Ignorer le Hamas et reconnaître la Palestine ? Comment ça ?

17:1327/09/2025, Cumartesi
Yasin Aktay

L’Assemblée générale de l’ONU à New York, cette année, a été beaucoup plus colorée, animée et marquée par des événements importants que les années précédentes. À l’ordre du jour, mais aussi dans les rencontres des dirigeants présents, la Palestine et Gaza se sont imposées comme thèmes centraux. Une session spéciale consacrée à Gaza a permis de présenter au monde entier la question israélienne sous toutes ses dimensions : son histoire, sa réalité actuelle et ses racines profondes. Jamais depuis sa

L’Assemblée générale de l’ONU à New York, cette année, a été beaucoup plus colorée, animée et marquée par des événements importants que les années précédentes. À l’ordre du jour, mais aussi dans les rencontres des dirigeants présents, la Palestine et Gaza se sont imposées comme thèmes centraux. Une session spéciale consacrée à Gaza a permis de présenter au monde entier la question israélienne sous toutes ses dimensions : son histoire, sa réalité actuelle et ses racines profondes.


Jamais depuis sa création l’État occupant israélien n’avait été soumis à autant de critiques. Jamais ses politiques d’occupation et d’expansion – marquées par l’agression, l’accaparement et les violations – n’avaient été autant dénoncées. Les jours suivants, dans toutes les rencontres parallèles, la question de Gaza a continué à dominer, créant une atmosphère nouvelle autour de la cause palestinienne. Plus de 150 États ont annoncé reconnaître l’État de Palestine.


Les justifications avancées se fondaient presque toutes sur les accusations contre Israël et sur la reconnaissance tardive mais évidente de la légitimité de la cause palestinienne. La réunion organisée par le président Erdoğan avec huit dirigeants de pays musulmans et Donald Trump avait, elle aussi, un seul point à l’ordre du jour : Gaza. Pour la première fois, les dirigeants ou ministres des Affaires étrangères d’Indonésie, du Pakistan, du Qatar, de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis ont pris part à une initiative commune pour tenter de mettre fin à l’agression israélienne à Gaza en rencontrant un président américain.


La rencontre semble avoir été très influente et utile. On savait d’ailleurs qu’Erdoğan préparait ce rendez-vous depuis longtemps. Immédiatement après cette réunion à Washington, Trump s’est adressé à Netanyahou en lui lançant : "Ça suffit, arrête". Et, en réponse à une question, il a déclaré qu’il n’autoriserait pas l’annexion de la Cisjordanie sur laquelle Israël travaillait activement.


Trump tiendra-t-il parole ? Le pourra-t-il ? Face à la "désobéissance" de Netanyahou, saura-t-il anticiper et agir ? Nul ne peut le dire. Mais si l’on fait le bilan de cette séquence, il apparaît que la cause palestinienne est aujourd’hui reconnue et légitimée par le monde entier comme jamais auparavant. L’Assemblée générale de cette année s’impose comme un tournant historique.


L’effet du 7 octobre 2023


À l’origine de tout cela ? Incontestablement, les répercussions du soulèvement du 7 octobre 2023, baptisé "Déluge d’al-Aqsa". Gaza a payé un prix terrible, et continue de le payer. Le génocide israélien a massacré des dizaines de milliers d’enfants, exterminés de manière barbare dès le début de leur vie. Pendant deux ans, pas une heure, pas un jour n’a passé sans que des bombes ne s’abattent sur Gaza, transformant le territoire en champ d’expérimentation de l’inhumanité.


Par sa brutalité, Israël a montré au monde entier qu’il constituait une menace pour toute l’humanité. Du Liban à l’Iran, de la Syrie au Yémen, de la Tunisie au Qatar, en proclamant sans détour son projet de "Grand Israël", il a rapproché le danger pour tous les pays de la région. Face à cette menace, il n’existe qu’une seule force armée qui lui résiste concrètement : le Hamas.


C’est le Hamas qui a révélé au monde le vrai visage de cet État prétendument "démocratique, moderne et normal", derrière lequel se cache un monstre barbare. Et c’est encore le Hamas qui, par son combat honorable, avertit l’humanité entière du danger.


Une reconnaissance ambiguë de la Palestine


Or, paradoxalement, c’est au moment même où cette alerte se diffuse que la reconnaissance massive de la Palestine soulève un grave malentendu. Car les États qui annoncent cette reconnaissance la conditionnent à l’exclusion du Hamas.


Sur le terrain, Israël détruit les deux conditions fondamentales d’un État : le peuple et le territoire. En expulsant ou massacrant les habitants, en annexant les terres, Israël réduit à néant l’idée même d’un État palestinien. Reconnaître aujourd’hui la Palestine revient donc, de fait, à reconnaître un État sans peuple et sans terre.


Pendant ce temps, Mahmoud Abbas – le président officiel de l’Autorité palestinienne – s’est permis, dans son discours à l’ONU, de condamner le 7 octobre et d’appeler le Hamas à déposer les armes entre ses mains. Une absurdité totale, une sorte de comédie noire. Car si la cause palestinienne jouit aujourd’hui d’un tel prestige, c’est bien grâce à la lutte du Hamas depuis deux ans. Si la France, l’Angleterre, le Canada et d’autres pays occidentaux en viennent à reconnaître la Palestine, c’est à la résistance du Hamas qu’ils le doivent.


Qu’ils veuillent marginaliser le Hamas, passe encore. Mais qu’Abbas lui-même en appelle à son désarmement relève du grotesque et ruine toute prétention à représenter la cause palestinienne.


Le regard des pays arabes et musulmans


Hélas, une large partie du monde musulman partage cette position. Les raisons en sont connues. Beaucoup ne voient guère le Hamas autrement qu’Israël ne le voit. Certains attendent même, en secret, que l’État sioniste en finisse avec le Hamas. D’où leur immense déception face à l’échec israélien.


Conditionner la reconnaissance de la Palestine à l’exclusion du Hamas n’a en réalité aucune valeur. Car le Hamas n’est pas une organisation extérieure que l’on pourrait retrancher de la Palestine. Le Hamas, c’est la Palestine elle-même. Sans lui, et si l’affaire avait été laissée aux Abbas et consorts, la cause aurait déjà été liquidée depuis longtemps.


Le terme qui décrit le mieux le Hamas est sans doute celui utilisé par le président Erdoğan : un mouvement de résistance nationale, une "Kuva-yi Milliye" (Forces de libération nationale) palestinienne contre l’occupant. Sa légitimité et son existence organique viennent de là.

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