L'Europe pourra-t-elle surmonter le "choc Trump" ?

18:482/03/2025, الأحد
MAJ: 2/03/2025, الأحد
Abdullah Muradoğlu

Le Président américain Donald Trump, le Vice-Président JD Vance et le Président ukrainien Volodymyr Zelensky se sont livrés à une altercation verbale inédite dans l’histoire américaine au sein même de la Maison-Blanche. Trump espérait conclure un accord extrêmement avantageux avec l’Ukraine concernant les terres rares du pays. Or, après l’annulation de la conférence de presse commune et de la cérémonie de signature, Zelensky s’est vu demander de quitter la Maison-Blanche. Lors de cette joute verbale,

Le Président américain Donald Trump, le Vice-Président JD Vance et le Président ukrainien Volodymyr Zelensky se sont livrés à une altercation verbale inédite dans l’histoire américaine au sein même de la Maison-Blanche. Trump espérait conclure un accord extrêmement avantageux avec l’Ukraine concernant les terres rares du pays. Or, après l’annulation de la conférence de presse commune et de la cérémonie de signature, Zelensky s’est vu demander de quitter la Maison-Blanche.


Lors de cette joute verbale, Trump a lancé à Zelensky : "Nous vous avons donné 350 milliards de dollars à travers cet idiot de président [Joe Biden], nous vous avons fourni des équipements militaires… Si nous n’avions pas livré notre matériel militaire, cette guerre aurait pris fin en deux semaines." Il est évident que l’Ukraine ne peut poursuivre cette guerre sans le soutien des États-Unis. Cependant, sans l’ingérence américaine, Kiev aurait pu parvenir à un accord avec la Russie. Il est même possible que ce conflit n’ait jamais vu le jour, y compris depuis "2014".


En mars 2022, les négociations amorcées sous la médiation de notre pays étaient sur le point d’aboutir. Cependant, sous la pression des États-Unis et du Royaume-Uni, Kiev a unilatéralement quitté la table des négociations. Si le gouvernement ukrainien avait résisté à ces pressions, peut-être que des centaines de milliers d’Ukrainiens seraient encore en vie et qu’ils n’auraient pas eu à brader leurs précieuses ressources naturelles à Trump. Malheureusement, les Ukrainiens paient aujourd’hui le prix amer de s’être laissés manipuler par les États-Unis, avant d’être abandonnés à leur sort.


Trump veut régler toutes les affaires interétatiques selon ses propres conditions et à son rythme. Il ne tient aucun compte des règles établies de la diplomatie internationale. Il a mis en place une table de négociation avec la Russie sans y inclure Kiev ni les pays européens directement concernés. Ce bouleversement soudain de la politique américaine à l’égard de l’Ukraine et de la Russie place les États européens dans une situation délicate.


En réalité, cette situation est le résultat de la volonté des puissances européennes d’adhérer avec enthousiasme au plan américain de marginalisation de la Russie et d’expansion de l’OTAN depuis les années 1990. Les Européens ont pleinement intériorisé le rôle que leur a imposé Washington. C’est pourquoi ils ont tant de mal à encaisser le choc de voir Trump poursuivre un "grand accord" avec la Russie.


Pourtant, ce "choc Trump" aurait pu être perçu comme une opportunité pour l’Europe de se libérer de la tutelle américaine, vestige de la "Guerre froide". Plutôt que de s’accrocher au rôle que les États-Unis ne veulent plus jouer, les puissances européennes auraient pu retrousser leurs manches pour construire une nouvelle Europe, capable d’apporter ses propres solutions à ses problèmes, une Europe pacificatrice et négociatrice, qui ne mettrait aucun pays, y compris la Russie, au ban des discussions. Mais il semble peu probable que les Européens parviennent à se détacher du rôle auquel ils sont accoutumés.


L’écrivain américain Patrick Lawrence compare la situation actuelle de l’Europe aux effets déstabilisants du "jeu d’acteur méthodique" dans le monde du théâtre. Dans son article intitulé *Les Chihuahuas ne sont pas des Dobermans*, il cite Tom Harrington : "Si vous êtes un chihuahua et que vous jouez un doberman pendant des années à la télévision, vous pourriez finir par oublier que vous êtes un chihuahua. Lorsque le réalisateur met fin à la production, cela peut provoquer une désillusion brutale."


Le fait que Konstantin Stanislavski, fondateur du jeu d’acteur méthodique, soit russe, rend cette comparaison encore plus intéressante. Au début du XXe siècle, Stanislavski a mis au point un système structurant toutes les facettes du jeu d’acteur. Il a enseigné aux comédiens comment se préparer mentalement et physiquement à un rôle et comment insuffler une profondeur réaliste à leurs personnages.


Dans les années 1940, Lee Strasberg, d’origine juive, a importé cette méthode aux États-Unis. Acteur lui-même, notamment dans *Le Parrain II*, Strasberg a formé de nombreuses légendes du cinéma telles que Marlon Brando, Eli Wallach, Sidney Poitier, Paul Newman, Marilyn Monroe, Jane Fonda, Dustin Hoffman, Al Pacino et Robert De Niro.


La technique du jeu d’acteur méthodique repose sur l’analyse des motivations, du passé et des relations du personnage afin d’incarner son rôle de la manière la plus réaliste possible. Pour Strasberg, il ne s’agissait pas de simplement imiter la réalité, mais de la recréer. Certains acteurs, poussant l’immersion trop loin, peuvent en venir à confondre leur rôle avec leur véritable identité, un danger inhérent à cette approche qui lui vaut aussi des critiques.


Comme le souligne Patrick Lawrence, la décision de Trump de mettre un terme à la guerre en Ukraine contraint enfin les Européens à voler de leurs propres ailes. Mais ils semblent s’orienter précisément dans la mauvaise direction.

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