France: Le patron de la police plonge l'Exécutif dans la tourmente

La rédaction
17:2725/07/2023, mardi
MAJ: 25/07/2023, mardi
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Le directeur général de la police nationale, Frédéric Vaux. Crédit photo: SAMEER AL-DOUMY / AFP
Le directeur général de la police nationale, Frédéric Vaux. Crédit photo: SAMEER AL-DOUMY / AFP

Quelques semaines après les révoltes urbaines suite à la mort de Nahel, 17 ans, abattu par un policier à Nanterre le 27 juin dernier, les tensions persistent en France concernant le rôle et les méthodes de la police, en particulier suite aux déclarations du DGPN, Frédéric Veaux, dans le journal français dimanche dernier, provoquant une vive controverse.

Considérant
"qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail"
, le patron de la police a remis en question la légitimité du placement en détention d’un fonctionnaire de police, gravement mis en cause dans le passage à tabac d’un jeune à Marseille dans la nuit du 1er au 2 juillet.


Malgré un franc appui du préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, qui a fait savoir, via ses réseaux sociaux, qu’il partageait
"les propos du DGPN"
, les critiques fusent et de nombreuses personnalités s’inquiètent de cette prise de position à l’heure où des dizaines de policiers usent d’arrêts maladie pour protester contre les poursuites pénales infligées à leurs collègues marseillais poursuivis pour des faits de
"violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme"
.


La sédition en marche?


Cette prise de position de Frédéric Veaux, appuyée par Laurent Nuñez, n’a, à ce stade, pas fait réagir la Place Beauvau de manière officielle mais le prolongement d’une posture silencieuse à l’heure où observateurs et politiques s’inquiètent d’une éventuelle sédition, pourrait envenimer la situation déjà complexe.

Interrogé par l'Agence Anadolu, le député LFI (La France Insoumise), Carlos Martens Bilongo voit dans les déclarations du DGPN, la main du syndicat de droite
"Alliance Police"
qui est
"partout chez lui, qui fait ce qu’il veut car il doit être au-dessus des lois"
.

L’élu du Val d’Oise estime que ces propos constituent un
"message inadmissible en direction de la population surtout celle qui est davantage victime de violence policière"
.

Plaidant pour
"réformer la police de la cave au grenier"
, le député pointe
"le séparatisme"
d’une
"police républicaine qui a perdu sa boussole"
entre
"cette déclaration choquante, les propos du Préfet Nuñez et les arrêts maladies"
.

De son côté le député insoumis William Martinet qui déplore un
"ministre de l’intérieur (qui) reste muet"
, s'inquiète:

La police est hors de contrôle.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes évoquent une
"sédition en cours"
,
"une offensive contre l’indépendance de la justice"
ou encore
"un comportement factieux"
.

Les syndicats inquiets


Au-delà des critiques et de l’inquiétude politique à voir une proposition portée par l’extrême-droite d’Éric Zemmour, être reprise dans la bouche du DGPN, plusieurs syndicats ont vivement réagi à cette sortie.


Dans un communiqué de presse publié lundi matin, le syndicat de la magistrature, considère que par ses déclarations, le DGPN
"remet publiquement en cause le principe d'égalité devant la loi, utilise sa position institutionnelle pour porter atteinte à l'autorité judiciaire auprès des citoyens et bafoue les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'indépendance de la justice"
.

"Les juges judiciaires, garants constitutionnels des libertés individuelles, doivent pouvoir exercer leurs missions en toute indépendance, sans autre jalon que celui de la loi, qui en matière de détention provisoire prévoit les mêmes critères pour tous les justiciables, y compris les membres des forces de l'ordre dès lors qu'ils se voient reprochés des délits ou des crimes. Voulons-nous d'une justice qui agit sous l'influence de telle autorité ou tel groupe de pression, ou d'une justice appliquant rigoureusement la loi en toute impartialité?"
poursuit le communiqué avant de réclamer l’intervention du président Emmanuel Macron pour qu’il
"dénonce fermement cette attaque inédite à la séparation des pouvoirs"
estimant qu’il
"en va de la sauvegarde de l'État de droit"
.

L’inquiétude est également de mise du côté du syndicat
"la voix lycéenne" dont le secrétaire national, Manès Nadel, a lui aussi réagi en pointant
"des propos séditieux":

Les dirigeants de la police nationale font ouvertement pression sur la justice, sous la pression de "syndicats" policiers factieux.

"N'importe qui devrait dénoncer avec la plus grande force ces propos séditieux. Le silence du gouvernement est coupable"
a-t-il déclaré dans une publication en ligne.

L’ambiguïté de Macron épinglée


Alors que la polémique enflait tout au long de la journée de lundi, le président Emmanuel Macron, interrogé par TF1 et France 2 a été poussé à s’exprimer sur cette situation de crise.


S’il a concédé que
"nul n’est au-dessus des lois"
, il a assuré comprendre
"l’émotion des policiers"
tout en se refusant à commenter les propos du DGPN et la décision de justice actant l’incarcération du policier marseillais.

Alors que les crispations étaient déjà très fortes, l’intervention du chef de l’État, qui n’a pas évoqué les victimes ni les violences policières à l’origine des émeutes, a été très mal perçue.

"À l’origine des émeutes? Le meurtre d’un jeune de 17 ans. À l’origine de la sédition des policiers de Marseille? La mise en détention provisoire de leurs collègues accusés de violences aggravés sur un jeune homme avec 60 jours d’ITT. Macron n’a pas eu un mot d’empathie pour les deux victimes"
, a grincé la président du groupe LFI à l’Assemblée Nationale Mathilde Panot, qualifiant le président
"d’irresponsable"
.

La NUPES (nouvelle union populaire écologique et solidaire) a elle aussi publié un communiqué de presse appelant le chef de l’État à une réaction urgente.


"En l'absence inacceptable de réaction du ministre de l'Intérieur et de la Première ministre, nous attendons du Président de la République qu'il joue son rôle de garant de la Constitution en faisant le nécessaire pour rétablir l'ordre républicain dans la police. Ce qui se passe sous nos yeux est extrêmement dangereux et inquiétant pour le respect de l'état de droit et les fondements de notre démocratie"
écrit l’union de la gauche.

Si la Place Beauvau a indiqué à BFMTV que le DGPN avait toute la confiance du ministre de l’intérieur, il reste peu probable que la situation se calme sans réaction plus franche de la part de l’Exécutif.


En attendant, la réponse pourrait d’abord être pénale puisque Mathilde Panot a adressé un signalement au procureur de la République, estimant que les propos de Frédéric Veaux pourraient constituer une infraction en jetant un discrédit et portant atteinte à l’institution judiciaire.


Soutien d'Élisabeth Borne


La Première ministre française, Élisabeth Borne, a apporté mardi, depuis Le Havre où elle est en déplacement, son
"soutien"
aux policiers tout en appelant à laisser la justice
"faire son travail sereinement"
, après les propos polémiques de Frédéric Veaux.

"Je pense qu’il faut que chacun ait conscience de la difficulté de leur mission. Ils ont dû faire face à des violences très fortes tout au long de ces émeutes urbaines"
a-t-elle poursuivi.

Néanmoins, la cheffe du gouvernement souligne qu’il
"y a une décision de justice et il faut que la justice puisse faire son travail sereinement"
.

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