Crise en Corée du Sud: qui protège le président déchu?

18:043/01/2025, vendredi
AFP
Des enquêteurs anti-corruption quittent la résidence du président sud-coréen Yoon Suk Yeol, à Séoul, le 3 janvier 2025, après avoir annulé leur tentative d'arrestation de M. Yoon.
Crédit Photo : JUNG Yeon-je / AFP
Des enquêteurs anti-corruption quittent la résidence du président sud-coréen Yoon Suk Yeol, à Séoul, le 3 janvier 2025, après avoir annulé leur tentative d'arrestation de M. Yoon.

Après plusieurs heures de confrontation vendredi, les enquêteurs sud-coréens ont renoncé à arrêter le président déchu Yoon Suk Yeol. Quelle est la garde rapprochée à l'origine de cet invraisemblable rebondissement et comment peut-elle défier ainsi les forces de l'ordre ?

Que s'est-il passé ?


Les enquêteurs disposent à la fois d'un mandat de perquisition et d'un mandat d'arrêt contre Yoon Suk Yeol, le juge leur ayant expressément accordé l'autorisation de perquisitionner un lieu sensible, la résidence présidentielle étant classée.


Ils ont également été soutenus par des centaines de policiers, qui ont à la fois retenu les partisans de Yoon Suk Yeol massés dans la rue et accompagné les enquêteurs à l'intérieur de l'enceinte présidentielle.

Une fois à l'intérieur, les enquêteurs ont constaté que le Service de sécurité présidentiel (PSS) avait utilisé des minibus et des voitures pour bloquer l'accès à la résidence. Lorsqu'ils ont essayé de continuer, des centaines d'agents du PSS se sont donné la main pour former une chaîne humaine et stopper leur progression.



Quelle sécurité ?


Créé en 1963, le PSS est l'équivalent sud-coréen du Secret Service américain, chargé d'assurer notamment la sécurité du chef de l'État. Ses membres sont recrutés au sein de la police, de l'armée et des services de renseignement du pays, et c'est le président qui en choisit les responsables.

Son premier chef était Kim Yong-hyun, un ancien camarade d'école du président Yoon, devenu ensuite son ministre de la Défense, actuellement en prison pour son rôle d'instigateur du fiasco de la loi martiale.


Fidèle à son ami d'enfance, Kim Yong-hyun a déclaré cette semaine qu'il
"lutterait jusqu'au bout pour éradiquer les forces antiétatiques"
, dans un message adressé depuis sa cellule de prison aux partisans de Yoon massés devant sa résidence.

Selon le journal Kyunghyang Shinmun, Kim Yong-hyun a chargé l'armée, plus précisément le Commandement de la défense de la capitale, de surveiller la résidence présidentielle, et non la police comme le voulait la tradition.


Cette unité, qui dépend du PSS et non du commandement militaire, a été l'une des premières à affronter les enquêteurs et à les empêcher d'accéder à Yoon.


Qui sont ces soldats ?


Le Commandement de la défense de la capitale est une unité militaire d'élite chargée de protéger Séoul contre une éventuelle incursion nord-coréenne. Vendredi, ces soldats ont formé la première ligne de défense contre les enquêteurs, selon les médias locaux.

"Il s'agit d'une unité similaire à la Garde du Roi du Royaume-Uni"
, a précisé à la presse Kim Ki-ho, un ancien colonel de l'armée qui enseigne à l'Université chrétienne de Séoul.

"Les forces militaires qui protègent la capitale sont chargées de sécuriser le périmètre de la résidence présidentielle"
, a-t-il ajouté. Et comme l'unité opère sous le commandement du PSS,
"du point de vue de l'armée, il y a une chaîne de commandement stricte"
.

Par conséquent, les militaires auraient dû obéir au service de sécurité plutôt qu'à la police qui leur demandait de respecter les enquêteurs et leur mandat.
"S'ils reçoivent l'ordre de fournir une protection, ils n'ont pas d'autre choix que de s'y conformer"
, selon Kim Ki-ho.


Pourquoi font-ils cela ?


"Comme beaucoup d'autres unités de l'armée et des services de sécurité, ils ont une forte éthique ultra-conservatrice"
, commente Vladimir Tikhonov, spécialiste de la Corée à l'université d'Oslo.

La base de Yoon est constituée d'
"ultra-conservateurs purs et durs"
, ajoute-t-il, y compris les personnalités d'extrême droite sur YouTube et les pasteurs chrétiens évangéliques qui ont manifesté devant la résidence.

Mais ses partisans comprennent également
"de nombreuses personnes parmi les militaires professionnels et le personnel des services de sécurité. C'est dangereux"
, poursuit M. Tikhonov.

Le PSS a lui-même une histoire mouvementée, liée au passé autoritaire de la Corée du Sud. Au sommet de son pouvoir sous les régimes militaires des années 1970, il a exercé une énorme influence sur le président de l'époque, Park Chung Hee.

Sa force a même été un facteur dans une lutte de pouvoir interne qui a culminé avec l'assassinat de Park par son chef des services de renseignement en 1979.


Après cela, les prérogatives du PSS ont été largement réduites, mais la loi sur la sécurité présidentielle lui accorde toujours des pouvoirs considérables, lui permettant, par exemple, de prendre toutes les mesures jugées nécessaires pour sécuriser le lieu où se trouve le président.


Est-ce autorisé ?


Vendredi, le PSS a invoqué les pouvoirs étendus que lui confère la loi sur la sécurité présidentielle pour bloquer les enquêteurs. Cependant, des experts s'interrogent sur la légalité de cette mesure.


Les groupes civiques et les responsables politiques de l'opposition ont immédiatement déposé des plaintes pénales contre le chef du PSS, Park Jong-jun, l'accusant d'entrave à la justice.

M. Park et ses subordonnés
"ont commis un acte totalement illégal et peuvent être sanctionnés pour entrave aux fonctions officielles"
, a déclaré à l'AFP Lim Ji-bong, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Sogang.

En tant que chef du PSS, M. Park pourrait également être jugé pour
"abus de pouvoir"
, a-t-il ajouté.

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