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En 1983 en France, une marche historique "contre le racisme et pour l'égalité des droits" ralliait Marseille (sud) à Paris pour porter les espoirs des enfants d'immigrés. Quarante ans plus tard, les colères des quartiers populaires résonnent encore avec celles d'alors.
Partis dans la quasi-indifférence d'une cité marseillaise, le 15 octobre 1983, la dizaine de marcheurs atteint la capitale le 3 décembre, accueillie par près de 100.000 personnes. Pour la première fois, les discriminations quotidiennes vécues par les immigrés et leurs descendants en France sont mises en lumière.
"On était en marge de la société et en état de guerre, car notre quotidien c'était les balles, les morts, les contrôles au faciès... le tout dans l'indifférence générale"
, raconte Hanifa Taguelmint, 61 ans, l'une des participantes.
Agressions racistes et affrontements avec les forces de l'ordre sont légion dans les quartiers populaires de cette France des années 1980, sur fond de percée du Front national, parti d'extrême droite aujourd'hui renommé Rassemblement national.
"Deux choix s'offraient normalement à nous: sombrer dans la dépression ou dans la haine. Rester soudés nous a permis de tenir. Cette marche fut celle contre le désespoir"
, ajoute Mme Taguelmint, aujourd'hui membre d'un collectif baptisé Mémoires en marche.
"C'est la première fois qu'ils ont une audience nationale, qu'une mobilisation les unit avec un discours positif"
, décrira 20 ans après le sociologue Abdellali Hajjat.
L'un des éléments déclencheurs de la marche fut le meurtre en juillet d'un enfant de 9 ans, Toufik Ouanes, abattu par un voisin dans la cité des 4000 à La Courneuve, en région parisienne. Si son caractère raciste reste débattu, il témoigne des tensions sociales récurrentes dans ces quartiers qui se sentent abandonnés par les pouvoirs publics.
Renommée
(arabe en verlan) par les médias français, terme qu'exècrent ses initiateurs, qui font justement valoir leur qualité de citoyens français, l'événement a permis de
"rassembler les immigrés avec la France profonde"
. Elle prend une nouvelle ampleur mi-novembre 1983 lorsqu'un touriste algérien est tabassé et jeté d'un train par des légionnaires.
Jusqu'ici méfiante, la gauche au pouvoir prendra progressivement conscience du mouvement en dépêchant des émissaires lors de ses dernières étapes.
A Paris, une délégation est reçue par le président socialiste François Mitterrand. S'il refuse d'accorder le droit de vote aux étrangers aux élections locales, il promet une carte de séjour valable dix ans pour les immigrés et la prise en compte des crimes racistes devant les tribunaux.
"Cette marche aura réussi à visibiliser la deuxième génération (enfants d'immigrés), les violences policières et les crimes racistes"
, retient Hanifa Taguelmint.
La police comme "problème"
Jeudi, lors d'une soirée à Marseille, des militants et des membres du public déplorent cependant qu'une partie des difficultés dénoncées en 1983 persistent.
"Aujourd'hui, on meurt encore du racisme, des violences policières mais aussi du narcotrafic. Mais quand on voit les victimes, ce sont toujours les mêmes: les arabes et les noirs"
, abonde Mme Taguelmint.
Les ex-marcheurs dénoncent la persistance
"des violences policières"
.
"Le meurtre de Nahel (un jeune de 17 ans abattu par un policier à Nanterre près de Paris en juin, ndlr) prouve qu'il y a toujours un problème de logiciel du maintien de l'ordre à la française"
, s'exaspère Farid L'Haoua, 65 ans, porte-parole de la Marche de 1983 et militant antiraciste.
La mort de ce jeune tué dans un contrôle routier a embrasé le pays, déclenchant cinq nuits d'émeutes, et résonné bien au-delà des frontières françaises.
"Globalement, la situation sociale des jeunes des cités ne s'est pas améliorée"
, estime Marilaure Mahé, 61 ans, ex-marcheuse.
Selon l'Institut français des statistiques (Insee), en 2020 le taux de pauvreté atteint 42,6% dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville contre 14,8% de moyenne en France métropolitaine.
Mais tous disent
"faire confiance aux jeunes d'aujourd'hui"
pour trouver une manière de s'engager et de faire bouger les lignes et
"trouver un projet d'espérance"
.
Une première exposition, consacrée aux valeurs de cette marche, se tient jusqu'en décembre au musée d'Histoire de Marseille. D'autres commémorations nationales sont prévues à Paris, Lyon et Marseille, où une rue doit être rebaptisée au nom de la marche pour l'égalité et contre le racisme.
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