Condamnation de l'influenceur algérien Zazou Youssef : Maître Nabil Boudi dénonce une "décision éminemment politique"

15:133/03/2025, lundi
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L'avocat français Nabil Boudi.
Crédit Photo : X /
L'avocat français Nabil Boudi.

Comme plusieurs autres influenceurs algériens, Youssef Aziria, plus connu sous le pseudonyme de « Zazou Youssef », a fait l'objet, ces dernières semaines, de poursuites pénales relatives à des déclarations en ligne.

Lundi, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Brest, à une peine de 18 mois de prison ferme, avec maintien en détention, assortie d'une interdiction de territoire de 10 ans, pour des faits qualifiés de
"provocation à commettre un acte terroriste"
.

Dans un entretien à Anadolu, son avocat, Maître Nabil Boudi, qui a immédiatement fait appel de cette décision, estime que la peine infligée à son client est
"éminemment politique"
dans un contexte accru de tensions entre la France et l'Algérie.

Décrivant un
"sentiment de honte totale à l'égard de la justice"
, le conseil rappelle que
"le tribunal a condamné Zazou Youssef sur la base d'une vidéo qui a été montée de toutes pièces"
.

Il souligne que la vidéo originale, enregistrée par son client n'a jamais été retrouvée et que seul une séquence issue
"d'un montage réalisé par un opposant"
au pouvoir algérien.

"Le tribunal n'a donc rien trouvé d'autre à faire que de condamner Zazou Youssef sur la base d'un montage dont le contenu est tronqué et altéré"
, grince Maître Boudi pour qui
"une peine de 18 mois de prison avec mandat de dépôt pour une personne qui a un casier judiciaire vierge, ce n'est rien d'autre qu'une décision éminemment politique"
.

Et de poursuivre:


Ce que nous espérons de l'appel, c'est de tomber sur une juridiction qui statue en droit et pas en politique parce que le climat est particulièrement inquiétant.

Alors que la comparution de l'influenceur algérien se tenait lundi 24 février, au même moment que le procès de Doualemn, un autre influenceur, jugé à Montpellier, son avocat considère que son client paie les frais du contexte de vives tensions entre Paris et Alger.


"Mon client s'est retrouvé en plein milieu de cette crise et ils le font payer, ce n'est rien d'autre que ça"
, tranche le conseil parisien.

Zazou Youssef, qui a longuement répondu aux interrogations du tribunal correctionnel de Brest, a assuré que les propos tenus, et pour lesquels il avait été interpellé et placé en détention en janvier dernier, visaient à éviter
"un chaos comme après les manifestations dans les années 1990"
en demandant
"à l'armée"
de
"faire peur pour remettre de l'ordre dans le pays"
alors qu'un mouvement avait été lancé en ligne par d'autres tiktokeurs qui appelaient à un soulèvement en Algérie.

Au-delà de cette condamnation, largement commentée, les poursuites pénales qui visent des influenceurs algériens se sont multipliées ces dernières semaines, sur fond de bras de fer entre la France et l'Algérie sur les questions migratoires.

Des
"mesures de restriction de circulation et d'accès au territoire national pour certains dignitaires algériens ont été prises"
comme l'a dévoilé, fin février, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.

Dans un communiqué de presse publié, mercredi dernier, en réaction à cette annonce, la diplomatie algérienne a estimé que cette décision
"s'inscrit dans une longue liste des provocations, des intimidations et des menaces dirigées contre l'Algérie"
.

"Celles-ci sont de nul effet sur notre pays qui n'y cèdera pas. Toute mesure attentatoire à ses intérêts fera l'objet de mesures réciproques, strictes et immédiates"
, poursuivait Alger.

Pour rappel, le contentieux historique entre l'Algérie et la France est très profond.


À la question des archives et de la restitution des biens confisqués par la France, s'ajoutent les demande de réparations des essais nucléaires français en Algérie et d'indemnisation des victimes.


L'Algérie souhaite également la reconnaissance officielle des crimes coloniaux par la France.


Mais les relations entre les deux pays se sont davantage dégradées à l'été 2024, sur fond de reconnaissance, par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

En réaction, l'Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris et le président Tebboune a annulé un déplacement en France, initialement prévu en septembre 2024.


Plus récemment, l'emprisonnement de Boualem Sansal et le refus d'admettre sur son sol, ses ressortissants en situation irrégulière, dont l'influenceur algérien Doualemn, ont suscité la colère des autorités françaises qui menacent désormais de recourir au
"rapport de force"
, selon les déclarations du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.

Côté algérien, le président Abdelmadjid Tebboune a dénoncé les
"déclarations hostiles de politiques français"
, qualifiant le dialogue avec le président Macron de
"perte de temps"
et mettant en garde contre
"une séparation qui deviendrait irréparable"
.

"Nous avions beaucoup d'espoirs de dépasser le contentieux mémoriel (...). Mais, plus rien nʼavance si ce nʼest les relations commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu"
, a-t-il déploré.

Mercredi, au terme d'une réunion interministérielle, le premier ministre François Bayrou a annoncé que la France demandait à l'Algérie de réexaminer les accords conclus en 1968 entre les deux pays.

Affirmant qu'il n'était pas dans une volonté de
"surenchère"
ou
"d'escalade"
, le chef du gouvernement a précisé que Paris allait
"présenter au gouvernement algérien, une liste d'urgence, de personnes qui doivent pouvoir retourner dans leur pays"
car considérées comme
"particulièrement sensibles"
.

"S'il n'y avait pas de réponse, ça serait la dénonciation des accords qui serait la seule issue possible mais ce n'est pas celle que nous souhaitons"
, a-t-il, néanmoins, tempéré, considérant que les accords de 68
"donnent des avantages considérables aux ressortissants algériens".

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