Le président de l'Équateur Daniel Noboa a déclaré mardi son pays en état de "conflit armé interne" et ordonné la "neutralisation" des groupes criminels impliqués dans le narcotrafic, au troisième jour d'une crise sécuritaire sans précédent qui a fait au moins 10 morts, selon un premier bilan.
Ces bandes criminelles, pour la plupart de simples gangs de rues il y a encore quelques années, sont devenus les acteurs sanglants du narcotrafic aux tentacules internationales, à mesure que l'Équateur s'est imposé comme le principal point d'exportation de la cocaïne produite au Pérou et en Colombie voisines. Autrefois un havre de paix, le pays est aujourd'hui ravagé par la violence de ces gangs.
Le Pérou voisin a par ailleurs annoncé mardi soir avoir déclenché l'état d'urgence dans l'ensemble des régions frontalières de l'Équateur, longue de plus de 1.400 kilomètres, et qu'il va renforcer la surveillance en envoyant des effectifs policiers et militaires supplémentaires.
Prise d'otage en direct
Dernier et spectaculaire épisode, des hommes armés ont fait irruption mardi après-midi sur le plateau d'une télévision publique à Guayaquil, prenant brièvement en otage journalistes et des employés de la chaîne.
Ce sont des jours extrêmement difficiles.
L'évasion de "Fito" a été suivie de plusieurs mutineries et prises en otage de gardiens dans diverses prisons, le tout relayé par d'effrayantes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrant les captifs menacés par les couteaux de détenus masqués.
Dans un communiqué, l'administration pénitentiaire (SNAI) a fait état de 139 membres de son personnel actuellement toujours retenus en otage dans cinq prisons du pays. Le SNAI n'a pas commenté les vidéos d'exécution.
Commerces et écoles fermés
L'état d'urgence décrété lundi par M. Noboa, élu en novembre sur la promesse de rétablir la sécurité, s'étend à tout le territoire et pendant 60 jours. L'armée est ainsi autorisée à assurer le maintien de l'ordre dans les rues (avec un couvre-feu nocturne) et les prisons. Il reste manifestement sans grand effet jusqu'à présent: de très nombreux incidents, dont l'enlèvement de sept policiers, ont également été signalés un peu partout dans le pays.
Les images diffusées sur les réseaux sociaux, difficiles à vérifier, donnent une idée de ces violences et alimentent l'impression d'un chaos qui s'installe progressivement dans certaines localités du pays: attaques au cocktail Molotov, voitures incendiées, tirs au hasard sur des policiers, scènes de panique...
Dans le grand port de Guayaquil, plongé dans la psychose, de nombreux établissements hôteliers et restaurants ont fermé, tandis que des véhicules de l'armée patrouillent dans les rues, a-t-on constaté. Dans la capitale Quito, gagnée par la peur, magasins et centres commerciaux fermaient également prématurément.
Les forces de sécurité ont de leur côté diffusé des images fortes de leurs interventions depuis dimanche dans divers pénitenciers, montrant des centaines de détenus en sous-vêtements, mains sur la tête et allongés sans ménagement sur le sol.
Le Brésil, le Chili, la Colombie et le Pérou ont exprimé leur soutien à l'Equateur, disant leur rejet de la violence.