Des heurts ont éclaté dimanche à Dakar entre forces de sécurité et manifestants protestant contre le report inédit de la présidentielle annoncé la veille par le chef de l'Etat Macky Sall dans une atmosphère hautement volatile.
Les gendarmes ont déclenché un tir nourri de grenades lacrymogènes contre des centaines d'hommes et de femmes de tous âges qui, drapeau du Sénégal à la main ou maillot de l'équipe nationale de foot sur le dos, convergeaient sur l'un des principaux axes routiers de la capitale vers un rond-point où plusieurs candidats d'opposition leur avaient donné rendez-vous, ont constaté des journalistes.
Les gendarmes, déployés en grand nombre, se sont enfoncés à pied ou en pickups dans les quartiers adjacents à la poursuite des manifestants en fuite. Ils ont alors essuyé des jets de pierres.
Les forces de sécurité ont aussi tiré des grenades lacrymogènes sur les nombreux partisans de Khalifa Sall qui s'étaient rassemblés près du quartier général de leur candidat. Plusieurs femmes se sont trouvées mal sous l'effet des gaz.
Ce sont les premiers troubles consécutifs à l'annonce par le président Sall du report de la présidentielle du 25 février.
Âgé de 36 ans, un manifestant du nom Demba Ba, affirme:
Nous sommes sortis pour dire non à cette forfaiture, non à ce coup d'Etat constitutionnel.
Le report a suscité un tollé et fait craindre un accès de fièvre dans un pays réputé comme un îlot de stabilité en Afrique de l'Ouest, mais qui a connu différents épisodes de troubles meurtriers depuis 2021.
L'annonce a aussi provoqué l'inquiétude à l'étranger.
Le président Sall a invoqué le "supposé" conflit qui a éclaté entre le Conseil constitutionnel et l'Assemblée nationale après la validation définitive par la juridiction de vingt candidatures et l'élimination de plusieurs dizaines d'autres.
Les députés doivent se réunir lundi pour examiner une proposition de loi pour le report de la présidentielle de six mois. Le texte doit être approuvé par les 3/5èmes des 165 députés pour être validé.
Ce débat s'annonce comme un autre temps fort de la crise et l'approbation du texte ne semble pas acquise.
Contre toute attente, des députés du camp présidentiel ont soutenu la démarche. Elle a provoqué une vive querelle sur la séparation des pouvoirs, mais aussi nourri le soupçon d'un plan du pouvoir pour ajourner la présidentielle et éviter une défaite.
Un député d'opposition, Ayib Daffé, a assuré sur les réseaux sociaux que des parlementaires du camp présidentiel avaient proposé, lors d'une réunion préparatoire à la séance de lundi, de prolonger d'un an le mandat du président sortant.