Pakistan: l'étoile pâlie de la famille Sharif dans son fief du Pendjab

12:3623/02/2024, vendredi
AFP
Sidra Bilal travaillant dans une presse à imprimerie à Lahore, l'esprit de Sidra Bilal dérive vers sa ville natale rurale, un retour d'eau de promesses non tenues qui l'ont amenée à s'abstenir de l'élection de ce mois-ci.
Crédit Photo : Arif ALI / AFP
Sidra Bilal travaillant dans une presse à imprimerie à Lahore, l'esprit de Sidra Bilal dérive vers sa ville natale rurale, un retour d'eau de promesses non tenues qui l'ont amenée à s'abstenir de l'élection de ce mois-ci.

Sidra Bilal n'a pas voté aux dernières élections au Pakistan, excédée par l'inégalité saisissante entre la grande ville de Lahore, ses lumières scintillantes et ses monuments immaculés, et le reste de la province, délaissée par les pouvoirs publics.

Lahore, capitale de la province du Pendjab (centre-est), et sa ville natale, Head Balloki, à 50 km de là,
"sont aussi différentes l'une de l'autre que le ciel l'est de la terre"
, constate-t-elle.

Le manque d'emplois, d'écoles et d'infrastructures de santé dans sa ville avait poussé cette créatrice de contenu web, âgée de 27 ans, à migrer vers Lahore il y a six ans. Elle s'indigne de voir que rien n'a depuis changé.

"Je ne pouvais pas me résoudre à soutenir le mauvais camp"
, dit-elle pour justifier son abstention aux élections du 8 février, malgré l'insistance de ses proches, partisans depuis toujours de la famille Sharif, qui a longtemps dirigé le Pendjab.

La Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) de Nawaz Sharif semblait destinée à remporter les dernières législatives. Mais malgré le soutien apparent de l'armée et les soupçons de fraude en sa faveur, elle n'est arrivée qu'en deuxième position.

Les candidats soutenus par le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), parti de l'ancien Premier ministre Imran Khan, actuellement emprisonné, ont obtenu le plus grand nombre de sièges à l'Assemblée nationale, en dépit d'une sévère répression à leur encontre.


La PML-N a finalement sauvé les meubles, en s'alliant à son vieux rival, le Parti du Peuple Pakistanais (PPP), pour former un gouvernement de coalition qui devrait être dirigé par Shehbaz Sharif, frère cadet de Nawaz.

Mais bien des signes laissent à penser qu'elle ne bénéficie plus du même soutien que par le passé parmi la population du Pendjab, lassée des promesses non tenues de développer la province.


Lahore, considérée comme la capitale culturelle du Pakistan et forte de 14 millions d'habitants, a absorbé la moitié du budget développement de la province ces dernières années, selon des chiffres officiels.


Moins de 10% des habitants de Lahore vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Mais en d'autres endroits du Pendjab, ce chiffre monte à environ 70%.

Trop plein de confiance


"Lahore est une grande ville, le cœur du Pakistan. Il y a beaucoup de développement ici"
, souligne Shah Zaman, 35 ans, dans son bureau d'une maison d'édition.

Mais quand il rentre à son domicile familial près de la ville d'Okara, à 140 km de Lahore, il doit constater que le peu qui a été accompli par la PML-N est
"essentiellement inutile".

La famille Sharif figure parmi les plus riches du Pakistan, après avoir bâti sa fortune autour de son entreprise sidérurgique.


Nawaz Sharif, surnommé le
"lion du Pendjab"
, a été trois fois Premier ministre, des mandats s'étalant sur trois décennies. Pendant qu'il dirigeait le pays, Shehbaz gérait la province. Ce dernier a ensuite aussi été Premier ministre en 2022 et 2023.

Mais la PML-N s'est peut-être trop reposée sur les certitudes passées pour les dernières élections, remarque Bilal Gilani, directeur exécutif de l'institut de sondage Gallup Pakistan.
"Ils étaient plus en confiance dans les zones qu'ils remportaient traditionnellement"
et
"c'est dans ces territoires qu'ils ont le plus perdu"
, ajoute-t-il.

Malgré tout, la province la plus peuplée du pays devrait revenir sous la direction des Sharif, qui l'avaient abandonnée au PTI en 2018. La fille de Nawaz, Maryam, présentée comme son héritière, est pressentie pour la gouverner.

Lahore a dépensé 1,8 milliard de dollars dans un métro entré en service en 2020 pour délester un peu ses rues congestionnées.


Mais la seule ligne actuellement opérationnelle s'arrête bien avant la ville adjacente de Sheikhupura. Celle-ci était auparavant un fief de la PML-N. Mais le parti l'a perdue face à un candidat fidèle à Imran Khan.


Ses habitants se plaignent du délabrement des infrastructures publiques.
"Regardez combien Sheikhupura est sale et polluée"
, observe Sakina Bibi, 45 ans.
"Pas d'égouts, pas de (canalisations de) gaz. Que nous donnent-ils? Veulent-ils juste nos votes?"

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