Experts: l’Asie du Sud face au risque climatique majeur

16:5927/11/2025, Perşembe
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Des automobilistes vêtus d'imperméables roulent dans une rue sous la pluie à Banda Aceh en Indonésie, le 26 novembre 2025.
Crédit Photo : CHAIDEER MAHYUDDIN / AFP
Des automobilistes vêtus d'imperméables roulent dans une rue sous la pluie à Banda Aceh en Indonésie, le 26 novembre 2025.

Des experts du climat au Pakistan, en Inde et au Bangladesh appellent à relancer la coopération régionale pour faire face aux menaces croissantes en Asie du Sud, l’une des régions les plus vulnérables au monde.

Ils avertissent que sans action collective, la chaleur extrême et les inondations pourraient bientôt bouleverser la vie de centaines de millions de personnes.


Une nouvelle étude de la Banque mondiale publiée cette semaine dresse un tableau alarmant: d’ici 2030, près de 90 % de la population d’Asie du Sud sera exposée à des vagues de chaleur extrême, tandis qu’une personne sur quatre pourrait faire face à de graves inondations liées au changement climatique. Selon le rapport, la densité de population, la hausse des températures et la géographie exposée rendent la région particulièrement vulnérable.

"Ces conclusions exigent des mécanismes d’adaptation pour renforcer la résilience climatique"
, a déclaré Imran Saqib Khalid, expert en gouvernance climatique basé à Islamabad. Il estime que la crise pourrait devenir une rare opportunité de dépasser les divisions régionales.
"Le climat peut en effet être un facteur d’unité dans une époque marquée par de nombreuses antagonismes."

Khalid a souligné l’absence d’un système d’alerte précoce commun.
"L’Inde, le Pakistan et le Bangladesh, par exemple, sont affectés par les moussons. Disposer d’un système d’alerte transfrontalier qui reflète nos vulnérabilités propres serait très utile"
, a-t-il indiqué à la presse.

À Dhaka, le professeur Shafi Mohammad Tareq, spécialiste des sciences environnementales à l’Université Jahangirnagar, a mis en garde contre les risques croissants pour la santé humaine et la sécurité environnementale.
"Le changement climatique est un problème mondial, agir isolément ne servira à rien. Nous pouvons y répondre par une coopération régionale en matière d’atténuation et d’adaptation"
, a-t-il dit. Il a rappelé que la géographie partagée, notamment les fleuves du Bangladesh prenant naissance en Inde, rend la coordination indispensable.

Coopération ou tensions géopolitiques


Selon le rapport de la Banque mondiale, en moyenne
"environ 67 millions de personnes par an ont été touchées par des catastrophes naturelles en Asie du Sud depuis 2010, plus que dans toute autre région du monde"
. Il précise que les inondations constituent
"l’un des dangers climatiques les plus fréquents, avec 40 % du territoire inondé entre 2000 et 2018"
.

Le rapport avertit que
"les pluies extrêmes et les inondations devraient devenir plus fréquentes et plus intenses"
avec le réchauffement, et prévoit que 22 % de la population — soit 462 millions de personnes — pourraient être exposées à des inondations dépassant 15 centimètres d’ici 2030.

Malgré ces risques communs, les tensions entre pays sud-asiatiques demeurent un obstacle majeur. Pour Ali Tauqeer Sheikh, expert pakistanais des politiques climatiques, la région manque de coordination technique alors qu’elle fait face à des vagues de chaleur répétées, des inondations destructrices, des sécheresses prolongées, des cyclones tropicaux et des débordements de lacs glaciaires. Il souligne que l’atmosphère politique actuelle — marquée par les tensions récentes au Bangladesh et les frictions entre le Pakistan et l’Inde en mai — freine la coopération officielle. Mais il juge possible une collaboration ciblée dans certains domaines essentiels.


"Même si l’atmosphère politique n’est pas favorable, une coopération peut être assurée via des mécanismes protégés ou des partenariats internationaux"
, a-t-il affirmé.
"Les trois pays doivent comprendre que leurs défis climatiques sont identiques et qu’ils sont également vulnérables."
Il a rappelé que la mousson, née dans le golfe du Bengale, frappe aussi bien le Pakistan que l’Inde, provoquant des dégâts similaires. Les États côtiers du Bangladesh et de l’Inde — notamment le Bengale occidental et l’Odisha — sont en outre exposés en permanence aux cyclones et aux ondes de tempête, qui aggravent pauvreté et insécurité alimentaire.

Tareq a confirmé que les enjeux géopolitiques et environnementaux sont étroitement liés, rendant la coopération difficile mais d’autant plus indispensable.

Institutions régionales et financements climatiques


Pour l’environnementaliste indien Gufran Beig, des plateformes comme l’Association sud-asiatique pour la coopération régionale (SAARC) pourraient théoriquement structurer une réponse coordonnée, mais sont aujourd’hui paralysées par les divergences politiques.
"Le changement climatique est certes au cœur de leurs préoccupations, mais une approche plus efficace et collaborative est nécessaire pour relever les défis à venir"
, a-t-il déclaré à la presse.

Il a rappelé que des phénomènes lointains peuvent aggraver la pollution atmosphérique régionale, citant l’éruption volcanique récente en Éthiopie dont les cendres ont traversé la mer Rouge, Oman et le Yémen avant d’atteindre New Delhi. Avec la hausse persistante de la pollution dans des villes comme Lahore, New Delhi, Dhaka ou Karachi, il estime urgent de mettre en place des systèmes coordonnés de surveillance et de contrôle.

Khalid a ajouté que les financements climatiques pourraient relancer des mécanismes régionaux bloqués comme la SAARC, en transformant la coopération en bénéfice économique commun.
"Le financement climatique peut être une clé, permettant aux pays de présenter des propositions conjointes au Fonds vert pour le climat ou au Fonds d’adaptation"
, a-t-il expliqué.
"Cela n’a pas encore été fait, mais c’est envisageable."

Il a insisté sur l’importance de soutenir les communautés vulnérables et les petites économies locales.
"Comment soutenir les ménages pauvres, les petites entreprises, les agriculteurs ? Nous pouvons apprendre les uns des autres face aux inondations, aux sécheresses, à la pollution ou à d’autres défis environnementaux"
, a-t-il indiqué. Les échanges entre populations, notamment entre agriculteurs et jeunes générations, pourraient aussi renforcer la confiance et le partage de connaissances, comme ce fut le cas durant la Révolution verte des années 1960.

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