Journaux de Bord de la Flottille 13 : Un appel sincère depuis le large de la Méditerranée

18:3814/09/2025, dimanche
MAJ: 14/09/2025, dimanche
Ersin Çelik

Après un jour de report, nous avons à nouveau largué les amarres. Nous voilà désormais en route vers le large. Aujourd’hui, je souhaite vous ouvrir mon cœur à chaud afin qu’une question puisse être clarifiée. Car dans les jours à venir, je ne serai peut-être plus dans cette même intensité émotionnelle. Les conditions seront très différentes. Mais avant tout, je vais transmettre les notes de notre départ. NOUS SOMMES SORTIS D’ITALIE AVEC UN VISA Nous avons officiellement quitté l’Italie. C’est du

Après un jour de report, nous avons à nouveau largué les amarres. Nous voilà désormais en route vers le large. Aujourd’hui, je souhaite vous ouvrir mon cœur à chaud afin qu’une question puisse être clarifiée. Car dans les jours à venir, je ne serai peut-être plus dans cette même intensité émotionnelle. Les conditions seront très différentes. Mais avant tout, je vais transmettre les notes de notre départ.


NOUS SOMMES SORTIS D’ITALIE AVEC UN VISA


Nous avons officiellement quitté l’Italie. C’est du port d’Augusta, en Sicile, que nous avons quitté le pays après que nos passeports ont été tamponnés. Nous étions arrivés par avion, nous repartons par la mer. Les policiers italiens de l’immigration ont vérifié un à un nos documents avant d’apposer les tampons. Nos préparatifs étaient déjà prêts, j’avais détaillé notre tentative de départ la veille. Après la cérémonie d’adieu, nous sommes retournés au port, mais de nombreux activistes ont dormi sur les bateaux. Cette fois, sauf nouvel obstacle, nous partons sans retour possible vers Gaza, et nous allons rejoindre en mer les autres navires de la Flottille partis d’autres ports. Nous attendons les bateaux partis de Barcelone pour Tunis, et qui doivent rejoindre de nouveau la mer ouverte. Selon les dernières informations que j’ai reçues, malgré toutes sortes de contretemps et de sabotages, ces navires prendront eux aussi la mer. La Délégation de la Flottille Sumud fournit des efforts considérables. Le but est de faire partir autant de bateaux que possible. Car le temps presse, Gaza risque de disparaître à chaque instant, et le sens de cette Flottille s’approfondit : il fallait donc lever l’ancre.


PARTIR N’A PAS ÉTÉ FACILE


Se lancer n’a pas été facile. Cette Flottille a surmonté d’innombrables épreuves à terre, elle a résisté à des tempêtes de sabotage. Lancer la plus grande organisation civile de l’histoire mondiale n’a pas été simple. Mais ceux qui pensaient que cela n’arriverait jamais ont déjà perdu. En réalité, chaque étape de ce processus avait été anticipée. Les risques possibles, les manipulations envisageables, l’entrée en scène d’agents d’influence… Imaginer qu’une telle organisation ne serait pas infiltrée par des personnes manipulatrices ou des agents d’influence serait déjà une naïveté.


NOUS AVONS RENCONTRÉ DIFFÉRENTES ÉPREUVES


Aucun chemin n’est exempt d’épreuves. Chaque première fois est toujours plus difficile. Nous vivons tous une épreuve de patience dans ce voyage. C’est pourquoi le fait que la Flottille porte le nom de « Sumud » est significatif. À chaque étape, nous avons traversé différentes épreuves. Diriger une opération d’une telle ampleur, assurer la sécurité des participants, organiser autant de composantes est une lourde tâche. Les organisateurs ont affronté d’innombrables problèmes. Depuis le début, ils ont dû faire face aux défenses israéliennes, ouvertes ou secrètes, dans tous les domaines. Trouver un navire a été difficile, de nombreux pays ont hésité à donner un pavillon, certains l’ont donné pour se rétracter ensuite. Les capitaines ont été menacés, intimidés par le risque de voir leurs licences annulées. Trouver des bateaux adaptés à la navigation internationale, des capitaines et des équipages disposés à embarquer était déjà en soi un défi. L’ajout de menaces ouvertes ou dissimulées rendait encore plus difficile la constitution d’un tel équipage.


ILS ONT VOULU M’EXCLURE DE LA LISTE


Venons-en à la phase du départ. Je tiens à préciser d’emblée qu’au sein de l’organisation de la Flottille en Italie, nous sommes neuf Turcs. Tandis que je m’occupais du journalisme, de la télévision et de la gestion des réseaux sociaux pour annoncer la Flottille, j’assumais également la responsabilité de terrain. Je sais que cela donnait l’impression que j’en étais le porte-parole, mais au bout du compte je suis moi aussi un voyageur pour Gaza. Chaque décision de la Délégation est contraignante pour nous, et comme les conditions changent constamment, nous devons nous adapter. Nous savons que les choses sont encore plus compliquées en Tunisie et nous suivons cela de près. Mais je dois désormais l’annoncer : il y a trois jours, moi aussi j’avais été retiré du bateau. Nous avons montré notre position, mené des discussions. Malgré ma fonction de responsable de terrain, j’ai dû attendre un jour pour être réintégré sur la liste. La Délégation turque a insisté, et un code spécial m’a été attribué, c’est ainsi que j’ai été repris. La justification donnée fut qu’« un bateau ayant quitté la Flottille, les équilibres avaient changé ». Mon frère aîné Yaşar Yavuz a versé des larmes pendant deux jours, car on lui avait annoncé, après neuf jours en Italie et toutes les formations suivies, qu’il était retiré de la liste. Même le dernier jour, Hüsamettin Eyüpoğlu, le seul marin de notre groupe, qui était second capitaine, a été retiré du navire. On lui a dit de rentrer chez lui. Une dame malaisienne fut également exclue la dernière nuit. Le matin du départ, nous avons pris position au port et mené des négociations. Les problèmes furent résolus grâce à l’insistance de la Turquie. Mais notre frère Abdulhamit Yağmurcu, après quatorze jours, a dû rentrer. Malgré sa grande tristesse, il nous a donné du courage en disant : "Tout chemin entrepris pour Gaza est une expédition bénie."


À maintes reprises, nous avons dû quitter la maison que nous occupions et en changer, ou rentrer. Chaque fois que nous allions au port, nous faisions nos adieux, mais comme le véritable départ n’arrivait jamais, nous devions revenir. Avant même de prendre la mer, nous avons été fortement éprouvés à terre. Et cela nous a rendus plus résistants face aux difficultés du voyage. Nous savons qu’il s’agit d’une première, et que diriger une telle organisation internationale face à Israël est une lourde responsabilité. Mais il ne s’agit pas seulement de cela : il faut aussi gérer les conditions météorologiques, l’état de la mer, les problèmes techniques des bateaux. Rien d’imprévisible n’est arrivé jusqu’ici. La Tunisie était un mauvais port. Cela avait été signalé dès le départ. La Délégation turque avait dit que les navires ne devaient pas se rendre en Tunisie, que tous les œufs ne devaient pas être mis dans le même panier. Mais ce qui est fait est fait. La suite est cruciale. Beaucoup d’activistes sont revenus de Tunisie, dont malheureusement beaucoup de citoyens turcs. Moins il y a de navires, plus les quotas diminuent. Nous aussi, en Italie, avons eu des problèmes : un de nos amis n’a pas été accepté dans la Flottille.


En réalité, lorsqu’on est venus en Italie, on nous avait dit ceci : "Il peut y avoir des débarquements de dernière minute, des problèmes naturels comme le vent, des pannes techniques ou mécaniques, mais aussi des incertitudes humaines, des sabotages, et des décisions non claires ou manipulatrices. Vous devez le savoir et l’accepter avant de participer aux formations."


ILS ONT VOULU ÉPUISER L’ÉNERGIE DE LA FLOTTILLE


La scène en Tunisie était vraiment pénible. Le processus s’est prolongé indéfiniment. Le nombre de personnes au-delà des quotas et les approches floues concernant les capacités des navires ont créé une cacophonie difficile à gérer. En parallèle, certains bateaux en état de marche furent sabotés de manière à ne plus pouvoir partir. L’énergie de la Flottille a été épuisée par certains, et les activistes ont été découragés par l’incertitude. Des centaines de personnes ont suivi les formations. Elles ont supporté toutes sortes de difficultés. Elles ont passé des jours loin de leurs familles. Beaucoup sont partis sous les tambours et les flûtes, certains avec des larmes, d’autres sans l’accord de leurs proches. Beaucoup d’entre eux ont dû rentrer chez eux. Je connais bien ce sentiment. Mais quoi qu’il arrive, que l’on parte, que l’on reste, que l’on soutienne depuis la terre, nous ne devons pas perdre cette psychologie, nous ne devons pas perdre cet esprit. Si nous gardons cet esprit, nous verrons les résultats bénéfiques de ce processus.


NOUS FAISONS TOUS PARTIE DE CETTE GRANDE FLOTILLE


Et voilà, cette Flottille a pris la mer. S’il vous plaît, donnez un soutien plus déterminé depuis la terre. En mer, il y a des gens qui battent au nom de vos cœurs. Alors que Gaza nous attend, se lasser, se fâcher, se détourner serait l’une des plus grandes hontes pour l’humanité. Oui, cela a été difficile. Nous avons été blessés, fatigués, éprouvés. Mais nous comprenons maintenant qu’avant de nous ouvrir à la Méditerranée, nous devions passer par une mer d’épreuves à terre. La tristesse de ceux qui ont dû rentrer est dans nos cœurs, la douleur de Gaza est notre boussole, et désormais nous sommes sur les eaux de la Méditerranée. Nous avons compris que cette Flottille n’est pas seulement composée de bateaux en fer. Ceux qui sont retournés, ceux qui ont attaché un ruban, ceux qui prient, vous qui lisez ce texte… nous faisons tous partie de cette grande Flottille. Tandis que nous luttons contre les tempêtes en mer, luttez vous aussi contre les tempêtes de mensonges et de cruauté sur la terre. Lorsque cette grande Flottille, sur mer et sur terre, atteindra son but, ce n’est pas seulement Gaza qui gagnera, mais toute l’humanité. À présent, nous sollicitons non seulement vos prières depuis la terre, mais aussi votre volonté inébranlable, qui portera cet esprit purifié vers la victoire.

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