfondie.


Il ne fait aucun doute que cette situation représente, pour le Royaume-Uni, un véritable succès dans la réalisation de ses objectifs impérialistes.


En observant Londres de loin, on ne peut s’empêcher de ressentir de la tristesse face à la profondeur de l'islamophobie dans son propre pays. Cette hostilité, qui se manifeste presque quotidiennement sous diverses formes et déguisements, montre qu'il existe en Türkiye une faille active constamment exacerbée. Un pays où de nombreuses personnalités portant des noms et prénoms musulmans, arabes ou ottomans affichent les formes les plus virulentes de l’islamophobie.


L’islamophobie – je ne parle pas de
"l'hostilité religieuse"
, car cette animosité semble être spécifiquement dirigée contre l’islam et les musulmans – est malheureusement l'une des réalités sociologiques les plus cruelles et douloureuses de la Türkiye.

La présence d'une telle hostilité déterminée et organisée dans un pays héritier de l'Empire ottoman rend nécessaire une relecture approfondie et réfléchie de l'histoire des 200 dernières années de notre pays.


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