La visite du Ministre turc des affaires étrangères au Niger cette semaine, accompagné d’une forte délégation, n'est pas passée inaperçue. Derrière ce rendez-vous de haut niveau avec l’exécutif nigérien, des enjeux stratégiques et une convergence des ambitions entre les deux pays sont à noter.
Le ministre turc des affaires étrangères, Hakan Fidan, ainsi que le ministre de la défense, Yasar Guler, le ministre de l'énergie, Alparslan Bayraktar, et le chef de l'agence de renseignement MIT, Ibrahim Kalin, ont conclu ce jeudi une visite de travail de 48h au Niger. Au sortir de ce rendez-vous largement médiatisé, les deux pays ont convenu de renforcer leurs relations dans différents secteurs stratégiques.
Une coopération diversifiée
Cette visite des ministres turcs à Niamey intervient deux mois après que le Premier ministre du Niger, Ali Mahaman Lamine Zeine, a rencontré le président turc Tayyip Erdogan à Ankara. La délégation de M. Fidan a aussi rencontré le Président de la Transition nigérienne le général Abdourahmane Tiani.
Mais outre le militaire, les deux pays veulent renforcer leurs coopérations dans les secteurs de l’énergie, de l’exploitation minière, de l’éducation entre autres.
Mais derrière ces réunions de haut vol, se dessine une convergence stratégique entre les deux pays.
Alternative pour l'un, présence stratégique pour l'autre
La Türkiye vient s’ajouter à une nouvelle configuration des partenaires des pays du Sahel. En effet, après le Mali et le Burkina Faso, le Niger a rompu en quelques sortes sa coopération jugée infructueuse avec les occidentaux et la France en particulier. Après plus d’une dizaine d’années de présence au Sahel, les "pays de l’Ouest" n’ont pas été en mesure d’aider les pays sahéliens à renforcer la capacité de leurs armées, encore moins à mettre fin aux attaques terroristes.
La prise du pouvoir par les militaires dans les pays de l’AES a été suivie d’un changement paradigmatique. Lors d’une visite au Burkina Faso juin dernier, le Colonel Assimi Goita du Mali avait notamment expliqué que la création de l'Alliance des États du Sahel (AES) a permis au trois pays membres :
de sortir des partenariats de façade et non efficaces pour nous orienter vers des partenaires sincères tels que la Russie, la Chine, la Türkiye.
De l’autre côté, la Türkiye elle continue de renforcer sa présence en Afrique qui est devenue depuis plus de 20 ans, une priorité pour Ankara. Les relations turco-africaines se sont d’abord accélérées depuis 2005 décrétée "Année de l’Afrique" en Türkiye, synonyme d’une ouverture du pays au continent.
Mais si la Türkiye avait priorisé les relations économiques et commerciales avec les pays africains, le développement de son industrie de défense a permis à Ankara de renforcer ses partenariats militaires. La Türkiye est déjà militairement présente en Libye et en Somalie où notamment elle forme les militaires somaliennes et partage son expérience de la lutte antiterroriste.
En ce sens, subsiste une convergence des besoins et des visions stratégiques entre la Türkiye et le Niger qui, comme ses voisins du Sahel, cherche de nouveaux partenaires plus crédibles. La Türkiye qui compte 45 ambassades désormais en Afrique continue de faire du continent un "bassin géopolitique" où elle peut promouvoir son commerce, ses entreprises et des partenariats crédibles, pouvant se répercuter dans son aura diplomatique.
Si la Türkiye était connue pour son soft power en Afrique depuis deux décennies, elle est désormais concrètement dans une démarche de smart power avec un renforcement de ses coopérations militaires avec des pays demandeurs et dans le besoin, comme le Niger.