Mines d'or: les sociétés chinoises dans le collimateur en RDC

10:5024/10/2024, Perşembe
AFP
Des mineurs artisanaux travaillent à la mine artisanale de Kamituga, dans la province du Sud-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo, le 20 septembre 2024.
Crédit Photo : Glody MURHABAZI / AFP
Des mineurs artisanaux travaillent à la mine artisanale de Kamituga, dans la province du Sud-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo, le 20 septembre 2024.

Rivières polluées, plantations détruites, manifestations réprimées: à Kitutu, en République démocratique du Congo, le père italien Davide Marcheselli lutte depuis des années contre les entreprises chinoises qui exploitent illégalement l'or dans cette région riche en ressources naturelles. Ces activités minières, souvent menées sans permis et sans déclarations de bénéfices, sont devenues un véritable fléau pour la province du Sud-Kivu (est), selon les autorités locales.

Pendant longtemps, les efforts de la société civile locale et des religieux étaient les seuls contre-pouvoirs face à ces puissantes entreprises, soutenues par des personnalités influentes, selon le père Marcheselli.


"Du représentant national au chef de village, tout le monde reçoit quelque chose, de l'argent ou des dividendes",
affirme ce missionnaire catholique installé à Kitutu.

En juillet, cependant, le gouverneur de la province, Jean-Jacques Purusi, a suspendu les activités d'extraction illégale, exigeant que ces entreprises se mettent en conformité avec la loi congolaise.

Ce sursis impose notamment l'établissement d'un cahier des charges, la réfection des infrastructures et le renouvellement de permis souvent expirés depuis des décennies.


À la suite de cette mesure, un afflux inattendu d'entreprises a eu lieu. A ce propos M. Jean-Jacques Purusi rapporte:


Au lieu des 117 entreprises illégales qu'on a invitées, 540 se sont pointées ici du jour au lendemain.

Le gouverneur, professeur d'université et ancien expert des Nations Unies, a été désigné par la présidence congolaise pour faire en sorte que les richesses minières de la région profitent à la population. Cependant, dans une province où le taux de pauvreté dépasse les 80%, le défi reste immense.

Exploitation artisanale et contrôle difficile


À Kamituga, cité minière située à 40 km de Kitutu, l'extraction d'or se poursuit dans de vastes mines à ciel ouvert. Sur un site exploité par la coopérative congolaise Mwenga Force, près de 400 creuseurs descendent chaque jour dans les galeries pour quelques dollars malgré les risques d'effondrement.


Assurant que les coopératives locales paient leurs taxes et vendent l'or légalement, Félicien Mikalano, président des creuseurs artisanaux, déplore:


Nous n'avons pas les mêmes moyens que les Chinois.

En dépit des dispositions du code minier, qui interdit l'exploitation artisanale aux étrangers, des entreprises chinoises collaborent avec ces coopératives pour extraire l'or. Selon le Bureau d'études scientifiques et techniques (BEST), une ONG congolaise, la moitié des coopératives de la province sont impliquées dans ces partenariats illégaux.


L'accès aux mines exploitées par ces coopératives est souvent difficile, comme l'a constaté une équipe de l'AFP, à qui l'entrée a été refusée à plusieurs reprises.


Même la brigade minière locale, chargée de relever les statistiques d'extraction, peine à contrôler les activités sur ces sites.
"On contrôle difficilement ces sociétés",
admet Ghislain Chivundu Mutalemba, commandant de la brigade minière locale.

Un marché noir florissant


La production d'or est ensuite acheminée vers Bukavu, la capitale provinciale, où de nombreux négociants la revendent, parfois de manière illégale. Selon le BEST, une grande partie de l'or extrait au Sud-Kivu est exportée clandestinement vers des pays voisins, notamment le Rwanda.


Pour contrer ces pratiques, le gouvernement congolais a accordé en décembre 2022 à la société Primera Gold le monopole de l'exportation d'or dans le Sud-Kivu.


Cette mesure visait à freiner les exportations illégales et à neutraliser certains réseaux d'affaires liés à l'opposition politique. En 2023, les exportations d'or artisanal officiellement déclarées ont ainsi bondi à plus de cinq tonnes, contre seulement 42 kg en 2022.

Cependant, Primera Gold est désormais confrontée à des difficultés financières et peine à acheter le minerai, laissant ainsi le marché noir prospérer. Les circuits empruntés par les entreprises chinoises restent opaques, et ces dernières bénéficient d'une forte protection, selon le gouverneur Purusi.


"Leurs représentants vous passent tel général ou tel ministre à Kinshasa au téléphone, pour vous dire de ne pas les embêter",
explique-t-il, ajoutant qu'il reçoit des menaces quotidiennes en raison de ses actions contre l'exploitation illégale.

À lire également:





#RDC
#économie
#mines
#métaux
#or
#gouvernement
#environnement
#Chine