Le politologue français, Nabil Ennasri.
Incarcéré depuis le 4 octobre 2023, le politologue Nabil Ennasri, mis en examen dans le cadre d'une affaire financière, va déposer une nouvelle demande de remise en liberté alors que la justice française a décidé de prolonger à nouveau sa détention.
Soupçonné par la justice française de
"corruption et trafic d'influence", "abus de confiance"
et
"blanchiment de fraude fiscale aggravée"
dans une enquête liée au Qatar, il est le seul mis en cause à avoir été emprisonné alors même qu'il n'est pas le personnage central de l'enquête.
En conférence de presse ce mercredi soir à Paris, son avocat, Maître Nabil El Ouchikli, a annoncé qu'il avait l'intention de déposer une demande de démise en examen, couplée à une requête en récusation du magistrat instructeur en charge de cet épineux dossier.
Si d'un point de vue extérieur, de nombreux observateurs s'interrogent depuis des mois sur les raisons qui motivent le maintien en détention de cette figure connue et respectée pour ses écrits et productions intellectuelles, son avocat estime qu'il existe
"une obsession et un acharnement qui s'observent sur la personne de Nabil Ennasri".
Citant les noms de plusieurs personnes qui sont également visées à divers degrés par l'enquête ouverte en 2023 par le parquet national financier (PNF), l'avocat parisien indique que certains d'entre elles, qui sont
"impliquées et mises en examen pour les mêmes faits, et dont l'intervention est au-delà de ce qui est reproché à Nabil Ennasri, sont tous en liberté".
"Qu'est-ce qui distingue Nabil Ennasri des autres mis en examen ? Est-ce la gravité des faits ? Est-ce sa situation personnelle ? Est-ce le risque de fuite ? Est-ce le fantasme de sa proximité avec les Frères Musulmans ? Est-ce le positionnement qu'il adopte dans le dossier ? Est-ce l'obsession faite sur le Qatar par les magistrats instructeurs ?"
, s'interroge Maître El Ouchikli.
Selon ce dernier, Nabil Ennasri collabore avec les enquêteurs depuis le début de l'enquête et a
"à ce titre mis à la disposition de la justice tous les éléments permettant de faciliter les investigations, donné tous les codes de ses téléphones et outils informatiques"
puis
"répondu dans le cadre de quatre interrogatoires devant le juge d'instruction à l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés, parfois même à plusieurs reprises".
Souhaitant alerter sur le cas de son client, pour lequel il affirme que
"la justice dysfonctionne"
, Maître El Ouchikli fustige
"une incarcération injustifiable ni factuellement ni juridiquement qui plonge sa famille et lui-même dans une situation humaine catastrophique"
et
"une différence de traitement qui place Nabil Ennasri dans une incompréhension absolue et qui met en cause la neutralité et l'impartialité même de l'institution judiciaire qui constituent des garanties fondamentales auxquelles tout justiciable a droit".
Et de poursuivre:
"Surtout, l'acharnement dont il fait l'objet se prolonge dans le temps à tel point que sa situation fait figure d'exception dans ce type de dossiers".
Sa détention provisoire a été renouvelée à trois reprises pour dépasser une année, ce qui est exceptionnel voire jamais vu dans un tel cas.
Pour tenter de mettre fin à ce traitement différencié, l'avocat va non seulement déposer une nouvelle demande de remise en liberté, mais s'apprête à déposer une demande de démise en examen ainsi qu'une requête en récusation du juge d'instruction.
Sur le volet plus humain de cette situation complexe, Nabil Ennasri, dont la mère, souffrante depuis des mois est décédée en septembre dernier, n'a pas été autorisé à être auprès de ses proches pour cet événement douloureux.
Au cours de sa détention, et selon les éléments recueillis par Anadolu auprès de ses proches, il a pu lui rendre visite une seule et unique fois en novembre 2023, alors qu'elle était hospitalisée et lui menotté.
Fin septembre 2025, et alors que l'état de sa mère s'est brutalement dégradé, Nabil Ennasri apprendra, pendant son interrogatoire par le juge d'instruction, que celle-ci est décédée.
Face au refus d'extraction opposé par l'administration malgré un contexte familial qui aurait exigé un traitement un tant soit peu plus humain, Maître El Ouchikli s'élève là-encore contre
"un acharnement et une différence de traitement injustifiable".
Il note néanmoins que
"les courriers (de soutien) qui pendant plusieurs mois ne lui ont pas été transmis, commencent à lui parvenir en nombre, par dizaines et lui donnent de l'énergie et du réconfort".
Il vous dit sa gratitude pour le soutien que vous lui apportez, vous qui l'avez suivi et le suivez encore.
"Sachez que ce soutien lui permet de rester debout et de ne pas se laisser pourrir ou même mourir au fond du trou dans lequel on l'a plongé il y a plus d'une année"
, explique enfin le conseil parisien qui espère désormais que la justice entende ses demandes d'équité.
À noter que dans une lettre ouverte adressée à Anadolu fin 2023, Nabil Ennasri dénonçait déjà le traitement
"judiciaire inique, partial et dépourvu d'humanité"
qui lui était réservé.
Dans le même temps, le politologue François Burgat considérait que
"le traitement réservé à Nabil Ennasri, à la suite de cette accusation de financement qatari, n'est qu'une énième illustration de la tumeur des 'deux poids et deux mesures' qui ronge les fondements de la République macronienne".
Cet ancien directeur de recherche du CNRS déclarait à ce propos que
"si les critères qui ont conduit à l'incarcération de Nabil Ennasri étaient appliqués à d'autres que lui, des dizaines de personnalités médiatiques et politiques, et non des moindres, devraient être emprisonnées".
Et de conclure:
"Pourquoi Nabil est-il le seul ? Qu'est-ce qui justifie un tel différentiel sinon la volonté de stigmatiser sélectivement les membres de la société civile musulmane ?"
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