Journaux de la Flottille 16 : Trois-quatre veilles anti-sabotage

11:0217/09/2025, mercredi
Ersin Çelik

La dernière fois que j’ai tenu une garde, c’était il y a 22 ans, pendant le service militaire. La première chose qu’on nous répétait était : "La garde est sacrée." Au début je me demandais ce qu’il y avait de sacré à surveiller des bottes ou un dortoir, mais j’en ai saisi le sens plus tard. La garde est une discipline différente ; sa responsabilité est lourde. Même une paire de bottes oubliée est un des besoins essentiels du soldat. On a tenu la garde, on a transmis le relais et on est rentrés.

La dernière fois que j’ai tenu une garde, c’était il y a 22 ans, pendant le service militaire. La première chose qu’on nous répétait était :
"La garde est sacrée."

Au début je me demandais ce qu’il y avait de sacré à surveiller des bottes ou un dortoir, mais j’en ai saisi le sens plus tard. La garde est une discipline différente ; sa responsabilité est lourde. Même une paire de bottes oubliée est un des besoins essentiels du soldat. On a tenu la garde, on a transmis le relais et on est rentrés. E
t le plus important : ces postes n’ont jamais été laissés vacants.

À présent je suis sur le pont d’un petit bateau à voile... Dans une crique naturelle à l’extrémité de la Sicile, nous assurons, aux premières heures du jour, ce qu’on appelle des
"trois-quatre"
de garde. Avec le professeur Haşmet Yazıcı, avec qui nous sommes vite devenus frères d’armes, nous formons la veille. De quoi s’agit-il ? La Flottille Sumud a pris la mer sous la menace constante de sabotages.
Deux navires du convoi avaient déjà subi des attaques d’intimidation dans des ports en Tunisie.

Nous sommes dans les eaux territoriales italiennes, mais nos capitaines doivent prendre toutes les précautions. Les gardes servent à maintenir la discipline à bord et à prévenir les risques de sabotage. L’équipage et les activistes font tous partie de cette tâche. Nous faisons office d’équipage : en plus de participer aux corvées, nous assurons la veille sur le pont. Nous sommes sur le pont d’un bateau d’environ 14 mètres et cette garde poursuit trois objectifs critiques.


D’abord,
repérer toute attaque ou tout enregistrement aérien possible par drone ou autre appareil volant
— ces engins approchent très silencieusement et seul quelqu’un sur le pont peut les détecter. Il faut donc yeux et oreilles constamment aux aguets.

Ensuite, et surtout, les hélices du bateau :
un plongeur pourrait nager et enrouler quelque chose autour des pales
, ce qui endommagerait gravement le moteur.

Troisièmement, les chaînes d’ancrage :
si quelqu’un les coupe, le bateau peut dériver au large
. Contre ces trois risques vitaux, nous patrouillons sur le pont, lampes torches et frontales à la main. Au moindre bruit ou mouvement, nous avertirons le capitaine et son équipe.

Tenir la garde est une expérience étrange ; on reste face à soi-même. Je l’ai beaucoup vécu au service. On se concentre sur sa responsabilité et l’on interroge toute une série de pensées qui traversent l’esprit.


Au début, je pensais :
"Israël ne peut pas saboter des bateaux ici"
, mais j’ai compris que la réalité est différente. Israël ne veut en aucune façon que cette flottille se rassemble et mette le cap sur Gaza. Il a forcément des agents dans ces régions, et tout sabotage visant un navire retarderait et alourdirait le mouvement de la flottille, tout en semant la méfiance. Être en Europe n’est donc pas une garantie totale.
Nous ne savons pas, par exemple, ce qui peut nous attendre dans les eaux grecques.

Dans la crique, 17 bateaux sont ancrés à environ 100 mètres les uns des autres, et une garde est assurée sur chacun d’eux. La sécurité de chaque embarcation équivaut à la sécurité de toute la flottille. Ainsi, chaque activiste embarqué doit accomplir cette veille. Honnêtement, cette responsabilité m’a motivé.
Le "trois-quatre"
est la garde la moins aimée à l’armée : on interrompt son sommeil, on tient la garde puis on rentre et le matin est déjà là. Si tu ne t’es pas couché tôt, tu as passé la nuit blanche. Je me suis couché hier à 23h30, donc me lever à 3h n’a pas posé de problème. Quand la garde s’est terminée, il restait quelques minutes avant l’heure de la prière du matin. Avec le professeur Haşmet, nous avons abordé la veille aussi de ce point de vue :
nous avons fait la prière puis dormi 1–2 heures de plus.

Bien sûr, il faut respecter les règles du bateau : on ne dort pas quand on veut. Chacun a ses tâches. J’ai en plus 3–4 émissions télé quotidiennes à assurer et les douleurs que produisent ces lignes que vous lisez. Le soir, tous les membres de l’équipage et les activistes tiennent une réunion pour faire le point sur la journée et le plan d’action. L’attente est fatigante, mais on ne s’ennuie pas.


Quand les enfants de Gaza attendent cette Flottille sur leurs rivages, que serait l’ennui ici ? Il y a toujours du mouvement. Dans ce petit bateau, en montant et descendant les marches, on peut faire 3–4 000 pas par jour — un avantage pour rester en forme.


À mesure que la nuit avance, chacun de mes pas sur le pont ne rappelle pas seulement les grincements du bateau, mais aussi le profond silence des puissants face à Gaza.
Oui, ces veilles sont contre un drone ou un plongeur, mais elles sont aussi contre l’indifférence et l’injustice.
Cette Flottille et ses participants ont pris aussi la garde de la conscience des superpuissances incapables d’empêcher le génocide à Gaza. Il y a des gens bons dans le monde. Il y a des frères humains.
Nous savons que la veille de l’espoir à Gaza ne restera jamais vide.
#Flottille Sumud
#veille anti-sabotage
#sabotage maritime
#Gaza
#Sicile
#Haşmet Yazıcı
#garde de nuit
#drone maritime
#plongée sabot
#hélice bateau
#chaînes d’ancrage
#activistes
#solidarité Gaza
#convoi humanitaire
#sécurité maritime
#méditerranée
#équipage
#prière
#Türkiye