Crédit Photo : ROBERTO SCHMIDT / AFP
Le président américain Donald Trump monte à bord d'Air Force One à l'aéroport international de Palm Beach à West Palm Beach, en Floride, le 2 mars 2025, alors qu'il retourne à Washington.
Au nom de la lutte contre le fentanyl, Donald Trump va imposer dès mardi des droits de douane au Canada, au Mexique et à la Chine, qu'il accuse de ne pas assez lutter contre la propagation de cette drogue aux Etats-Unis.
Une mesure justifiée par un intérêt de santé publique, mais qui pourrait également servir ses intérêts politiques.
Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, le président américain multiplie les recours aux droits de douane, pour taxer les produits importés de l'étranger. Et les justifier par la lutte contre le fentanyl, dans le cas de ses voisins et de la Chine, lui permet d'aller vite sur ce dossier dont il avait fait une priorité de sa campagne.
La question du fentanyl, qui touche en particulier les zones rurales où Donald Trump est très populaire,
"a une résonnance politique"
pour le président républicain, explique à l'AFP Joshua Meltzer, chercheur à la Brookings Institution.
"Dans les zones rurales et paupérisées, les gens sont partagés - quand ils n'y sont pas carrément opposés - sur la question du commerce",
ajoute-t-il.
"Justifier les restrictions commerciales par quelque chose qu'ils perçoivent comme un vrai danger, le fentanyl, fait sens pour beaucoup d'électeurs"
de Donald Trump, poursuit-il.
Gouvernement "très protectionniste"
Le président Trump accuse le Canada, le Mexique et la Chine de favoriser l'entrée de la drogue fentanyl aux Etats-Unis - ses voisins en ne sécurisant pas assez à son goût la frontière, et la Chine en hébergeant la production de précurseurs chimiques de cet opioïde de synthèse.
Le fentanyl fait des ravages sur le sol américain, où il est responsable de la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes chaque année.
Et tant pis si le Premier ministre canadien Justin Trudeau assure que moins de 1% du fentanyl qui entre aux Etats-Unis passe par la frontière canadienne.
Lors de son premier mandat (2017-2021), le milliardaire républicain avait déjà menacé de prendre des mesures de rétorsion économique pour lutter contre l'immigration clandestine,
"mais maintenant il a moins de retenue"
, explique Kimberly Breier, ancienne responsable au département d'Etat entre 2018 et 2019.
Pour Annie Pforzheimer, ancienne diplomate de carrière,
"les derniers présidents adhéraient fortement au libre-échange".
Traditionnellement, les responsables à Washington évitent de mélanger la question commerciale à d'autres sujets, puisque les temporalités dans le monde des affaires et celui de la politique ne sont pas identiques.
"Mais ce gouvernement est très protectionniste et prêt à faire des sacrifices sur la question du libre-échange"
, ajoute Annie Pforzheimer.
Pour Andrea Thomas, dont la fille est morte après avoir ingéré du fentanyl,
"c'est ce que nous, les familles touchées, demandions depuis longtemps".
"Nous voulions une réponse globale du gouvernement"
, qui passe notamment par des mesures économiques, explique cette femme de 57 ans, responsable de Facing Fentanyl, une association de familles touchées par cette drogue.
Pour elle, les droits de douane de 10% sur les produits chinois décidées en février ne sont
Mais plusieurs experts doutent de l'efficacité des mesures de rétorsion économique sur cette question de santé publique.
Dans un article récent dans la revue scientifique The Lancet Regional Health Americas, plusieurs épidémiologistes arguent que, vu la capacité d'adaptation des réseaux internationaux de trafic de drogue, le contrôle des frontières serait inefficace.
Surtout, préviennent-ils, instaurer des taxes sur les pays provenant des produits voisins
"pourraient nuire à la coopération diplomatique"
.
Mais selon Kimberly Breier, les décisions de Donald Trump ont déjà eu des effets concrets, poussant les pays voisins à prendre la question du fentanyl plus au sérieux.
Le Mexique a ainsi déjà remis 29 narcotrafiquants présumés aux Etats-Unis, note-t-elle.
Sur le long terme, la question est de savoir
"si on peut reconstruire la coopération sécuritaire bilatérale sur une base sérieuse"
, dit-elle.
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