Nous avons passé le deuxième jour à bord de nos bateaux ancrés au large du port de Portopalo, à l’extrémité de la Sicile. Pourquoi ne levons-nous pas l’ancre pour l’instant ? Nous avons attendu que les crises en Tunisie se résolvent ; désormais ces navires ont pris la mer. Nous, nous attendrons un jour de plus — et quand tu liras ces lignes, nous serons en route.
Nous rejoindrons en pleine mer Méditerranée les bateaux venus de Barcelone. J’ai parlé avec Şuayb Ordu, un jeune et courageux militant présent sur l’un des navires barcelonais : enfin partis, il vibrait d’un enthousiasme retrouvé pour le chemin vers Gaza, mais la fatigue se lisait sur sa voix. Ils ont surmonté mille et un obstacles. Şuayb a beaucoup à raconter ; je le ferai vivre à l’écran au fil de la traversée.
Dans l’intervalle, des bateaux qui devaient rejoindre la Flottille depuis la Grèce ont pris la mer ; nous nous retrouverons avec eux. Quant aux départs de Tunisie, la situation reste floue. Les navires en provenance de Barcelone sont sortis comme pour fuir : des jours d’attente pour le ravitaillement en carburant, des obstacles à foison pour décourager les équipages. Je ne peux pas affirmer que le gouvernement tunisien ait consciemment cherché à saboter la Flottille, mais les autorités tunisiennes n’ont pas aidé.
Selon le plan, 26 navires auraient dû partir de Tunisie ; ce port devait constituer le maillon le plus fourni de notre mobilisation. Les calculs sur le papier ne reflètent pas toujours la réalité : en Italie aussi, quelques embarcations ont été retardées pour des raisons techniques. Au total, 17 bateaux sont sortis en mer et les objectifs principaux ont été en large partie tenus. Mais en Tunisie, une tentative de blocage a paralysé l’ensemble de la flottille. Les navires de Barcelone, retenus de façon indirecte dans un port où ils avaient accosté deux jours, ont attendu car beaucoup de bateaux tunisiens n’étaient pas prêts, certains incapable même de parcourir quelques milles.
Quelles que soient leurs nationalités ou délégations, les activistes ressentent une responsabilité immense — envers l’opinion publique mondiale et envers leurs propres peuples. Ils portent sur leurs épaules l’honneur, les prières, l’émotion et les larmes de ceux qui défendent Gaza, ainsi que la colère légitime contre les auteurs du massacre. On lit dans le regard de beaucoup à bord combien ce poids moral est difficile à supporter. Vivre sous une telle pression spirituelle rend la lecture des événements, la prise de décision et la mise en œuvre des choix extrêmement complexes. Ces expériences forment une école, pour nous militants comme pour la petite équipe de base de la délégation turque qui travaille jour et nuit depuis des mois.
Quoi qu’il en soit, chacun représente aussi, de façon directe ou indirecte, son peuple et parfois son État. Nous percevons et entendons le soutien de Türkiye. De nombreux responsables politiques de haut niveau m’ont appelé — inutile de les nommer ici. Mais il est essentiel que ce soutien soit désormais exprimé ouvertement et que Gaza l’entende. Il est primordial d’appeler dès maintenant tout le monde à participer aux marches de soutien à Gaza qui seront organisées dans nos villes. Toutes nos organisations de la société civile doivent se rassembler sur la plus haute des valeurs communes : la dignité humaine. Répéter la vérité sur la cruauté et le génocide à Gaza doit rester notre priorité. L’honneur piétiné à Gaza est l’honneur de l’humanité tout entière : si nous cédons aujourd’hui, qui peut prédire quelles vies seront dérobées demain, portées par l’arrogance de leurs prétendus défenseurs ?
Et maintenant, malgré la fatigue, les entraves et les guerres invisibles, nous levons l’ancre. Ces bateaux ne sont pas que de l’acier et du bois : ils transportent les prières des consciences du monde, l’espoir d’une région et la détermination à relever l’honneur bafoué de l’humanité. Notre proue est tournée vers Gaza, pour apaiser la douleur d’un peuple qui résiste ; le vent qui gonfle nos voiles est aussi celui du soutien qui nous parvient du monde entier. À ceux qui ont tout essayé pour nous ralentir : tant que la flottille avance en mer, la voix des millions qui luttent pour la dignité humaine se fera plus forte sur la terre ferme. Car ce voyage n’est pas seulement celui d’un port à l’autre : c’est l’obstination à porter un grand espoir vers les rivages de la Palestine, dans une époque où l’on voudrait nous faire croire que l’espoir est interdit.
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