Alors que nos voitures tentaient de se frayer un chemin dans le chaos du trafic à Kaboul, l’un des éléments qui nous a le plus marqués était l’absence — ou la rareté — des feux de signalisation. Les véhicules, lancés à toute allure les uns vers les autres, évitent de justesse la collision par une manœuvre soudaine et poursuivent leur route comme si de rien n’était. Pour qui est habitué à l’ordre routier en vigueur en Türkiye ou en Europe, il est difficile de comprendre cette réalité. Et pourtant, un certain ordre naît de ce désordre. Et il fonctionne.
Jusqu’à il y a deux semaines, aucun État ne reconnaissait officiellement le régime taliban. Ce n’est que la semaine dernière que la Russie a franchi le pas. Pourtant, plus de cent États entretiennent des relations diplomatiques et commerciales de facto avec l’Émirat islamique. Et bien que cette reconnaissance par Moscou laisse présager d’autres à venir, les Talibans n’envisagent aucun compromis sur leurs convictions, leur posture ou leur attachement à la charia et à la morale islamique. La critique la plus récurrente concerne l’interdiction faite aux jeunes filles de fréquenter les lycées et les universités.
Nous avons abordé cette question avec le ministre de l’Éducation, Mevlavi Habibullah Agha, lors d’un dîner dans une madrasa située à l’extérieur du ministère. Il s’agissait d’un établissement extrêmement modeste, dirigé par un commandant taliban, neveu du ministre, et accueillant des centaines d’élèves. Le ministre est arrivé discrètement, sans protocole, et s’est assis sur la terrasse du dernier étage, parmi des dizaines d’invités.
Après avoir salué les invités avec une grande humilité, il a spontanément évoqué la situation éducative actuelle. Il a expliqué que des millions d’enfants, filles et garçons, recevaient un enseignement de base jusqu’à la sixième année, sans distinction. À partir de ce niveau, les filles peuvent recevoir un enseignement religieux jusqu’à la terminale, et des millions d’entre elles y participent. Il a présenté cela comme une réponse à ceux qui affirment que les filles sont privées d’éducation. Quant aux études universitaires, il a indiqué que des préparatifs étaient en cours et qu’un nouveau programme serait bientôt annoncé.
Il a précisé que l’ancien système et les anciens programmes avaient produit des esprits colonisés, tandis qu’un nouveau programme, pensé pour un Afghanistan libre, était sur le point d’aboutir. Puis il s’est dit prêt à répondre aux questions.
Le ministre m’a écouté avec une humilité presque gênante, et sa réponse fut encore plus touchante :
Ce que j’ai entendu m’a à la fois ému et rassuré. Les propos du ministre, en tant que plus haute autorité sur l’éducation en Afghanistan, remettent en question bien des idées reçues sur les Talibans. J’ai immédiatement pris contact avec notre ministre de l’Éducation, Yusuf Tekin, et obtenu les programmes des lycées Imam-Hatip pour les lui transmettre.
Qui sait, peut-être venons-nous de nous rapprocher un peu plus de la résolution de cette crise, longtemps utilisée comme justification pour isoler l’Afghanistan. Ce qu’il ne faut toutefois pas perdre de vue, c’est que l’Émirat islamique n’agit pas pour satisfaire les attentes de l’Occident, mais bien en suivant ses propres sensibilités religieuses.
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