
Une série de témoignages publiés par Libération et issus d'une enquête conjointe avec le média Disclose révèle l'ampleur d'un phénomène alarmant : des violences sexuelles commises par des membres des forces de l'ordre sur des femmes vulnérables, souvent venues chercher protection dans les commissariats.
Par voie d'un long article d'investigation publié ce mardi, Libération donne la parole à plusieurs femmes victimes d'agissements d'agents de police ou de gendarmerie, allant du harcèlement sexuel au viol aggravé. Ces actes sont souvent commis dans un contexte de domination, à l'abri de tout regard, et exploitant la vulnérabilité sociale, psychologique ou linguistique des victimes.
Disclose recense 429 cas de violences sexuelles imputables à des membres des forces de l'ordre depuis 2012. Parmi ces victimes, 132 étaient soit plaignantes soit mises en cause dans des affaires. Selon Libération, une majorité de ces femmes étaient venues chercher protection pour des violences conjugales ou intrafamiliales.
L'enquête évoque aussi la répétition des comportements, soulignant que 83 policiers et gendarmes sont mis en cause dans plusieurs affaires. Le cas de Claude Mardi, condamné pour viols et harcèlement sexuel, ou celui de Laurent D., policier d'Angers mis en examen avant de décéder, montrent la dimension sérielle de certaines de ces affaires. Des collègues avaient alerté sur leurs attitudes, sans que cela n'ait donné lieu à des mesures disciplinaires suffisantes, découvre-t-on dans l'enquête.
Malgré les condamnations judiciaires prononcées dans certains cas, Libération souligne que peu d'agents sont exclus de la profession. Le ministère de l'Intérieur, contacté par le quotidien, indique que depuis 2021, seules 18 sanctions ont été prononcées dans la police nationale pour violences sexuelles, contre 223 dans la gendarmerie sur la même période.
En toile de fond, l'article de Libération décrit une culture de virilité exacerbée au sein des forces de l'ordre, qui favoriserait l'impunité. Des comportements inadaptés, des blagues à connotation sexuelle, des attitudes déplacées vis-à-vis des collègues féminines ont souvent été rapportés bien avant que ne surgissent les plaintes pour violences sexuelles.
Si quelques victimes osent aujourd'hui témoigner publiquement, comme Joanna N. ou Fatima E., toutes dénoncent le prix à payer pour être entendues, la peur, l'isolement, la défiance désormais installée envers l'institution policière. Mais leur courage contribue à briser un tabou institutionnel, selon le quotidien français.