Tunisie: L’agriculture plombée par une sécheresse inédite

18:1611/05/2023, jeudi
MAJ: 11/05/2023, jeudi
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Crédit Photo: CRISTINA QUICLER / AFP
Crédit Photo: CRISTINA QUICLER / AFP

Autrefois verdoyantes, les prairies tunisiennes à Medjez el-Bab dans le nord-ouest de la Tunisie ressemblent désormais à des "paillassons"". En cause, la sécheresse persistante qui décime le pays pour la quatrième année consécutive.

Cette saison, le sinistre n’a pas épargné le nord-ouest, grenier du pays. D’importantes parcelles de la région sont désormais en friche. Le moral des agriculteurs est en berne.


Sur la route menant à cette région située à environ 60 km à l'ouest de la capitale, Tunis, les effets directs de la sécheresse sont bien visibles sur le paysage: la verdure a laissé place à un décor jaune. Les batteuses mécaniques trépidantes qui travaillaient pendant de longues heures, écossant, les uns après les autres, les épis de chaque champs sont désormais à l'arrêt, ou presque...


Cette nouvelle saison de sécheresse affiche les signes de catastrophe pour un pays déjà enlisé dans une crise économique.


Sécheresse inédite


La sueur dégoulinant sur son front, Khaled Abidi, ingénieur agronome et agriculteur à Medjez el-Bab, traverse son champ de blé pour montrer les conséquences d’une des plus graves sécheresses touchant la Tunisie depuis des années.


"Les récoltes de blé et d’orge sont d’ores et déjà perdues et les agriculteurs tunisiens ne sont même pas sûrs de pouvoir produire suffisamment de grains pour semer l’an prochain"
, a-t-il regretté.

L'agriculteur a affirmé que la sécheresse est omniprésente, soulignant que les plantes de grande culture ont un cycle de croissance d'autant plus qu'elles sont gourmandes en eau. Or, elles n'ont pas assouvi ce besoin cette année, ce qui signifie qu'il n'y aura pas de récolte dans cette région hormis les cultures irriguées.


"En ce qui concerne les cultures pluviales
(céréales non irriguées)
, les experts de l'État qui ont visité la région ont constaté un taux de sécheresse de 100% dans cette région. Cette situation va impacter sans doute la prochaine saison. L'agriculteur, de son côté, a mis de gros investissements. Un seul hectare de grandes cultures coûte mille dinars
(environ 300 dollars)
, et le Fonds de secours
(un fonds gouvernemental pour indemniser tout exploitant touché par une calamité agricole)
n'indemnise qu'une partie des pertes. De plus, ces indemnisations sont versées généralement très en retard ce qui empêche l'agriculteur de se rattraper l'année suivante et labourer son champ à nouveau"
, a-t-il expliqué.

Khaled Abidi a, par ailleurs, souligné que toutes les filières agricoles sont menacées dont l'élevage qui va manquer de fourrage, les oliveraies ainsi que la production de fruits et de légumes.


"Nous sollicitons la solidarité de tous les intervenants. Nous attendons l'intervention de l'État et des organisations concernées, en particulier l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche pour sauver la situation"
, a-t-il martelé.

Saison agricole catastrophique


"Soyons réalistes! cette saison est catastrophique. Seulement un tiers de la superficie cultivée dans la région sera récolté. Il n'y a pas de récolte pour le reste car il n'y a vraiment rien à ramasser"
, a déclaré a la presse Aymen Chaouachi, président de l'Union locale des agriculteurs (Syndicat des agriculteurs) dans la délégation de Medjez El-Bab (Gouvernorat de Béja), et jeune ingénieur agronome.

"Une saison littéralement catastrophique aura un grand impact sur l'élevage de la prochaine saison 2023-2024. La sécheresse affecte tous les systèmes de production, comme les grandes cultures, l'élevage et l'oliveraies"
, a insisté Chaouachi.

Concernant la situation dans les zones irriguées, notre interlocuteur a indiqué qu'il n'est pas vraiment possible de parler de zones irriguées actuellement à Medjez el-Bab, étant donné que l'eau d'irrigation n'arrive plus à destination puisque les réserves du barrage de Sidi Salem, principal source d'eau pour la région, sont en baisse.


La Tunisie qui dépend fortement de l'agriculture pour son économie et sa sécurité alimentaire est en état d'alerte face à cette situation qui met en péril l'économie locale car elle impacte négativement le secteur agroalimentaire dans son ensemble.


Les décideurs ainsi que tous les intervenants dans le secteur de l'agriculture sont appelés à trouver des moyens innovants et durables pour faire face à cette crise telles que l'utilisation de techniques agricoles adaptées au climat sec ou encore le développement de systèmes d'irrigation efficaces qui pourraient aider à atténuer les effets néfastes causés par la sécheresse.


Certains experts appellent également à la mise en place urgente d'un arsenal de mesures qui doivent être mises en œuvre immédiatement, afin de s'adapter à la situation et préserver l'avenir de l'agriculture tunisienne.


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