Crédit Photo : SAMEER AL-DOUMY / AFP
Le lycée musulman Averroès, à Lille, en France.
C'est par le biais de fuites publiées lundi dans un journal quotidien régional français, que la direction du lycée musulman Averroès a appris qu'après une fastidieuse procédure, le Préfet du Nord avait officiellement acté la résiliation du contrat qui lie l'association avec l'État.
Cette décision, qui intervient après un premier feu vert donné par la Commission académique consultative, apparaissait jouée d'avance, tant la détermination du Préfet était palpable dans son rapport de saisine.
Dans un entretien exclusif à Anadolu, le président de l'association Averroès, Makhlouf Mameche, s'est dit déterminé à aller au bout de toutes les procédures judiciaires.
Alors que mardi matin, il n'avait toujours pas reçu la notification officielle de la résiliation dudit contrat, le dirigeant assure que "
ce n'est pas un événement, un scoop ou une surprise puisque le Préfet a tout mis en œuvre et tout fait pour résilier ce contrat"
"La commission de concertation"
organisée par ce dernier pour examiner l'opportunité d'une telle mesure contre le lycée musulman était déjà
"une mascarade qui faisait partie du protocole qu'il devait suivre"
pour réussir à résilier le contrat, grince le président d'Averroès.
Après une saisine du Défenseur des droits, le 6 décembre dernier, l'association s'apprête à se tourner vers la justice "
dès réception de la décision du Préfet"
et se dit prête à aller au bout de ses démarches.
Makhlouf Mameche qui précise que toutes les démarches ont déjà été préparées avec les avocats de l'établissement, assure:
L'association va faire un recours en référé devant le tribunal administratif pour obtenir la suspension de cette décision.
Dans le détail, Maître Bourdon, et Maître Jablonski, qui ont eux-mêmes publié un communiqué de presse lundi, vont engager une procédure d'urgence mais également une procédure au fond.
Dénonçant
"l'attitude absolument partisane dont a fait preuve le Préfet lors de la réunion de la commission de concertation pour l'enseignement privé qui s'est tenue le 27 novembre"
,
les deux conseils déplorent
"les multiples propos et rumeurs, malheureusement relayés par les pouvoirs publics, totalement diffamatoires et mensongers, qui visent à occulter la réalité d'un lycée républicain, musulman, d'excellence et, de surcroît, le plus contrôlé de France".
Ils confirment, enfin, "
que devant cette chronique annoncée d'une résiliation qui était d'ores et déjà décidée, les avocats soussignés ont reçu pour instruction d'introduire tous les recours qui s'imposent, y compris en urgence afin de voir suspendue puis annulée la décision du Préfet".
Et le lycée Averroès ne devrait pas être seul pour porter ces procédures administratives, puisque Makhlouf Mameche indique que plusieurs associations vont se joindre aux actions intentées, à l'image de l'association de parents d'élèves de l'établissement, et de plusieurs associations de défense des droits humains.
Les députés LFI (La France Insoumise), David Guiraud, Adrien Quatennens et Ugo Bernalicis ont, quant à eux, déjà apporté leur soutien au lycée Averroès dans un communiqué de presse publié jeudi dernier.
Sans manquer de souligner que l'établissement a été élu meilleur lycée de France en 2013, les trois élus égrènent de nombreuses questions et soulèvent ainsi la problématique centrale de cette résiliation de contrat.
Est-ce parce que ce Lycée est musulman qu'il fait l'objet d'une inspection annuelle du rectorat, ce qui n'est absolument pas le cas des établissements privés d'autres confessions? (…)
"Est-ce parce que le lycée est musulman que le président de la région bloque depuis 2019, les subventions qu'il est obligé de lui verser (…)? Est-ce parce que le Lycée est musulman que le Préfet du Nord dénonce un financement étranger quand de nombreux autres financements étrangers ne semblent poser aucun problème dans les établissements privés d'autres confessions? (…)"
"Est-ce parce que le Lycée est musulman que le préfet du Nord dénonce des manquements éducatifs alors que le rapport de l'inspection générale ne relève aucun manquement au respect du contrat d'association ? Est-ce parce que le Lycée est musulman que le préfet du Nord dénonce certains contenus pédagogiques comme si les élèves musulmans n'étaient pas pourvus d'esprit critique, leur reprochant la lecture de livres disponibles à la bibliothèque nationale de France?"
, s'interrogent les députés de gauche.
Et les questions posées font notamment échos à celles soulevées par de nombreux observateurs dont le politologue François Burgat.
Dans un entretien à Anadolu, ce spécialiste des questions liées à l'islam qualifie
la procédure initiée par le Préfet du Nord à l'encontre du lycée Averroès.
Soulignant qu'il convient que l'État
"ne reconnaisse aucune religion mais les respecte toutes de la même façon sans en privilégier ni en stigmatiser aucune"
, il estime qu'il
"est clair que le traitement appliqué à Averroès conduirait à n'en point douter à la fermeture de nombreux établissements catholiques ou juifs » et "c'est bien là que le bât blesse".
Concrètement, la résiliation du contrat d'association qui lie le lycée Averroès à l'État va engendrer un séisme organisationnel puisqu'il lui faudrait, dès la rentrée 2024, recruter une quarantaine de professeurs tout en se voyant privé d'une aide financière de 1,7 million d'euros, sur les 2 millions nécessaires au fonctionnement annuel de l'établissement.
#France
#Lycée Averroès
#Lycée musulman
#Politique
#Gouvernement