Ce sera sans doute l’article qui m’aura le plus coûté. Je suis à l’un de ces instants où les mots semblent insuffisants, où les émotions ne tiennent pas dans la plume. Cela fait exactement un mois que je suis arrivé en Italie le soir du 31 août pour rejoindre la flottille.
Cela fait 18 jours que nous sommes en mer sans relâche. Les bateaux sont devenus notre maison, les vagues nos compagnes de route. Dieu l’a permis : quelles que soient nos conditions, j’ai consigné jour après jour mes témoigna ges de ce voyage historique, et vous lisez maintenant le trentième de mes journaux. Chacun de ces trente textes est écrit avec le sel de la Méditerranée et le manque de la Palestine…
Nous sommes désormais à cette distance critique sur la route de Gaza. Quand vous lirez ces lignes, nous espérons être en navigation à 150 milles marins de Gaza. Lorsque nous avons levé l’ancre pour la première fois depuis le port d’Augusta, en Sicile, Gaza figurait à 1 100 milles sur la carte. Ce jour-là, cette distance semblait infranchissable… Aujourd’hui, nous sommes si proches qu’on pourrait nous désigner du doigt — et, en même temps, nous entrons rapidement dans la zone d’intervention israélienne. Ici, les eaux internationales sont revendiquées par Israël d’une manière contraire au droit international : c’est un seuil dangereux. Si aucun obstacle ne se présente, notre plan est d’être, jeudi à la mi-journée, sur les côtes de Gaza occupée.
Je ne sais pas si j’écrirai un nouveau texte demain, si nous aurons une connexion internet, ni même si je serai encore à bord de ce bateau. Mais ce ne sont pas des mots d’adieu. Au contraire, c’est peut-être le signe d’un nouveau commencement. Si nous parvenons à atteindre Gaza, j’écrirai depuis ces terres assiégées, je raconterai les histoires qui naissent au cœur de cette résistance. Penser à cela suffit à me faire oublier ma fatigue. Ainsi ce texte n’est pas une fin : ce sont simplement les dernières lignes d’un intermède.
Aujourd’hui, j’ai longuement observé les autres activistes sur le pont. J’ai regardé chacun d’eux, un par un. Oui, le sel de la mer et les traces de la fatigue de dix-huit jours se lisaient, mais la détermination dans les regards était plus nette que jamais. Nous sommes tous, convaincus sans faille que ce voyage aboutira à Gaza, entassés dans une embarcation plus petite qu’une coquille de noisette. À nos côtés se trouvent des parlementaires et des journalistes italiens. Avec Semanur Sönmez Yaman, nous discutons parfois avec eux. Ils savent l’importance de cette mission, ils enregistrent chaque instant, prennent des notes. Comme tout le monde dans la flottille, ils sont tranquilles. Courageux, impatients d’arriver à Gaza.
La plupart des récits autour de la flottille Sumud mettent en scène les bateaux défiant les vagues et les activistes courageux. Pourtant la face invisible de ce courage repose sur les épaules des familles qui attendent en silence à la maison. Derrière les gros titres et les images des ports bondés, derrière les discours enthousiastes, il y a des gens qui, au milieu de la nuit, sursautent au son d’un téléphone, scrutent les nouvelles avec inquiétude : mères, pères, époux et épouses, enfants, frères, sœurs et amis…
La plus difficile de ces renoncements reste de supporter l’incertitude. Tenter de tirer du sens des plans logistiques, des cartes maritimes, des flux d’informations internationales ; réussir à tenir la peur et l’espoir dans la même phrase. La véritable force qui se glisse dans la main d’un activiste vient du sentiment "j’ai un monde derrière moi" — et ce monde naît précisément dans ces foyers. La solidarité n’est pas seulement une chaîne sur le pont ; c’est le rythme du souffle à la maison, la morale de l’attente, le labeur quotidien de la patience.
Sans votre constance et votre soutien, notre détermination au large serait incomplète. Notre force découle non seulement de notre foi, mais de votre amour inébranlable et de votre patience. Pardonnez-nous et bénissez-nous. Cette campagne sera menée à bien non seulement pour Gaza, mais aussi pour vos beaux cœurs.
Et maintenant, alors que nous entamons les dernières 24 heures… Quand nos regards se tournent vers l’horizon, nous ne voyons plus seulement la mer : nous voyons un rêve, un objectif, la possibilité de mettre fin à des années d’oppression. Ces bateaux n’embarquent pas seulement des personnes et de l’aide ; ils portent l’objection de l’humanité à un monde qui a choisi l’oubli. Ils portent une promesse faite à un peuple oublié. Nous ne savons pas ce qui se passera ce mercredi en mer. Une chose est sûre : cela commencera soit par un matin de fête au port de Gaza, soit par la conscience du monde qui une fois encore échouera sur ces eaux. Dans les deux cas, nous sommes prêts.
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