Assad ou les États-Unis-Israël ? Alors que nous disons que tous sont complices

11:3416/04/2025, Çarşamba
MAJ: 16/04/2025, Çarşamba
Yasin Aktay

Les déclarations de l’universitaire américain et conseiller auprès de l’ONU, Jeffrey Sachs, lors du Forum diplomatique d’Antalya sur les quatorze années de guerre en Syrie, ont été accueillies comme des éléments de langage providentiels par les cercles nostalgiques du régime de Bachar al-Assad. Le simple fait que ces propos émanent d’un Américain semble en renforcer la véracité. Et le fait qu’il accuse à la fois les États-Unis et Israël accroît encore davantage sa crédibilité auprès de ces milieux.

Les déclarations de l’universitaire américain et conseiller auprès de l’ONU, Jeffrey Sachs, lors du Forum diplomatique d’Antalya sur les quatorze années de guerre en Syrie, ont été accueillies comme des éléments de langage providentiels par les cercles nostalgiques du régime de Bachar al-Assad. Le simple fait que ces propos émanent d’un Américain semble en renforcer la véracité. Et le fait qu’il accuse à la fois les États-Unis et Israël accroît encore davantage sa crédibilité auprès de ces milieux. Mais personne ne se demande quel est réellement son différend avec Washington ou Tel-Aviv, ni pourquoi ni comment il peut s’exprimer avec autant de fermeté contre eux.


Parce qu’il affirme que la guerre en Syrie n’a pas été déclenchée à cause de Bachar al-Assad mais bien par les États-Unis et Israël, on voudrait maintenant que l’on oublie quatorze années de faits, vécus sous les yeux du monde et à nos portes, pour ne regarder que par le prisme imposé par Jeffrey Sachs. Selon lui, Israël aurait demandé dès 2005 à Washington de renverser les régimes hostiles à ses intérêts au Moyen-Orient, ce à quoi Barack Obama aurait répondu en 2011 en lançant le processus du Printemps arabe, entraînant la chute de plusieurs gouvernements. La guerre en Syrie ne serait donc qu’une conséquence directe de ce scénario.


Autrement dit, Israël aurait demandé aux États-Unis de renverser le régime d’Assad, et tout ce qui s’est passé depuis 14 ans ne serait que le fruit de l’obsession américaine à faire tomber le président syrien. Ainsi, Assad, présenté comme un dirigeant paisible, uniquement soucieux du bien-être et de la prospérité de son peuple, n’aurait aucune responsabilité. Ce n’est pas lui qui a ordonné le massacre des enfants à Deraa. Il n’a pas tiré sur la foule venue récupérer les corps de ses propres enfants. Il n’a pas transformé la prison de Saydnaya en abattoir humain, où des centaines de milliers de personnes ont été torturées et exécutées de façon barbare. Il n’a pas, avec l’aide de la Russie et de l’Iran, bombardé son propre peuple, pourtant sorti dans la rue avec de simples revendications de réforme, tuant un million de Syriens. Ce ne sont pas 12 millions de personnes qui ont été déplacées par ces massacres. Et bien sûr, nous n’hébergeons pas cinq millions de ces réfugiés dans notre propre pays. Et cela fait 14 ans que nous ne sommes pas les témoins directs de leur calvaire.


Jeffrey Sachs se moque ouvertement de l’intelligence des gens et profère des absurdités.


Mais voilà que, parce que nous osons le dire, les pleureurs du régime déchu de Bachar al-Assad, bercés par les berceuses de Sachs, nous accusent de vouloir dissimuler le rôle joué par les États-Unis et Israël dans le Printemps arabe ! Et comme si cela ne suffisait pas, certains vont jusqu’à nous étiqueter d’
"islamistes évangélistes"
, nous attribuant carrément le rôle d’avocats de Washington voire de Tel-Aviv. Mais que voulez-vous, quand les boniments de Sachs trouvent autant de clients naïfs, pourquoi se priverait-il de les escroquer avec autant d’appétit ?

Chez eux, cette haine obsessionnelle des
"islamistes"
ne faiblit décidément jamais. Voir les
"islamistes"
main dans la main avec les États-Unis reste leur plus grand fantasme. Pourtant, ce sont bien les
"islamistes"
qui ont chassé les Américains d’Afghanistan, qui ont infligé à Washington et à Tel-Aviv la plus grande humiliation de leur histoire à Gaza, leur faisant vivre un véritable cauchemar. Mais eux, ils continuent de se nourrir de la fiction d’un péché originel: celui d’une alliance
"islamistes"
– États-Unis.

Et comme si cela ne suffisait pas, dans tout le monde musulman aujourd’hui, les
"islamistes"
sont désignés comme les ennemis les plus redoutés du système sous supervision américaine. Résultat: ils croupissent dans les prisons, vivent en exil, subissent tortures et persécutions. Un minimum de lucidité et d’honnêteté suffirait à comprendre que
"islamisme"
représente la seule alternative crédible et la seule réelle menace pour l’ordre sioniste dominé par l’axe États-Unis–Israël. Mais encore faudrait-il avoir les yeux pour le voir — et l’intention de le reconnaître.

Hé, bande d’insouciants ! Ce que nous faisons ici, ce n’est pas dissimuler le rôle des États-Unis et d’Israël, bien au contraire: si vous aviez un tant soit peu de discernement, vous comprendriez que nous cherchons justement à le dévoiler plus clairement encore. Croire que le seul objectif des États-Unis était de renverser Assad, c’est accepter de s’être fait bercer pendant quatorze ans. Et maintenant que le peuple syrien mène enfin une véritable révolution – celle qui inquiète, affole et fait paniquer Israël – vous cherchez à l’attribuer à Washington pour la salir. Mais même l’affolement actuel d’Israël ne vous réveille donc pas ? Vous ne réalisez toujours pas ce qui est en train de se jouer ?


Nous avions posé une question simple: si les États-Unis voulaient vraiment renverser Bachar al-Assad en Syrie, pourquoi n’y sont-ils pas parvenus en quatorze ans ? Des milliers de camions et d’avions cargos remplis d’armes ont pourtant été déployés dans la région. Si seulement un dixième de cet arsenal avait été remis aux véritables opposants au régime, Damas serait tombée dès la première année.


Un minimum de logique suffirait à comprendre que Washington n’a jamais réellement cherché à renverser Assad. En réalité, les États-Unis n'ont eu aucun rôle moteur dans les soulèvements du Printemps arabe. Leur rôle s’est plutôt affirmé dans le retournement de ces révoltes, via des coups d’État. Car ces révolutions portaient toutes en elles une opposition frontale à Israël.


À l’inverse, les régimes militaires qui ont suivi ont été conçus pour restaurer l’ancien confort stratégique d’Israël. En Syrie, tout a été fait pour empêcher qu’un mouvement similaire au Printemps arabe n’aboutisse. L’insurrection syrienne s’inscrivait pourtant dans la même dynamique régionale. Mais son écrasement s’est appuyé sur une intervention calculée des États-Unis et d’Israël, qui ont soutenu le régime jusqu’au 8 décembre 2024. Car pour Tel-Aviv, les forces révolutionnaires qui auraient remplacé Assad représentaient une menace bien plus grande, ce qui fut effectivement le cas.


Expliquons cela comme si nous parlions à un idiot: Dans mon texte, il n'y a pas de tentative de dissimuler ou d'ignorer le rôle des États-Unis et d'Israël, au contraire, c'est l'aspect satanique de leurs rôles qui est mis en avant. Les États-Unis et Israël sont complices de tous les massacres qui ont eu lieu en Syrie pendant ces 14 années. Lorsque les États-Unis ont envoyé des milliers de camions remplis d'armes aux forces des FDS, ce n'était pas dans le but de changer le régime. Au contraire, ils cherchaient à maintenir une structure qui empêchait l'accession du peuple au pouvoir en Syrie, tout en créant une menace pour la Türkiye.


Il n'est pas question ici de blanchir les États-Unis et Israël sur le terrain en Syrie, au contraire, il s'agit de démontrer que leurs crimes sont bien plus graves que ce que Sachs essaie de nous faire croire. Nous ne nous égarons ni n'exagérons. Pendant que les tortures, les persécutions, et le génocide contre le propre peuple de Bachar al-Assad se déroulaient à Sednaya, à Tadmor et à Homs, les États-Unis étaient présents sur le terrain avec toute leur puissance. Ils ont fermé les yeux sur tous les massacres d'Assad. S'ils l'avaient voulu, alors que tout le peuple syrien, à l'exception d'une petite minorité, s'était soulevé contre Assad, ils auraient pu renverser Assad d'un simple coup de pouce, mais ils ne l'ont pas fait. Parce que ceux qui seraient venus après Assad étaient le peuple syrien, les
"islamistes",
et ces derniers représentaient une véritable menace pour Israël.

Par ailleurs, il convient de noter que Wesley K. Clark, cité par Jeffrey Sachs comme témoin pour étayer ses allégations, est quelqu'un qui pourrait être décrit le témoin d'un faiseur de vin qui est lui-même un faussaire. Il est également important de souligner qu'il est accusé de mensonge, d'escroquerie et, en particulier, de manipulations diverses sur les marchés boursiers des États-Unis et de la Chine. Ceux qui sont curieux peuvent rapidement faire une recherche sur Internet pour voir tout cela.


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