
L’Égypte, pays frontalier de Gaza, affirme vouloir aider les Palestiniens… mais en réalité, elle bloque ceux qui tentent de briser le blocus.
Plus surprenant encore : l’Égypte, avec plus de 100 millions d’habitants et la plus grande armée du monde arabe, préfère s’aligner aux côtés de l’oppresseur.Elle joue même l’un des rôles les plus actifs dans la protection des intérêts israéliens. Le mois dernier, des centaines de militants internationaux ont été arrêtés, expulsés ou violemment repoussés par les autorités égyptiennes.
En juin dernier, des centaines de militants venus du monde entier — Tunisiens, Algériens, Européens, et même le petit-fils de Nelson Mandela — ont tenté de participer à la “Global March to Gaza”, une marche pacifique vers le poste-frontière de Rafah pour exiger la fin du blocus israélien, qui affame plus de 1,5 million de Palestiniens.
Pour rappel, ces mêmes initiatives, comme les marches internationales pour briser le blocus (2009-2010, 2025, etc.) ou les convois humanitaires tels que Viva Palestina ou Sumud, sont systématiquement interdites d’entrée.
La réponse du régime Sissi a été toujouts brutale : confiscations de passeports, violences policières, expulsions massives. Lors de la marche pacifique de juin dernier, plus de 200 personnes ont été expulsées — parmi elles, des Canadiens, des Français, des Belges… sans aucune explication claire.
Quant au soutien à la cause palestinienne, l’Égypte réprime férocement toute critique du régime, toute manifestation contre la normalisation avec Israël ou tout soutien affiché aux Palestiniens. Pire encore, des étudiants, des journalistes et des militants ayant manifesté se sont retrouvés emprisonnés et poursuivis pour "soutien au terrorisme".
Officiellement, l’Égypte dénonce le blocus… mais en coulisses, elle collabore étroitement avec Israël. Le Sinaï est une zone militarisée, et Le Caire refuse toute action qui pourrait nuire à ses relations avec Tel-Aviv.
Pire encore : Israël a qualifié ces manifestants de «terroristes », exigeant leur expulsion. De son côté, Washington rappelle régulièrement que les 1,3 milliard de dollars d’aide militaire versés chaque année à l’Égypte sont conditionnés à sa loyauté géopolitique — faisant du Caire le deuxième plus grand bénéficiaire d’aide militaire au monde, juste derrière Israël.
Cette aide sert aussi à acheter le silence, à couvrir les violations des droits humains et à garantir la stabilité du régime militaire en place depuis 2013.
En échange, l’Égypte adopte une politique alignée sur les intérêts israélo-américains : verrouiller Gaza, protéger Israël et participer directement au blocus meurtrier. De fait, elle devient un complice actif de l’occupation.
Mais au-delà des pressions extérieures, Sissi a ses propres raisons.
Pour lui, le Hamas, au pouvoir à Gaza, n’est rien d’autre qu’une extension des Frères musulmans, ses ennemis jurés qu’il a violemment écartés du pouvoir après son coup d’État en 2013. D’ailleurs, Morsi n’a pas été renversé pour de prétendues questions de démocratie, mais bien parce qu’il était issu des Frères musulmans.
Aujourd’hui, plus de 60 000 opposants politiques croupissent dans les prisons du régime. Soutenir Gaza reviendrait, pour Sissi, à tendre la main à ses ennemis. Hors de question.
Pendant que les bombes pleuvent sur les civils, l’Égypte ferme sa frontière…
Le Caire prétend ne pas être responsable du blocus de Gaza, affirmant n’avoir aucun contrôle sur la gestion du terminal de Rafah. Pourtant, selon nos recherches, entre octobre 2023 et mai 2024, des dizaines de milliers de Palestiniens ont dû payer des sommes colossales pour espérer sauver leur vie. L’Égypte a transformé le blocus en véritable business.
Selon des témoignages recueillis sur place, le prix pour sortir de Gaza, autrefois compris entre 300 et 500 dollars, a explosé après l’offensive israélienne d’octobre 2023, atteignant entre 5 000 et 10 000 dollars par personne.
Et ce système ne s’arrête pas aux civils. Les convois humanitaires aussi rapportent gros. Des intermédiaires liés à l’armée et aux services de sécurité exigent des pots-de-vin faramineux pour laisser passer nourriture, médicaments et matériel de secours.
Un commerce de la misère s’est mis en place, avec la bénédiction tacite du pouvoir. Résultat : le blocus devient une source de revenus pour des réseaux corrompus, tandis que la population meurt à petit feu. Et pendant que Le Caire étouffe toute contestation, il entretient une coopération sécuritaire active avec Israël. Les deux pays échangent des renseignements et mènent parfois des opérations conjointes dans le Sinaï.
Sur le plan économique aussi, les projets communs se multiplient, notamment dans le tourisme et certaines zones industrielles partagées.
Mais cette politique ambiguë sert aussi à détourner l’attention.
Alors que l’économie égyptienne s’enfonce dans la crise — inflation galopante, chômage massif, dette étrangère colossale — le régime utilise la cause palestinienne comme un écran de fumée.
Les médias pro-gouvernementaux agitent le drapeau de Gaza pour éviter que la colère populaire ne se retourne contre Sissi lui-même.
En résumé, la frontière de Rafah n’est pas seulement une barrière physique : c’est un symbole d’hypocrisie politique.
Derrière ses discours de solidarité, l’Égypte verrouille Gaza, non pas pour aider les Palestiniens, mais pour garantir sa propre survie.
Un jeu cynique, entre répression, profits et alliances stratégiques… sur le dos d’un peuple abandonné.