Trump boycotte le sommet du G20 de Johannesburg

Moussa Hissein Moussa
15:0713/11/2025, jeudi
Yeni Şafak

Le boycott du G20 de Johannesburg par Donald Trump ouvre une nouvelle phase de tension diplomatique entre les États-Unis et l’Afrique du Sud. Derrière les accusations de “violations des droits des minorités blanches”, ce geste révèle une stratégie d’ingérence héritée d’une logique de domination politique. L’événement interroge la capacité de l’Afrique à consolider et à défendre une souveraineté désormais au cœur de ses ambitions.

L’annonce de Donald Trump de ne pas participer au sommet du G20 organisé à Johannesburg les 22 et 23 novembre 2025 a provoqué une onde de choc, tant en Afrique qu’au niveau international.


Pour la première fois, une administration américaine décide de boycotter un G20 organisé sur le continent africain, et cette absence volontaire prend une dimension politique majeure. Le motif avancé par Washington, qui évoque des
“violations des droits des minorités blanches”
, a immédiatement suscité des interrogations et des critiques.

De nombreux analystes y voient un prétexte, tant l’argument paraît incohérent avec la réalité sud-africaine et les priorités géopolitiques des États-Unis.


À Pretoria, la réaction a été vive. Le gouvernement sud-africain a dénoncé une décision arbitraire qui ne repose sur aucun fondement objectif. La diplomatie sud-africaine rappelle que ces accusations ne figurent dans aucun rapport international sérieux et que la question des minorités blanches n’a jamais été évoquée dans les discussions bilatérales récentes.


Cette indignation met en lumière l’ampleur de l’incompréhension qui s’est installée entre les deux pays.


Un discours moral qui masque une stratégie d’influence


Pour comprendre la portée réelle de ce boycott, il faut dépasser les explications officielles et analyser la dynamique politique qui anime depuis deux ans l’administration Trump dans ses relations avec l’Afrique.


Le discours moral brandi par Washington ne reflète qu’une partie de la réalité. L’idée selon laquelle les États-Unis se poseraient en défenseurs des droits humains sur le continent africain apparaît d’autant plus paradoxale que, dans le même temps, l’administration américaine signe des accords discrets avec plusieurs pays africains afin d’y transférer des migrants expulsés du territoire américain.


Ces accords, négociés dans une relative opacité, ont été identifiés notamment en Eswatini, au Rwanda et au Soudan du Sud. Dans certains cas, les personnes expulsées n’ont aucun lien familial, culturel ou géographique avec les pays qui doivent les accueillir.


Le principe même de ces transferts soulève des interrogations sur le respect de la dignité humaine et place les États concernés dans une position délicate. La logique de ces accords, fondée sur des compensations financières plus ou moins directement assumées, rappelle les pratiques anciennes où certains pays africains se voyaient assignés des fonctions subalternes dans les politiques migratoires occidentales.


Ce double discours, qui oscille entre moralisation et instrumentalisation, nourrit l’idée d’un retour assumé du paternalisme américain. Pour de nombreux observateurs, Trump cherche à imposer une vision unilatérale où l’Afrique doit se conformer aux priorités de Washington, sous peine de subir des pressions économiques et diplomatiques.


L’Afrique du Sud au centre d’un bras de fer symbolique


Le conflit diplomatique entre les États-Unis et l’Afrique du Sud s’est aggravé à partir de mars 2025. Cette période marque la suspension d’une partie de l’aide américaine attribuée à Pretoria, une décision justifiée par Washington au motif que le gouvernement sud-africain pratiquerait une discrimination envers les Afrikaners.


Cette accusation, perçue localement comme injustifiée, a été analysée comme une tentative de pression visant à conditionner l’aide américaine à des concessions politiques internes. Les autorités sud-africaines, ont immédiatement rejeté ces propos et dénoncé une manipulation politique.


Ce bras de fer illustre un mécanisme bien connu : l’utilisation de l’aide économique et des relations diplomatiques comme instruments de coercition.


Cette logique, souvent héritée d’une période coloniale où les puissances occidentales fixaient unilatéralement les règles du jeu, se manifeste à nouveau dans la relation entre Washington et Pretoria.


En cela, le boycott du G20 n’est pas seulement un geste isolé, mais un élément cohérent d’une stratégie visant à rappeler à l’Afrique du Sud les limites que Washington souhaite lui imposer.


Externalisation des expulsions : une politique qui fragilise la confiance


En parallèle du boycott, la politique d’externalisation des expulsions menée par l’administration Trump a détérioré la confiance de plusieurs États africains envers Washington.


Les transferts de migrants vers des pays qui n’ont aucun lien avec leur identité ont été interprétés comme une manière de déplacer des problèmes domestiques américains vers l’Afrique, à travers des accords financiers ponctuels. Ces pratiques donnent l’impression que certains pays africains sont relégués au rôle de “solutions de secours”, payées pour absorber des décisions unilatérales venues d’ailleurs.


Cette perception renforce l’idée que le continent continue d’être considéré comme un espace disponible pour les stratégies américaines, sans véritable considération pour ses dynamiques internes ou régionales.


Un continent transformé qui ne tolère plus les ingérences d’hier


La réaction africaine à ces événements montre que le contexte a profondément changé. L’Afrique d’aujourd’hui est traversée par des dynamiques nouvelles, portées notamment par une jeunesse nombreuse, instruite, connectée et consciente des enjeux internationaux.


Cette génération observe avec lucidité les rapports de force mondiaux et réclame des relations internationales fondées sur la dignité, le respect mutuel et la souveraineté.


Dans plusieurs pays, les opinions publiques manifestent une impatience croissante face aux ingérences extérieures. Les gouvernements, eux aussi, sont de plus en plus enclins à diversifier leurs partenariats internationaux, que ce soit avec la Chine, la Russie, la Turquie, les Émirats ou les pays émergents d’Amérique latine.


Cette diversification réduit progressivement la capacité de l’Occident à imposer des conditions politiques à l’Afrique. Dans ce contexte, la décision américaine apparaît déconnectée des réalités africaines de 2025.


Une souveraineté revendiquée mais encore fragile


Même si la volonté de souveraineté africaine est incontestable, la question de sa concrétisation demeure ouverte. Le continent aspire à un rôle plus affirmé dans les affaires mondiales, mais il doit encore affronter des défis structurels importants.


La dépendance économique vis-à-vis de certains bailleurs, la fragmentation politique entre États, les difficultés d’intégration régionale, les tensions internes et la faible marge de manœuvre budgétaire entravent la capacité à résister pleinement aux pressions extérieures.


Cependant, l’évolution actuelle témoigne d’un mouvement irréversible. L’Afrique revendique sa place dans le monde. Elle refuse de rester un simple terrain d’influence. Elle exige d’être écoutée, respectée et considérée comme un acteur global.


Un boycott révélateur d’une bataille plus profonde


Le boycott du G20 de Johannesburg par l’administration Trump n’est pas un événement isolé. Il est le reflet d’une bataille symbolique et politique qui dépasse largement le cadre du sommet. Il illustre un affrontement entre deux visions du monde : une vision unilatérale héritée du passé, et une vision multipolaire où l’Afrique cherche à occuper la place qui lui revient.


Dans cette confrontation, une question demeure centrale : l’Afrique possède-t-elle aujourd’hui les moyens politiques, économiques, institutionnels et idéologiques de défendre la souveraineté qu’elle revendique avec force ?


La réponse dépendra des choix que feront les dirigeants africains, de l’engagement de la jeunesse, et de la capacité du continent à transformer cette période de tensions en opportunité stratégique.


A lire également:







#afrique du sud
#états-unis
#boycott du g20
#relations internationales
#souveraineté africaine
#diplomatie américaine
#minorités blanches
#g20 2025
#donald trump