
La sidération provoquée par le génocide commis depuis deux ans à Gaza par l’État d’Israël a ravivé de profondes interrogations dans le monde musulman. Face à ce sentiment d’impuissance partagé par 2 milliards de croyants, les doutes — mais aussi les aspirations — quant à l’existence politique d’un monde islamique se sont brutalement réveillés.
Car si 2 milliards de personnes ne suffisent pas à freiner l’agressivité d’Israël, combien faudrait-il être ? De toute évidence, la faiblesse observée n’est pas une question de nombre.
Gaza nous a montré qu’en réalité, ce que 2 milliards d’individus n’ont pas pu accomplir, 40 000 combattants l’ont fait. Pendant deux ans, ces 40 000 hommes ont tenu tête à une puissance mondiale qui avait rendu les musulmans impuissants. Par leur ténacité, leur intelligence, leur courage, leurs "Yasin 105", leur patience et leur résistance, ils ont brisé le mythe israélien.
Israël, malgré son arrogance, malgré une guerre génocidaire menée pendant deux ans contre le Hamas, n’a pas atteint ses deux objectifs principaux : récupérer militairement les otages et éliminer le mouvement. Les otages ont été remis dans le cadre d’un accord auquel Hamas était partie prenante, et le mouvement a attiré autant, voire davantage, de nouveaux combattants.
Dans le même temps, la cause palestinienne a pris une dimension globale. Israël est aujourd’hui discrédité et isolé à l’international.
Cette réussite revient naturellement à Hamas et à ses 40 000 combattants, les Brigades al-Qassam. Dans cette épreuve, chacun a été mis face à son propre examen moral. Le monde musulman, quant à lui, n’a rien fait — ou n’a pas pu faire grand-chose — face aux attaques visant directement sa dignité collective.
L’un des effets les plus visibles de l’opération "Déluge d’Al-Aqsa" a été de relancer un débat profond sur la situation politique du monde musulman. Si les musulmans étaient unis, de telles atrocités à Gaza — ou ailleurs — pourraient-elles se produire avec autant de facilité ? Le monde resterait-il aussi silencieux, aussi passif ?
Sans unité, que les musulmans soient 2 milliards ou 20 milliards ne change rien.
Aujourd’hui, la conscience politique du monde musulman tourne autour de cette vérité. Elle doit provoquer une recherche, et c’est ce qu’elle fait.
À Konya, lors des années 28 février, des organisations musulmanes de la société civile, se sentant menacées par le processus de coup d’État, y ont vu une raison impérieuse de s’unir pour résister ensemble à la fitna.
Ces jours-ci, un nouveau cycle se tient à Kızılcahamam, consacré précisément à la situation du monde musulman face à Gaza, autour du thème : "Union islamique et avenir de la Türkiye". L’objectif : analyser la situation et discuter des réponses politiques possibles.
L’abolition du califat avait déjà déclenché, dans l’histoire, un mouvement de recherche de solutions de remplacement. Bien que privés de califat, les musulmans n’ont jamais cessé de ressentir le besoin d’un organisme représentant leur unité politique.
Ainsi, en 1928 — seulement quatre ans après l’abolition — Hasan al-Banna, alors âgé de 22 ans, fonda en Égypte les Frères musulmans, qui devinrent rapidement un mouvement international. Sans pouvoir assurer l’unité politique des États musulmans, ils ont néanmoins créé un canal religieux et émotionnel entre les peuples musulmans.
Cette dynamique est née d’un besoin : combler le vide laissé par la disparition du califat. De la même manière, la Jamaat-e-Islami en Asie du Sud a assumé un rôle comparable.
D’aucuns affirment que le califat, institution plus politique que religieuse, n’était plus efficace depuis longtemps, et qu’il ne serait donc pas indispensable. Mais ceux qui tirent cette conclusion sont souvent des personnes éloignées des valeurs et du climat spirituel des musulmans.
Autre argument répandu : avant même son abolition, le califat aurait perdu toute influence. On cite alors l’exemple des soldats musulmans d’Inde envoyés combattre l’Empire ottoman, ou celui de certains chefs arabes ayant trahi la parole du calife malgré le jihad proclamé.
Pourtant, ces exemples masquent habilement des faits inverses plus nombreux : des soldats indiens, poussés comme une masse servile sur les fronts britanniques, se sont retournés en comprenant l’enjeu et ont montré une loyauté exemplaire envers l’Empire ottoman. Les trahisons arabes ne pèsent presque rien si on les compare au rôle qu’ont joué les erreurs — voire les trahisons — de certains officiers ottomans dans la défaite finale.
L’obsession du "traître arabe" sert souvent à cacher cette réalité.
Les musulmans d’Inde, très attachés au califat, ont envoyé des fonds essentiels à la Guerre d’indépendance. Lors de sa mission en Inde pour collecter ces dons au nom du Croissant-Rouge, le député d’Antalya, Hoca Rasih, rapporta ceci après l’abolition :
Le cycle de Kızılcahamam dure quatre jours. Lors de la session d’ouverture, intitulée "Un siècle de vacance : l’ère sans califat", nous avons proposé une lecture historique.
L’absence de califat est une anomalie, une rupture profonde avec les 1300 années précédentes.
Cette réparation passe-t-elle par la désignation d’un nouveau calife ? Lors du panel animé par Faruk Karaaslan, avec Kudret Bülbül et Vahdettin Işık, nous avons discuté des possibilités réelles d’établir aujourd’hui une union islamique.
Le temps a passé, le contexte a changé. Aujourd’hui, il ne s’agit peut-être pas de nommer un calife, mais d’identifier des voies politiques et sociologiques permettant de transformer l’unité religieuse et émotionnelle des musulmans — gravée dans les symboles divins comme la prière, le jeûne, le hajj, la zakat, l’unicité, Jérusalem, la Palestine, Gaza — en une unité politique.
Le 7 octobre a ouvert un horizon, créé une motivation, révélé une nécessité.
Pendant nos interventions, nos regards tombaient souvent sur une phrase inscrite en grand sur le balcon du hall :
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