Meurtre de Nahel par la police: le signe de l’islamophobie et du racisme en France

15:595/07/2023, mercredi
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Crédit photo: SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP
Crédit photo: SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Les émeutes déclenchées après la mort de Nahel ont mis en lumière les critiques concernant les politiques discriminatoires et l'islamophobie suscitant une réflexion sur le racisme institutionnel au sein des forces de l'ordre en France, selon un professeur de rhétorique et de pensée décoloniale à l'Université de Leeds.

La France a été ébranlée par des émeutes nocturnes qui ont éclaté le 27 juin, jour de la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans d'origine algérienne, tué à bout portant par un motard de la police, lors d'un contrôle routier à Nanterre (ouest de Paris).


Selon la version des deux policiers, rapportée au quartier général, le jeune Nahel aurait tenté de les écraser avec son véhicule.


Cependant, une vidéo du drame avait prouvé tout à fait le contraire et, le policier auteur du tir a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire.


Des milliers de personnes ont été arrêtées lors des émeutes, qui ont commencé à Nanterre, banlieue ouvrière parisienne où Nahel a été abattu, avant de gagner l’ensemble de la France notamment les villes de Lyon, Toulouse, Lille et Marseille.


La France a essuyé de vives critiques sur ses politiques discriminatoires à l'endroit de la population issue de l’immigration et des minorités, lesquelles portent des griefs et une méfiance à l'égard de la police qu'ils accusent d'être raciste et excessivement violente.


L'ONU a ainsi demandé à la France
"de se pencher sérieusement sur les problèmes de racisme et de discrimination raciale au sein des forces de l’ordre"
.


Pour Salman Sayyid, professeur de rhétorique et de pensée décoloniale à l'Université de Leeds, le modus operandi avec lequel Nahel a été tué n'est
"pas nouveau"
.

Sayyid qui est également directeur de l'École de sociologie et de politique sociale, a déclaré que l'État français et des pans entiers de sa société
"versent dans l’islamophobie depuis plusieurs années"
.

"Je pense que
(le meurtre de Nahel)
est le signe implacable de l’islamophobie institutionnelle et du racisme structurel en matière d'application des lois, de justice pénale et jusque dans les structures et les appareils de l'État français lui-même"
, a-t-il souligné à Anadolu.

L’universitaire britannique a déclaré que l’attitude de la police française envers les personnes
"particulièrement celles qui sont marquées par la dimension ethnique ou par la musulmanité, est institutionnellement raciste et islamophobe"
.

Le gouvernement français ne veut pas admettre l'existence de ce racisme systémique.

"Ce type de déni est assez courant et rappelle à bien des égards les régimes autoritaires dépourvus de toute capacité de réflexion"
, a soutenu Sayyid.

Assimilation de l'islamophobie


"Je pense que ce qui se passe en France est dangereux non seulement pour les musulmans et les autres groupes ethniques ou marginalisés, mais aussi pour la société elle-même, car l'érosion des droits civils et démocratiques affectera tout le monde"
, a-t-il ajouté.

Sayyid affirme que la lutte contre l'islamophobie est indispensable pour protéger les droits de tous car
"il ne peut y avoir de droits civils pour tous si ceux des musulmans ne sont pas préservés"
.

En réponse à une question sur la montée de l'islamophobie en Europe, Sayyid estime qu’une
"assimilation de l’islamophobie"
dans l’Union européenne avait eu lieu, ce qui est
"particulièrement alarmant"
.

Il a évoqué comme exemples récents l'autodafé du Coran en Suède, l’interdiction et la dissolution de groupes qui luttent contre le racisme ou l'islamophobie en France et la pression exercée sur des groupes pro-palestiniens en Allemagne.



"Ce sont des pays censés défendre les droits humains et civils dans le monde et à l'intérieur de leurs propres frontières"
, a fait observer Sayyid.

L’universitaire britannique relève que de tels agissements de la part de gouvernements européens sont un
"coup porté aux valeurs libérales dont ils se revendiquent"
.

"L'espace pour la pensée critique et la dissidence dans les pays de l’UE, censée être un bastion de la démocratie libérale, se rétrécit"
, a déploré Sayyid.

Pour progresser sur ce front, il doit y avoir une coalition plus large qui réunit non seulement les musulmans mais tous ceux
"qui estiment que la relation entre les gouvernants et les gouvernés doit être beaucoup plus équilibrée"
, a-t-il ajouté.

"L'islamophobie, le racisme institutionnel sont les manifestations de ce nouveau système qui se met en place, et pour le réformer, il faudrait construire une large coalition solide contre cette xénophobie à l’égard des réfugiés, des Roms, des musulmans, et de tous les exclus"
, a-t-il conclu.

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