Affaibli, le duo Macron-Scholz assombrit les perspectives européennes

14:394/07/2024, jeudi
AFP
Le président français, Emmanuel Macron et le chancelier fédéral d'Allemagne, Olaf Scholz.
Crédit Photo : LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
Le président français, Emmanuel Macron et le chancelier fédéral d'Allemagne, Olaf Scholz.

Empêtrés dans des remous de politique intérieure, les dirigeants français et allemand suscitent des inquiétudes quant aux capacités du moteur historique de l'Union européenne à opérer les changements nécessaires pour relever ses multiples défis.

La dissolution décidée par le président français Emmanuel Macron, le 9 juin, après la débâcle de son parti aux élections européennes, a plongé la France dans une profonde crise politique.


La possibilité est désormais réelle qu'au deuxième tour des législatives dimanche, l'extrême droite prenne le pouvoir. Ou que le pays devienne ingouvernable faute d'alliance entre le camp présidentiel (centre-droit), la gauche et la droite traditionnelle, unis électoralement pour faire barrage au Rassemblement national de Jordan Bardella.


Le chancelier allemand Olaf Scholz n'est pas mieux loti: ressorti encore plus affaibli des européennes, avec un score historiquement bas pour son parti social-démocrate, il est désormais sous le feu des critiques de son aile gauche.

Guerre en Ukraine, conflit israélo-palestinien, défis environnementaux, décrochage économique vis-à-vis de la Chine ou des Etats-Unis, intégration de nouveaux pays membres: la vitalité et la bonne entente du couple franco-allemand est pourtant cruciale pour que l'UE avance ses pions.


Marc Ringel, directeur de l'Institut franco-allemand, qui voit mal comment le duo pourrait à présent peser sur l'UE, souligne:


C'est toujours les projets communs (entre Paris et Berlin) qui ont fait bouger l'Europe.

"Nous avons vu ces dernières années que lorsque la France et l'Allemagne ne s'entendent pas, lors de réunions des 27, lors de sommets européens, ça ne fonctionne pas pour l'UE. Cela mène à un statu quo voire à un retour en arrière pour l'UE",
a souligné mercredi Andreas Jung, député CDU (conservateur). 

Ces dernières années, Paris a largement pesé à Bruxelles, poussant le plan de relance après la pandémie de Covid, défendant une régulation numérique, impulsant le soutien à l'Ukraine contre la Russie et tentant au passage de bâtir une véritable Europe de la défense.


Choc


"On s'était habitué à un président français très pro-européen et très dominant dans le système français"
, observe le politologue Jacob Ross du groupe de réflexion allemand DGAP.

"Si on connaissait les positions de Macron, on connaissait à peu près les positions françaises",
résume-t-il, observant un
"réveil difficile"
en Allemagne face
"au choc"
que provoque la crise politique dans l'Hexagone. 

D'autant, dit-il, que la montée de l'extrême droite française
"s'ajoute à l'Italie, aux Pays-Bas (marqués par des poussées populistes, ndlr), et à la crainte des élections américaines de novembre"
qui pourraient marquer le retour de l'ancien président républicain Donald Trump, peu amène envers l'UE, souligne Jacob Ross.
"Ca commence à faire beaucoup".

De fait, Olaf Scholz affiche ouvertement son inquiétude face à la tournure des événements en France. Il a évoqué publiquement mercredi l'élection législative de dimanche
"dont l'issue peut inquiéter".

Et selon plusieurs médias allemands, il a révélé lors d'un rassemblement politique d'élus de son parti, à Berlin, qu'il écrivait quotidiennement des textos à Emmanuel Macron pour discuter de
"la situation (...) vraiment préoccupante". 

Je croise les doigts pour que les Français que j'aime (...) réussissent à empêcher un gouvernement dirigé par un parti populiste de droite.

L'adversité pourrait-elle rapprocher les deux hommes, dont les différends sont constants ?
"Je ne pense pas du tout"
, tranche Jacob Ross, soulignant qu'à Berlin, on regrette amèrement la dissolution décidée Macron au moment où la politique américaine inquiète.  

Vers une Italie plus influente ?


La présidente du Conseil des experts économiques du gouvernement allemand, Monika Schnitzer, a, elle, invité son pays à se tourner vers d'autres partenaires dans une interview mardi à l'hebdomadaire Der Spiegel.


Et pendant que le duo se délite, les yeux sont rivés vers la Première ministre italienne, qui pourrait profiter de la situation.


Le chercheur François Heisbourg, de la Fondation pour la recherche stratégique, souligne:


Georgia Meloni a compris bien avant d'arriver au pouvoir que l'Union européenne n'était pas simplement un mal nécessaire, mais qu'elle pouvait être un vecteur d'influence.

C'est probablement la grande différence avec la leader de l'extrême droite française, Marine Le Pen, qui
"n'a pas du tout envie"
de peser au sein de l'UE, observe-t-il.

"Le contexte actuel d'un affaiblissement du moteur franco-allemand (...) pourrait faciliter un rôle plus influent d'autres gouvernements"
, y compris italien, observe également une source diplomatique européenne.

Mais Rome a besoin de l'UE, tempèrent les experts. Donc, à terme, aura aussi besoin des soutiens de Paris et Berlin.


À lire également:





#Union Européenne
#Allemagne
#France
#Emmanuel Macron
#Olaf Scholz
#Politique
#Élections
#Diplomatie