
Depuis plus d’un demi-siècle, TotalEnergies exploite l’or noir africain. Derrière ses promesses de transition énergétique, des enquêtes révèlent une autre réalité: appui présumé à des régimes autoritaires, pollution massive, expulsions de populations et répressions sanglantes. Du Delta du Niger à l’Ouganda, des communautés dénoncent des crimes climatiques et humains. Alors que l’entreprise a enregistré un bénéfice record de 19,8 milliards d’euros en 2023, ONG et militants interrogent le prix humain et écologique de chaque litre de carburant.
Le Nigeria, symbole des luttes et des violences
Dans le Delta du Niger, la population locale vit au cœur d’un désastre environnemental. Fuites de pétrole, torchères et marées noires ont transformé terres agricoles et zones de pêche en terrains toxiques.
Les militants qui ont osé protester ont souvent payé le prix fort. Le cas le plus emblématique reste celui de Ken Saro-Wiwa, écrivain et militant écologiste nigérian. Arrêté puis exécuté en 1995, il dénonçait la responsabilité des majors pétrolières, dont Total et Shell, accusées d’avoir fermé les yeux — voire financé indirectement — les forces répressives locales.
Des régimes autoritaires comme garants de la rente pétrolière
Au-delà du Nigeria, plusieurs enquêtes pointent la proximité entre TotalEnergies et des régimes arrivés au pouvoir par la force. Dans les années 70 et 80, au Gabon comme au Tchad, des juntes militaires ont rapidement sécurisé les concessions pétrolières de la multinationale.
Des documents diplomatiques, révélés par la presse, suggèrent des négociations directes entre TotalEnergies et des putschistes afin de garantir la continuité des opérations. Pour des ONG comme Human Rights Watch, ces partenariats ont contribué à renforcer des régimes accusés de disparitions forcées et de massacres.
Les bénéfices record face à la crise climatique
L’année 2023 a marqué un tournant: la planète a connu l’année la plus chaude jamais enregistrée. Au même moment, TotalEnergies annonçait un bénéfice historique de 19,8 milliards d’euros, largement alimenté par ses activités en Afrique.
Ce contraste nourrit les accusations de "greenwashing". Comment concilier une stratégie se revendiquant "durable" avec une dépendance persistante à l’or noir et des projets géants comme l’EACOP, qui promet des millions de tonnes supplémentaires d’émissions de CO₂?
EACOP: l’oléoduc qui inquiète l’Afrique de l’Est
Selon Oxfam et les Amis de la Terre, les compensations promises sont insuffisantes et les communautés déplacées se retrouvent sans accès à la terre ni à l’eau. TotalEnergies défend son projet, affirmant respecter les standards internationaux et minimiser son impact environnemental.
La question de la transparence contractuelle reste l’un des points les plus sensibles. Des ONG réclament depuis des années la publication intégrale des contrats pétroliers passés entre TotalEnergies et les États africains.
L’entreprise oppose la confidentialité et la compétitivité de ses activités. Mais dans un contexte où la défiance grandit, de plus en plus de voix estiment que seule une totale transparence peut rétablir la confiance avec les populations concernées.
Une transition énergétique à deux vitesses
TotalEnergies communique sur ses investissements dans le solaire, l’éolien et l’électricité. Mais pour ses critiques, cette transition reste cosmétique tant que les hydrocarbures représentent la majorité de ses profits.
Pour les communautés affectées, la réponse est tangible: terres perdues, rivières polluées, familles endeuillées.
Pour TotalEnergies, l’heure est à la défense de son image et de son modèle économique.
Mais à l’heure où l’urgence climatique s’intensifie, les voix qui exigent réparation et justice se font de plus en plus fortes.