Netanyahu a eu peur de la Türkiye

11:134/03/2025, mardi
MAJ: 4/03/2025, mardi
Yahya Bostan

L'une des informations les plus marquantes de ces derniers jours est la suivante: "Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a envoyé son secrétaire militaire R. Gofman à Moscou. Tel-Aviv demande à Moscou de maintenir sa présence militaire en Syrie". Cette information relayée par les médias israéliens s'inscrit dans un contexte particulier. À Tel-Aviv, la crainte d'une montée en puissance de la Türkiye ne cesse de grandir. Il semble qu'Israël ne parvienne pas à obtenir de la Türkiye la réponse

L'une des informations les plus marquantes de ces derniers jours est la suivante:
"Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a envoyé son secrétaire militaire R. Gofman à Moscou. Tel-Aviv demande à Moscou de maintenir sa présence militaire en Syrie".

Cette information relayée par les médias israéliens s'inscrit dans un contexte particulier. À Tel-Aviv, la crainte d'une montée en puissance de la Türkiye ne cesse de grandir. Il semble qu'Israël ne parvienne pas à obtenir de la Türkiye la réponse qu'il espérait concernant la situation en Syrie.


Quel est l'état actuel des relations et les enjeux stratégiques en jeu ? Décryptage.


La stratégie fondamentale d'Israël en Syrie repose sur le maintien du pays dans un état de faiblesse et de fragilité. Bachar al-Assad répondait à ce besoin de Tel-Aviv: en conflit avec son propre peuple, son régime avait conduit la Syrie au bord de la partition. Dans cette équation, la présence d'Assad et de l'Iran en Syrie représentait pour Israël le scénario le plus avantageux.


À cette époque, Israël avait également conclu un accord avec la Russie. En effet, l’espace aérien syrien était sous le contrôle de Moscou et de Washington.


Dans le cadre d’un accord signé en 2019, Israël menait librement des frappes aériennes contre des cibles iraniennes en Syrie, tout en informant les Russes en amont afin d’assurer une coordination militaire.


Mais aujourd’hui, la situation en Syrie a radicalement changé pour Israël. Bachar al-Assad a été renversé par l’opposition, et le président syrien al-Shara adopte une politique rationnelle et inclusive.


Il s’efforce de préserver l’intégrité territoriale du pays tout en envoyant des signaux positifs aux acteurs internationaux afin de sortir la Syrie de l’étau des sanctions. Cette stratégie porte ses fruits: l’intérêt des pays du Golfe pour Damas est grandissant, et l’Union européenne a déjà suspendu certaines sanctions dans les secteurs bancaire, énergétique et des transports.


Le gouvernement de Damas engage également des discussions avec les Russes pour normaliser la situation du pays (Ankara joue un rôle facilitateur). Le président russe Vladimir Poutine a appelé al-Shara, le 12 février.


Lors de cet appel, la partie russe a exprimé sa détermination à aider à améliorer la situation socio-économique en Syrie. Récemment, lors de sa visite à Ankara, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a été mentionné dans la presse concernant l'allégation selon laquelle le ministre syrien des Affaires étrangères, Shaiban, serait arrivé secrètement à Ankara et aurait rencontré Lavrov.


Pour les Russes, une question importante est l'avenir des ports russes en Syrie. Après le 8 décembre, un responsable russe avait déclaré:
"Nous souhaitons parler avec les Syriens, ce sont eux qui décideront"
. Il semble que la Syrie ne soit pas opposée à une présence militaire russe partielle, tant que cela ne porte pas atteinte à la souveraineté du pays et que cela soit encadré par des règles strictes.

Israël tente de renverser cette situation en Syrie par diverses actions. Il a élargi son occupation du Golan et ciblé l'ensemble de l'infrastructure militaire syrienne. Israël fait également pression auprès des États-Unis pour empêcher la levée des sanctions contre la Syrie. De plus, il incite le groupe terroriste SDG/PKK à ne pas
"déposer les armes"
afin de favoriser la division du pays.

Israël tente également de provoquer les Druzes. La déclaration de Netanyahu, affirmant qu’ils
"n'autoriseront pas un régime islamiste extrémiste en Syrie à nuire aux Druzes",
et ses instructions à l'armée sont jugées risquées. D'autre part, le leader druze libanais, Walid Jumblatt, a mis en garde contre les plans israéliens, soulignant qu’
"Israël répand le chaos"
, et a annoncé son intention de se rendre en Syrie pour rencontrer le président al-Shara, un message porteur d'espoir. Malgré les menaces israéliennes, les forces de sécurité syriennes, dans le cadre d'un accord, ont été déployées dans certaines zones où vivent de nombreux Druzes. Cela reste un point crucial.

Au-delà de tout cela, Israël tentera probablement un coup d'État à Damas. Je ne dis pas qu'ils y parviendront, mais ils feront certainement des efforts dans ce sens. Les observateurs attentifs le remarqueront: la machine de propagande israélienne utilise tous les moyens à sa disposition pour diaboliser le gouvernement de Shara et l'associer au terrorisme.


Revenons maintenant à la question initiale : que cherche Israël à Moscou ? Selon les médias israéliens, Tel Aviv privilégie la Russie, une puissance dominante dans la région, plutôt que la Türkiye. Ce choix est d’autant plus frappant que les discussions Moscou-Damas se poursuivent en coulisses. Israël nourrit des préoccupations sur trois points: d'abord, les relations militaires que la Türkiye développe avec la Syrie; ensuite, la formation de l'armée syrienne et la fourniture de technologies de pointe; enfin, la question du contrôle de l'espace aérien syrien.


À ces raisons, ajoutons-en quelques-unes supplémentaires : d’abord, Israël ne peut pas faire à la Türkiye ce qu’il a fait à l’Iran, il ne peut pas diaboliser la Türkiye car elle agit selon le droit international. Ensuite, la Türkiye est une grande puissance économique et militaire, avec une armée dissuasive et l’une des rares armées à avoir allié son expérience militaire à des technologies de pointe. Troisièmement, Israël qui compte sur le soutien de Trump respecte la Türkiye et son président Erdoğan.


Quatrièmement, la stabilité de la Syrie (en raison de menaces directes pour la Türkiye, telles que le terrorisme et les migrations) est une question de sécurité nationale. Ankara ne reculera pas en Syrie.


Cinquièmement, Israël s'inquiète de la possibilité de se retrouver en confrontation avec la Türkiye en raison du quatrième point (rapport du Comité Nagel). Certains estiment même que cela est inévitable.


Cette question suscitera encore beaucoup de débats. Toutefois, pour conclure, il convient de souligner que Tel Aviv semble être à la recherche d'une relation similaire à celle qu'il a précédemment entretenue avec la Russie. Il semble qu'il y ait également des attentes envers la Türkiye à cet égard. Cependant, n'ayant pas obtenu de feu vert, leur démarche à Moscou en est probablement la conséquence.


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