Irlande du Nord: plus de vies perdues que sauvées par l'infiltration d'un agent dans l'IRA

19:058/03/2024, vendredi
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Les trois décennies de conflit autour de la présence britannique en Irlande du Nord ont fait 3.500 morts jusqu'à la signature des accords de paix en 1998.
Crédit Photo : PAUL FAITH / AFP
Les trois décennies de conflit autour de la présence britannique en Irlande du Nord ont fait 3.500 morts jusqu'à la signature des accords de paix en 1998.

Un agent de l'armée britannique infiltré au sein de l'IRA pendant le conflit nord-irlandais a probablement causé plus de morts qu'il n'a permis de sauver de vies, selon un rapport de la police publié vendredi.

L'enquête, ouverte en 2016 et nommée "Opération Kenova", porte sur des faits de meurtre et de torture remontant aux années 1970 et liés à un agent connu sous le nom de code "Stakeknife", ainsi que sur le rôle joué par les services de sécurité, notamment le MI5 (renseignement intérieur).


Les trois décennies de conflit autour de la présence britannique en Irlande du Nord ont fait 3.500 morts jusqu'à la signature des accords de paix en 1998.

Infiltré, "Stakeknife" était à la tête du tristement célèbre
"nutting squad"
(équipe de la mort, ndlr) de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), et aurait été chargé d'interroger et de faire disparaître des traîtres et des informateurs.

Les conclusions provisoires de l'enquête révélées vendredi portent sur 101 meurtres et enlèvements liés à cette unité. 

Un homme soupçonné d'être "Stakeknife", Freddie Scappaticci, est mort en 2023 à l'âge de 77 ans. Il avait reconnu avoir fait partie de l'IRA jusqu'en 1990, mais avait nié avoir travaillé pour les services secrets britanniques.


L'enquête ne confirme pas son identité. Elle estime en revanche que le nombre de vies sauvées grâce aux informations de "Stakeknife" se trouvait autour d'une dizaine, mais ne se chiffraient aucunement en centaines comme cela a pu être affirmé.


L'auteur du rapport, Jon Boutcher, un haut-responsable policier, a écrit:


Je crois probable que plus de vies ont été perdues que sauvées.

Il y a
"sans aucun doute"
des occasions où "Stakeknife" a
"agi en dehors de ses attributions et a fait des choses qu'il n'aurait pas dû faire",
ajoute-t-il.

La Première ministre nord-irlandaise Michelle O'Neill, vice-présidente du Sinn Fein, parti autrefois vitrine politique de l'IRA, s'est dite
"désolée pour chacune des vies perdues pendant le conflit"
et mis en avant son engagement à oeuvrer pour
"guérir les blessures du passé".

Selon un avocat représentant des familles de victimes, Kevin Winters, il ressort de ce rapport que
"l'État aurait pu et aurait dû intervenir pour sauver des vies".

Lors d'une conférence de presse à Belfast, il a en outre appelé à une enquête publique sur la
"pénétration par l'État"
de l'IRA à l'époque du conflit.

Les experts de "Kenova Victim Focus Group" (VFG), groupe indépendant chargé de veiller au respect des droits de victimes, ont salué la publication du rapport comme une
"étape importante".

La semaine dernière, le parquet nord-irlandais a annoncé qu'aucune poursuite ne serait engagée, faute de preuves suffisantes, contre 32 personnes comprenant d'anciens policiers et militaires et des personnes qui avaient été liées à l'IRA, dans des dossiers relatifs à l'opération Kenova.


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