Au Nigéria, la lutte contre la corruption commence dès l'école primaire

09:497/11/2024, jeudi
AFP
Une photo prise le 1er mars 2019 montre des élèves en classe dans une école privée de la communauté de Makoko, dans une lagune polluée à Lagos, la plus grande mégalopole d'Afrique au Nigéria.
Crédit Photo : YASUYOSHI CHIBA / AFP Archive
Une photo prise le 1er mars 2019 montre des élèves en classe dans une école privée de la communauté de Makoko, dans une lagune polluée à Lagos, la plus grande mégalopole d'Afrique au Nigéria.

Feranmi Iyanda distribue à des écoliers d'une dizaine d'années des exemplaires d'un livre, "Le discours d'Ansa" : un support qui sert de prétexte pour aborder le thème de la corruption au Nigeria, dans son école située dans un quartier populaire de la mégalopole Lagos.

Le mois dernier, le gouvernement de l'État de Lagos, capitale économique du pays le plus peuplé du continent, a intégré ce livre à la liste des ouvrages fortement recommandés dans les écoles.


"Cela fait près de 20 ans que je suis enseignante, et j'ai rarement vu dans cette liste des livres sur la lutte contre la corruption",
explique à l'AFP Ndukwu Mercy, directrice de l'école Winners School, située dans le quartier de Ketu à Lagos.

Le Nigeria est considéré comme l'un des pays les plus corrompus au monde, occupant la 145e place sur 180 pays dans le classement de l'ONG Transparency International en 2023.

"Les enfants en sont victimes de la même manière que les adultes. Ils pâtissent des mauvaises routes, des infrastructures éducatives inadéquates et du manque d'eau potable",
souligne Feranmi Iyanda, responsable des programmes de l'ONG Step Up Nigeria.

Ce jour-là à la Winners School, elle a réuni les écoliers sous une bâche dans la cour pour une lecture collective à haute voix, avant une session de questions-réponses et un jeu ludique sur l'intégrité.

"Il est important de leur expliquer que c'est quelque chose qu'il faut combattre, car ce sont les adultes et les leaders de demain. Et nous utilisons des livres pour cela",
dit-elle.

Littérature jeunesse


Depuis 2018, Step Up Nigeria s'est rendu dans plus de 1 000 écoles nigérianes pour enseigner aux enfants ce qu'est la corruption et ses conséquences néfastes. L'ONG affirme avoir sensibilisé environ 50 000 enfants.


"Nous sommes allés à Abuja, Lagos, Kaduna, Nassarawa, Oyo, Edo, Imo et Katsina. Nous utilisons principalement des livres, mais aussi des films d'animation et des jeux pour mener nos actions",
détaille Mme Iyanda.

Au total, Step Up Nigeria a créé quatre livres sur la lutte contre la corruption, pour des enfants de 6 à 12 ans.


Tous ont été conçus pour dénoncer le favoritisme et les détournements de fonds, et faire comprendre que la corruption est l'affaire de tous.

"Grâce aux personnages et aux leçons tirées, nous voulons que les enfants parlent de lutte contre la corruption autour d'eux"
, explique Onyinye Ough, directrice de Step Up Nigeria.

"Ansa's Speech"
("Le discours d'Ansa"), l'un des derniers livres de l'ONG, raconte l'histoire d'une adolescente de 13 ans qui prononce un discours important dans son école, après avoir été témoin de plusieurs actes de corruption la veille.

Sensibiliser et sanctionner


Encouragés par l'ONG, certains professeurs ont développé leurs propres activités autour de la thématique.


"On a une semaine de lutte contre la corruption à l'école. On va bientôt faire du théâtre, des poèmes et des dessins",
détaille Sulaiman, 10 ans, dans son uniforme scolaire rose et marron.

"Nous faisons office de modèles pour les enfants, ils nous croient et nous imitent",
explique la directrice de Winners School. Step Up Nigeria souhaite une sensibilisation plus poussée, en parallèle de sanctions contre les personnes accusées de corruption.

Le président nigérian Bola Tinubu est arrivé au pouvoir en mai 2023 en promettant de mener une stratégie nationale contre la corruption.


En un an et demi, il a suspendu plusieurs hauts fonctionnaires impliqués dans des scandales de malversations financières, dont son ancienne ministre de la Lutte contre la pauvreté et des Affaires humanitaires, Betta Edu, en janvier dernier.

"Nous faisons notre part du travail à notre petite échelle. Tout le monde doit prendre ses responsabilités, les citoyens et l'État",
estime Onyinye Ough. Mais
"le chemin est encore long"
, soupire-t-elle.

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