Imralı: un entretien "positif" mais toujours opaque

09:451/12/2025, lundi
MAJ: 1/12/2025, lundi
Aydın Ünal

La semaine dernière, trois membres de la Commission "Solidarité Nationale, Fraternité et Démocratie" de la Grande Assemblée Nationale se sont rendus à Imralı pour rencontrer Öcalan. Selon la brève note de la Présidence de l’Assemblée, l’entretien a duré près de trois heures et s’est déroulé dans un climat jugé "positif" . La commission doit se réunir le 4 décembre pour analyser ce qui a été dit sur l’île. Pour l’heure, les représentants de l’AK Parti et du MHP n’ont pas fait de déclarations concernant

La semaine dernière, trois membres de la Commission
"Solidarité Nationale, Fraternité et Démocratie"
de la Grande Assemblée Nationale se sont rendus à Imralı pour rencontrer Öcalan. Selon la brève note de la Présidence de l’Assemblée, l’entretien a duré près de trois heures et s’est déroulé dans un climat jugé
"positif"
. La commission doit se réunir le 4 décembre pour analyser ce qui a été dit sur l’île.

Pour l’heure, les représentants de l’AK Parti et du MHP n’ont pas fait de déclarations concernant la rencontre; ils devraient probablement réserver leurs propos à la réunion de la commission. En revanche, Gülistan Kılıç Koçyiğit, députée DEM présente dans la délégation, a accordé une longue interview à l’agence de presse du PKK, livrant sa propre lecture de la discussion.


Les propos de Koçyiğit appellent toutefois à la prudence. La réunion n’a fait l’objet que d’un procès-verbal oral. Cela signifie que Koçyiğit ne transmet que ce dont elle se souvient, à travers son propre filtre politique. Les citations attribuées à Öcalan peuvent être incomplètes, approximatives ou interprétées selon la grille de lecture du DEM. Mais un point apparaît clairement:
concernant la question la plus attendue, celle d’un éventuel désarmement du PYD en Syrie du Nord, Öcalan aurait utilisé des formules très vagues.

Selon Koçyiğit, Öcalan conditionne tout abandon des armes par le PYD à une démocratisation préalable de la Syrie. Il affirme que les groupes locaux pourraient
"exister dans un système démocratique en assurant leur propre organisation autonome".
Il soutient une logique communautaire — chacun bâtissant sa communauté, son assemblée, son tissu civil — pour participer au système tout en conservant une
"existence propre"
. Il se dit favorable à l’accord conclu le 10 mars entre les FDS et Damas, tout en ajoutant que des
"forces d’autoprotection locales"
doivent être maintenues. Il déclare enfin:
"Oui, là-bas ils m’écouteront, mais les conditions doivent être réunies."

Des propos qui, s’ils sont effectivement les siens, interrogent. Depuis Imralı, aucun signal clair ne vient dissiper l’incertitude en Syrie du Nord. Au contraire, certaines conditions sont posées, comme si l’on cherchait à gagner du temps ou à repousser le débat.


Les signaux contradictoires venus de Kandil


Trois jours après cette interview, c’est Hülya Oran — alias
"Bese Hozat"
— dirigeante du PKK, qui s’est exprimée auprès de la même agence. Elle affirme que la position du gouvernement sur le processus reste faible et même hésitante.

Dans le cadre du processus
"Türkiye sans terrorisme",
le PKK a annoncé sa dissolution, brûlé symboliquement ses armes et proclamé son retrait du territoire. Ces évolutions sont indéniables. Mais le point de blocage demeure intact: la structure armée au nord de la Syrie. Alors que la Révolution syrienne s’apprête à entrer dans sa deuxième année, et que l’accord FDS-Damas approche de son échéance, rien n’indique la moindre avancée. Bien au contraire: les FDS semblent s’orienter dans une direction opposée à leurs engagements.
Et les propos d’Öcalan laissent transparaître des stratégies de temporisation qui rappellent les méthodes classiques des FDS: gagner du temps, repousser, brouiller les pistes.

Pas de troisième voie possible pour les FDS


Depuis le début, je souligne un point crucial: au nord de la Syrie, les FDS n’ont que deux options — déposer volontairement les armes ou y être contraints. Toute troisième voie, qu’il s’agisse d’attendre, de contourner, d’enliser la situation ou de
"laisser le temps au temps"
, mettrait en péril la politique intérieure et extérieure de la Türkiye et fragiliserait profondément le projet d’un pays débarrassé du terrorisme. Une telle option précipiterait le gouvernement dans une dynamique difficilement maîtrisable.
C’est pourquoi elle est politiquement intenable.

Bien sûr, nous aspirons tous à la fin de la violence et à la réconciliation de tous les peuples de la région. Mais il ne faut pas ignorer les ambitions américaines et, surtout, israéliennes: leurs plans existent, leurs manœuvres aussi, et ils attendent les faux pas d’Ankara.


La Türkiye entre donc dans une séquence sensible, où lucidité, cohérence politique et fermeté stratégique sont indispensables. Laisser le dossier traîner ne profiterait à personne. À l’heure où la Révolution syrienne boucle sa première année, il est urgent que la question des FDS soit réglée de manière nette et décisive.
C’est à ce prix que le pays pourra élargir son horizon politique et sécuritaire.
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