A Kiev, guerre culturelle autour de l'écrivain soviétique Mikhaïl Boulgakov

11:453/06/2023, samedi
MAJ: 3/06/2023, samedi
AFP
Crédit photo: Sergii VOLSKYI / AFPTV / AFP
Crédit photo: Sergii VOLSKYI / AFPTV / AFP

Dans une rue pittoresque de Kiev, la plaque commémorative en l'honneur de l'écrivain soviétique Mikhaïl Boulgakov, l'auteur du "Maître et Marguerite", a été aspergée de peinture rouge, signe de la guerre culturelle qui couve en Ukraine.

La plaque se trouve sur la façade de la maison du XIXe siècle où a grandi ce célèbre natif de la capitale ukrainienne, devenue un musée au début des années 1990.


Le problème pour certains: Boulgakov est né à Kiev dans une famille russe.


La directrice du musée, Lioudmyla Goubianouri, n'a elle aucune intention de nettoyer la peinture rouge qui recouvre la plaque commémorative.


"Le fait qu'ils aient jeté de la peinture dessus, c'est aussi le signe que nous, en tant que musée, n'avons pas fait assez de travail"
explicatif, dit-t-elle.

Elle a dessiné un panneau qui sera accroché sous la plaque dégradée, lisant:
"L'histoire doit être étudiée, et non pas rejetée".

"Tout cela est bien sûr lié à la guerre avec la Russie. La raison pour laquelle cela s'est produit est absolument évidente et claire",
souligne-t-elle.

Selon la directrice, les souffrances engendrées par l'invasion russe en février 2022 ont radicalisé les Ukrainiens, qui ne voient plus qu'en
"noir ou blanc".

C'est une période très difficile pour le pays.

Le musée avait pourtant récemment modifié l'inscription sur la plaque en l'honneur de Mikhaïl Boulgakov. A l'origine, elle était écrite en langue russe et le qualifiait d'
"écrivain russe et soviétique
".

La nouvelle inscription apposée le mois dernier le qualifiait simplement d'
"éminent habitant de Kiev, médecin et écrivain"
.

Mikhaïl Boulgakov (1891-1940) écrivait ses romans, pièces de théâtre et articles de journaux en russe et a passé les deux dernières décennies de sa vie à Moscou, à l'époque soviétique.


Fasciné par Kiev, l'écrivain était en revanche méprisant envers le nationalisme ukrainien, la culture et la langue ukrainiennes.


"Haine" de l'Ukraine


Il n'est pas pour autant la seule cible de la politique de "dérussification" menée tambour battant par les autorités ukrainiennes, qui on démantelé de nombreux monuments et débaptisé rues, mémoriaux et inscriptions.


Un adolescent de 16 ans, Mykhaïlo Soboliev, a assuré être celui qui a aspergé de peinture la plaque de Mikhaïl Boulgakov, selon lui un
"acte de protestation publique"
dans le but de
"dérussifier et décoloniser Kiev".

Mykhaïlo comme ses parents ont consenti à ce que son nom soit publié par l'AFP.


L'adolescent a participé à plusieurs actions de protestations contre des monuments datant de l'époque soviétique dans la capitale ukrainienne, dont la statue du poète russe Alexandre Pouchkine, qui a été recouverte de graffitis appelant à sa démolition.


Mykhaïlo Soboliev reproche au musée Boulgakov d'avoir procédé à une sorte de
"manipulation"
pour contourner les règles de la
"dérussification"
en supprimant de la plaque l'inscription qui indiquait que l'écrivain était russe.

"Boulgakov était opposé à la création d'un Etat ukrainien. Il était contre la langue ukrainienne. Il ridiculisait les personnes qui changeaient leur nom de famille à la manière ukrainienne"
, assure-t-il.

Je ne comprends pas pourquoi le musée Boulgakov se trouve à Kiev.

L'Union nationale des écrivains d'Ukraine a également demandé la fermeture du musée, qualifiant le célèbre écrivain de personne qui
"haïssait l'Ukraine souveraine".

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