
Durant la période précoloniale, l’île de Mindanao abritait plusieurs sultanats musulmans, qui résistèrent farouchement aux tentatives d’invasion espagnoles.
Les colonisateurs espagnols ambitionnaient de s’emparer des terres de l’archipel philippin. Ils cherchaient à contrôler chaque maison, île, parcelle de terre et ressource dont ils pouvaient tirer profit. Mais ils n’avaient pas anticipé que l’île de Mindanao abritait plusieurs sultanats musulmans.
Malgré des décennies de campagnes militaires, les Espagnols ne parvinrent jamais à soumettre complètement ces sultanats, donnant naissance à une longue tradition de résistance moro contre la domination étrangère.
Après l’indépendance des Philippines en 1946, cette histoire de résistance fut souvent caricaturée. Les musulmans furent de plus en plus présentés comme des rebelles, tandis que la migration massive de populations chrétiennes vers Mindanao entraînait le déplacement de nombreuses communautés moro. Cette marginalisation sociale, économique et politique a accentué les tensions et nourri le conflit armé.
Ces discussions ont abouti en 2012 à l’Accord-cadre sur le Bangsamoro (FAB), qui prévoyait la création d’une entité politique autonome. En 2014, avec la finalisation des annexes, l’Accord global sur le Bangsamoro (CAB) a été signé, couronnant des décennies de lutte pour une solution juste et durable. L’un des documents clés, l’Annexe sur les arrangements et modalités de transition, signée à Kuala Lumpur en février 2013, prévoyait que l’Autorité de transition du Bangsamoro (BTA) soit dirigée par le MILF pendant toute la période de transition.
En 2018, le président Rodrigo Duterte a signé la loi fondamentale sur le Bangsamoro (BOL), donnant naissance à la Région autonome Bangsamoro de Mindanao musulmane (BARMM). Al Haj Murad Ebrahim a alors été nommé ministre en chef intérimaire. Sous sa direction, la région a connu des avancées majeures, notamment une baisse significative du taux de pauvreté, passé de 55,9 % en 2018 à 29,8 % en 2021.
Ces nominations partielles sont perçues par le MILF comme une stratégie de division délibérée, destinée à affaiblir la cohésion politique de la région et à renforcer l’emprise du gouvernement central. Le Bureau du conseiller présidentiel pour la paix, la réconciliation et l’unité (OPAPRU), dirigé par Carlito Galvez Jr., et le conseiller spécial du président Antonio Lagdameo sont accusés de violer l’esprit des accords de paix.
Pour le MILF, cette ingérence représente un affront direct à l’autonomie du Bangsamoro et à la légitimité de la direction intérimaire. Elle menace les acquis du processus de paix et pourrait provoquer une perte de confiance durable. La population locale, qui a lutté pendant des décennies pour obtenir la reconnaissance de ses droits, voit dans ce remplacement un acte de trahison politique.
Parallèlement, le processus de normalisation reste incomplet. Si 26 145 combattants du MILF ont été démobilisés, aucun n’a pleinement bénéficié des mesures prévues pour leur réinsertion civile, comme l’allocation de 100 000 pesos par ex-combattant. Cette lenteur fragilise la paix et risque de générer de nouvelles tensions.
Face à ces défis, le MILF appelle à la bonne foi et au respect intégral des accords signés. Il rappelle que la décommission des armes et des forces doit rester proportionnelle à l’application effective des engagements du gouvernement. La population, de son côté, réclame continuité, stabilité et développement, et souhaite majoritairement le retour d’Al Haj Murad Ebrahim à la tête du gouvernement pour poursuivre le travail entamé.
La BARMM n’est plus en simple transition: elle est prête à gouverner pleinement. Toute tentative de sabotage du processus électoral ou de remise en cause de l’autonomie doit être dénoncée et contrée. L’avenir du Bangsamoro repose désormais sur le respect de la parole donnée et sur la tenue d’élections libres et crédibles.