Crédit Photo : Anna Moneymaker / AFP
Le président américain Donald Trump s'exprime lors du dîner du Comité national républicain au Congrès (NRCC), le 8 avril 2025 à Washington.
Les politiques douanières agressives de Donald Trump menacent l'ordre économique mondial fondé sur la libre circulation des biens. Entre relocalisation coûteuse, montée des blocs économiques rivaux et nouvelles alliances commerciales, la mondialisation entre dans une nouvelle ère, plus fragmentée et incertaine.
Une mondialisation à bout de souffle ?
De nombreux experts estiment que l’interconnexion des économies survivra, mais sous une forme plus fragmentée et plus coûteuse.
La baisse des droits de douane, pierre angulaire de la mondialisation depuis la Seconde Guerre mondiale, s’est imposée avec la création en 1947 du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette dernière regroupe aujourd’hui 166 membres représentant 98 % du commerce mondial.
Mais les moyens d’action de ce "gendarme du commerce" sont aujourd’hui limités, alors que les hausses de droits de douane impulsées par Trump se multiplient.
"La vague de mondialisation qui a démarré il y a plus de trente ans touche à sa fin"
, analysait l’économiste serbo-américain Branko Milanovic dans un article du magazine Jacobin publié fin mars.
"Si on la définit par la baisse massive des frontières économiques et l’unification des échanges de biens, mais aussi de services, de données et de capitaux, ce cycle est réellement terminé"
, confirme Nicolas Baverez, avocat associé du cabinet August Debouzy.
Relocalisation, blocs et rivalités
La pandémie de Covid-19 a révélé la vulnérabilité extrême des chaînes de production mondiales. La guerre en Ukraine a quant à elle mis en lumière les dangers liés à la dépendance énergétique vis-à-vis de partenaires peu fiables, comme la Russie.
S’ajoute à cela la montée en puissance de blocs régionaux – États-Unis, Chine, Russie, Union européenne – qui s’affrontent via des outils variés : droits de douane, contrôle des technologies, sanctions financières, restrictions migratoires, subventions.
Selon Adam Slater, économiste chez Oxford Economics,
"la rupture très nette de l’Amérique de Trump par rapport à sa politique d’après-guerre est préoccupante"
. Il estime qu’une escalade douanière menace directement l’avenir des échanges internationaux.
En 2023, le commerce mondial de marchandises a atteint près de 24 000 milliards de dollars, selon l’OMC, dont 13 % pour les importations américaines et 8,5 % pour leurs exportations.
Des relocalisations limitées et coûteuses
L’après-Covid a encouragé des stratégies de relocalisation dans des pays
mais peu d’industries reviendront dans les pays développés. Les usines y seraient soit robotisées avec peu d’emplois, soit bien plus coûteuses qu’en Asie ou en Amérique latine.
"Dans certains secteurs comme les jouets, le textile ou les meubles, les économies émergentes gardent un avantage compétitif tel que même des droits de douane élevés ne rendent pas les États-Unis compétitifs
", explique Neil Shearing, chef économiste chez Capital Economics à Londres.
Les coûts élevés de relocalisation aux États-Unis et la durée nécessaire aux transferts de production rendent la stratégie de Trump incertaine.
"Malgré la vantardise de Trump, seule une fraction de l’industrie manufacturière délocalisée reviendra"
, résume-t-il.
Une mondialisation recomposée ?
Pascal Lamy, ancien président de l’OMC, relativise:
"Si les États-Unis se ferment, d’autres s’ouvriront."
Des accords commerciaux refont surface. Le Japon, la Chine et la Corée du Sud accélèrent leurs négociations pour un accord de libre-échange. Le président brésilien Lula a appelé à un partenariat entre le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) et le Japon.
La Chine ambitionne de prendre le relais des États-Unis comme moteur de la mondialisation. En mars, le Premier ministre Li Qiang a affirmé vouloir adhérer
"à la bonne direction de la mondialisation"
, malgré les critiques sur ses subventions industrielles.
"La Chine dispose des bases économiques nécessaires pour mener la mondialisation"
, assure Li Daokui, professeur à l’université Tsinghua à Pékin.
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