
Peut-on écrire un texte sincère sur Mustafa Kemal sans tomber ni dans l’éloge excessif ni dans la condamnation outrancière — et sans enfreindre la loi n°5186* ? Essayons.
Mustafa Kemal n’était pas un être surnaturel, ni doté de talents extraordinaires. Comme tout officier ottoman de son époque, il avait reçu une bonne formation et acquis une expérience sur les champs de bataille des guerres balkaniques et de la Première Guerre mondiale. Comparé à ses contemporains, sa carrière militaire fut plutôt modeste : affecté à des postes diplomatiques comme attaché militaire à Sofia ou aide de camp du prince héritier Vahdeddin, il servit moins longtemps sur le terrain et ne connut de succès notable qu’à Çanakkale. Il évitait les risques : avant la chute de Jérusalem, il démissionna pour partir en cure à Vienne ; il refusa le commandement de Médine ; envoyé en Palestine, il dut battre en retraite jusqu’à Afrin après de lourdes pertes.
Lorsque le sultan Vahdeddin l’envoya en Anatolie pour organiser la résistance, il était simplement l’officier le plus disponible parmi les hauts gradés — un choix logique. La guerre d’indépendance turque disposait déjà de sa base organisationnelle : la victoire fut le fruit d’un effort collectif, non d’un seul homme.
En revanche, Mustafa Kemal était un habile politicien. Il mena avec succès la diplomatie de la guerre d’indépendance, négociant avec les Russes, les Français, les Italiens et les Américains pour repousser l’option militaire. Avant Lausanne, il fit taire l’opposition, et après la proclamation de la République, il utilisa les tribunaux d’exception, l’affaire de l’attentat d’Izmir et l’incident de Menemen pour éliminer toute dissidence. Ainsi, il ouvrit à lui-même et à son entourage une voie sans obstacles.
Pourquoi, de la maternelle à l’université, inculque-t-on aux jeunes un culte doctrinal dont même la Corée du Nord n’offre pas l’équivalent ?
Quelle est la racine de cette rigidité, de ce réflexe pavlovien, de cette schizophrénie collective que beaucoup ne perçoivent même plus ?
Premièrement, après sa mort, İsmet İnönü chercha à effacer Mustafa Kemal de l’histoire. Mais, après 1950, Celal Bayar et Adnan Menderes, par réaction à İnönü, le ressuscitèrent comme instrument de légitimité politique. Cet usage opportuniste d’Atatürk n’a jamais cessé.
Troisièmement, pour les puissances étrangères qui n’ont jamais considéré la Türkiye comme leur égale mais souhaitent la maintenir sous tutelle, la figure d’Atatürk reste un instrument utile, protégé et manipulé avec soin.
Sous tous les angles, notre situation révèle une société malade. Tant que nous n’aurons pas compris que le temps des cultes du chef est révolu, que nous continuerons à protéger les figures historiques par la loi plutôt que d’en débattre librement, et que nous refuserons de replacer ces figures à leur juste place dans l’Histoire, la polarisation persistera et la société ne retrouvera pas son équilibre.
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